Le baiser, pas aussi universel qu'on pourrait le penser
« Embrassez-moi » murmurait Michèle Morgan à Jean Gabin dans Quai des Brumes (1938). Le baiser est une pratique qui s'affiche partout : au cinéma, dans les publicités et dans la rue. Pour nous, il n'y a pas de doute : c'est un comportement universel. Pourtant, selon un article paru le 6 juillet dans la revue American Anthropologist, seulement 46% des 168 cultures mondiales s'embrassent au sens romantique du terme.
Ce chiffre vient contredire une étude de 2013 qui affirmait que le baiser était un comportement presque universel, partagé par 90% des cultures. Mais des auteurs et des anthropologues dans les universités du Nevada et de l'Indiana, se sont aperçus que ce chiffre de 90 % ne reposait sur rien de solide. Ils ont donc exploré plus de soixante ans de littérature scientifique sur le baiser pour constater qu'en fait, personne n'avait consacré une enquête rigoureuse au sujet. Ils affirment donc que leur article est le premier à analyser « méthodiquement la présence ou l'absence du baiser romantico-sexuel autour du monde ».
Comment ont procédé ces chercheurs ?
Les chercheurs et anthropologues ont tout d'abord commencé par étudier les documents existants sur 155 sociétés différentes issues des neuf grandes « aires culturelles » de la planète. A savoir: l'Afrique, l'Asie, l'Europe, l'Amérique centrale, l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, les Caraïbes, le Moyen-Orient et l'Océanie. Pour compléter ces données, ils ont également contacté 88 ethnologues. Mais seulement 28 d'entre eux ont jugé utile de préciser s'ils avaient ou non observé la pratique du baiser. Au total, 168 cultures différentes sont représentées dans l'enquête.
Le résultat est assez étonnant : dans 54% des populations on ne s'embrasse pas, ou en tout cas pas de façon visible. Dans un contexte amoureux le « contact intentionnel des lèvres » se retrouve seulement dans 77 cultures, soit 46% seulement des populations mondiales.
Des disparités selon les régions
Il existe de très grandes disparités suivant les régions. Par exemple, les dix cultures du Moyen-Orient étudiées pratiquent le baiser. En revanche, il semble inconnu chez tous les peuples indigènes d'Amérique centrale.
Les chercheurs ont également observé une relation directe entre la présence du baiser et ce qu'ils appellent le « degré de stratification » de la société. Plus une société est complexe, avec de nombreux degrés de hiérarchie, plus on s'embrasse sur la bouche. Mais les auteurs de l'étude n'ont pas encore trouvé d'explications logiques à cette corrélation. Toutefois, ils soupçonnent « l'ethnocentrisme occidental (...) d'avoir promu l'idée fausse selon laquelle le baiser est quasiment universel ». Le baiser serait donc un comportement social construit par les sociétés occidentales.