Laurent Lafitte joue sur le rire et le malaise dans ‘L’origine du monde’: «Ce film rit du tabou familial ultime»
Pour sa première réalisation, Laurent Lafitte (‘Les Petits Mouchoirs’) a décidé de nous faire grincer des dents. ‘L’origine du monde’ le voit contraint de se tourner vers sa mère pour sortir d’une crise. Mais même Freud n’aurait pu imaginer ce qui l’attend… Rencontre depuis le Festival de Namur avec l’audacieux dandy du cinéma français!
D’où vient votre envie de réaliser?
Laurent Lafitte: «Ça fait longtemps que j’avais envie de réaliser. Je cherchais un sujet et j’avais plusieurs idées en tête. Et puis j’ai vu cette pièce, face à laquelle j’ai d’abord énormément ri. Mais c’est tellement plus qu’une rigolade.»
Pas trop dur d’être devant et derrière la caméra en même temps?
«Non, j’avais vraiment envie de jouer dedans. Jean-Louis me touche beaucoup. Comme toutes les familles, la mienne a des secrets qu’on a découverts avec le temps. C’est aussi le sujet du film, le silence familial.»
Votre personnage malmène sa mère pour arriver à ses fins…
«On parle souvent de tuer le père… Enfin bon, on ne la tue pas non plus! Mais oui, ça va loin, et il y a lecture freudienne assumée dans cette histoire. On joue avec un tabou universel lié à la mère. Et il n’y a rien de plus drôle en comédie que de se frotter à un tabou.»
L’humour joue tant sur le rire que sur le malaise…
«Le malaise est une émotion intéressante au cinéma. J’adore le cinéma de Buñuel, de Blier et de Pasolini pour la liberté de ton. Mais si l’intention n’est que de provoquer, ça ne marche pas. Il ne faut pas avoir peur d’oser, sinon on s’éteint. Un peu comme le tableau de Gustave Courbet dont le film tire son titre, qui peut être reçu comme un symbole, de l’érotisme, de la spiritualité. On peut tout y voir et chacun sera touché différemment par cette prise de risque.»
Parlons de la nudité dans le film!
«Je me suis préparé avec beaucoup d’eau et un coach sportif. Je ne voulais pas être en jachère à l’écran (rires)! Et quand j’ai proposé les rôles à Karin Viard et Vincent Macaigne, c’était la condition sine qua non. Il faudrait jouer le jeu de la nudité intégrale. J’avais besoin qu’ils me fassent entièrement confiance pendant cette petite semaine de tournage sans costumes.»
Toute une semaine?
«Oui… Le dernier jour, on en avait un peu marre (rires)!»
Review
Il y a des choses qu’on ne demande pas à sa mère! Le pauvre Jean-Louis (Laurent Lafitte), dont le cœur menace soudain de cesser de battre, est pourtant renvoyé dans les jupes de sa mère par une gourou zélée (Nicole Garcia), persuadée que sa crise de la quarantaine doit se régler en famille. En apparence, la première réalisation de Lafitte a tout de la comédie de boulevard parisienne typique: une atmosphère de huis-clos, des personnages énervés pour rien, et des comédiens de premier plan ravis de péter une pile à l’écran (divins Karin Viard, Vincent Macaigne et Hélène Vincent). Mais Lafitte pousse le bouchon, et prolonge ses situations comiques par de longs silences, faisant planer un malaise aussi grinçant que salutaire. Un premier film audacieux, grisant… à voir sans ses parents! 3/5