Cette migraine qui nous prend la tête
Selon l'International Headache Society, il est question de migraines dès qu'un patient subit au moins cinq crises de maux de tête de type céphalée d'une durée de quatre à 72 heures et au moins un symptôme associé tel que nausées, vomissements, hypersensibilité à la lumière ou au bruit. Un Belge sur cinq est confronté à ce trouble au moins un jour dans sa vie. Si la fréquence et l'intensité de la migraine varient selon les patients, celle-ci perturbe fortement la vie quotidienne, au point d'empêcher, par exemple, de se rendre au travail. Le diagnostic n'est pas toujours évident. L'identification des éléments déclencheurs importe pour mieux anticiper les crises.
Différents déclencheurs
Le problème avec la migraine, c'est qu'il y a beaucoup d'éléments déclencheurs. Difficile donc d'être certain à 100% de la cause à la crise. Toutefois, d'après les statistiques, les déclencheurs les plus fréquemment mentionnés sont le stress, un changement dans le rythme du sommeil, la lumière vive, l'utilisation prolongée d'écrans, ainsi que les lumières scintillantes. Globalement, les femmes y sont plus sensibles que les hommes, d'autant que le cycle hormonal est un déclencheur dans 36% des cas. Chez les jeunes, la migraine peut également être causée par la faim et la soif, mais d'autres éléments peuvent paraître plus surprenants comme des produits alimentaires tels que le fromage, le chocolat, les sucreries et les édulcorants artificiels.
En 2016, une équipe de scientifique de l'université de Harvard avait même mis en évidence une corrélation entre la migraine et la consommation de café. Leur étude avait démontré que le risque de crise chez les migraineux pouvait s'accroître à partir de trois tasses de café par jour. L'impact de la caféine dépend donc à la fois de la dose et de la fréquence.
Chez les filles, la puberté précoce favoriserait en outre l'apparition des migraines, selon des chercheurs américains de l'université de Cincinnati dans l'Ohio. D'après la Migraine Research Foundation, près de 10% des enfants en âge d'être scolarisés souffrent de migraine aux États-Unis. Cette incidence augmente de 23% chez les filles et de 8% chez les garçons à l'âge de 17 ans. Mais plus la puberté survient tôt, plus le risque de migraine augmente.
Vivre avec
Près de sept migraineux sur dix disent être confrontés à une douleur sévère, contre 6% des patients atteints de céphalées (maux de tête). La moitié des migraineux déclarent que leurs crises durent de 3 à 12 heures alors que pour sept personnes sur dix souffrant de céphalées leur mal de tête ne dépasse pas les deux heures.
Mais la souffrance n'est pas que physique. Un migraineux sur trois se sent ainsi coupable de l'impact de sa maladie sur son entourage. La moitié des patients le cachent d'ailleurs aux collègues parce qu'ils ont peur de donner l'impression de se plaindre. Quant à l'impact sur la qualité de vie, la moitié des malades (51%) pensent que leur vie affective ou sexuelle en souffre.
Combattre le mal
Mais il y a une lumière au bout du tunnel. Des médecins américains ont ainsi développé une application pour smartphone qui propose des exercices de respiration et de détente musculaire pour les patients qui souffrent de migraines. Développée par des scientifiques de l'école de médecine de l'université de New-York et baptisée RELAXaHead, l'application prévoit un suivi médical en fonction de la fréquence et de la sévérité des crises et se base sur la thérapie de relaxation musculaire progressive (RMP). L'expérience a montré que l'application a permis aux patients qui l'utilisaient au moins deux fois par semaine d'avoir quatre migraines en moins chaque mois.
Par ailleurs, un nouveau médicament, l'Aimovig, traite les migraines particulièrement douloureuses. Il n'est malheureusement pas encore remboursé en Belgique, au grand dam des patients et des spécialistes. Le traitement mis au point par Novartis présente peu d'effets secondaires mais a un coût élevé: de 500 à 1.000 par mois. De nombreux patients espéraient donc que le gouvernement rembourserait le médicament via la sécurité sociale. En août dernier, la firme a indiqué qu'elle allait introduire un nouveau dossier auprès de la Commission de remboursement des médicaments.
En attendant, il est toujours possible d'en atténuer les douleurs. Parmi les conseils pour mieux gérer la migraine, il convient notamment de manger des repas réguliers, de garder à portée de main des lunettes solaires, d'éviter de consommer un aliment dont on sait qu'il est un élément déclencheur, d'écouter son corps en dormant mieux et en travaillant sur une réduction drastique du stress, de bien s'hydrater en buvant au moins sept verres d'eau par jour, et de mettre la pédale douce sur la consommation de café et d'alcool.
Une forte cause d'absentéisme
En 2018, une étude menée par Novartis et l'Alliance européenne contre la migraine et les maux de tête, sur près de 11.000 personnes, avait bien mis en évidence les effets dévastateurs de la migraine sur la productivité au travail. D'après leurs conclusions, six employés sur dix souffrant de cette maladie sont absents en moyenne une semaine par mois.
Par ailleurs, cette pathologie réduirait de moitié la productivité au travail. D'après cette étude, en dépit des effets dévastateurs de la maladie, moins d'un patient employé sur cinq (18%) s'est vu offrir un soutien de la part de son employeur, même si une large majorité d'entre eux (63%) avaient été mis au courant de la migraine de leurs salariés. Et pourtant, selon les conclusions de Novartis en 2018, cela a un coût pour la société: entre 18 et 27 milliards en Europe et quelque 20 milliards $ aux États-Unis.
Déjà en 2016, c'est la société pharmaceutique GSK qui avait tiré la sonnette d'alarme. D'après un sondage réalisé alors par le bureau d'études GfK, trois travailleurs migraineux sur dix se sentaient incompris au travail, tandis qu'un sur trois cachait ses crises à ses collègues.