Arnaud Tsamere se livre dans un spectacle intime: « C’est très émouvant d’entendre à nouveau les gens applaudir et rire »
Dans «2 mariages et un enterrement», Arnaud Tsamere tente de répondre à la question «comment faire rire quand on tombe lentement dans la dépression?». Le point de départ d’un spectacle plus intime que jamais où l’humour absurde garde sa place de roi.
Votre spectacle parle de mariage, de divorce, de dépression… Aviez-vous déjà joué un spectacle aussi personnel?
«Absolument pas. La démarche est toute nouvelle pour moi. Les spectacles précédents étaient inventés de A à Z dans l’humour absurde que j’aime pratiquer. Donc je disais des choses sur scène qui étaient inventées. Et là oui, c’est la première fois que j’utilise comme prétexte de départ des choses qui me sont réellement arrivées dans la vie : le fait de m’être marié deux fois, d’avoir divorcé deux fois, d’avoir eu un enfant et d’avoir perdu mon père, tout ça dans un laps de temps très court de quatre ans. Au lieu de jeter l’éponge comme je voulais le faire, on s’est dit, avec Jérémy Ferrari qui a travaillé avec moi sur ce projet, qu’on allait prendre ces choses-là comme un formidable prétexte pour réaliser un spectacle drôle et relever le défi de faire marrer les gens en abordant ces thèmes-là.»
Comment Jérémy Ferrari vous a-t-il donné l’envie de remonter sur scène?
«Avec des mots très forts. On a déjeuné tous les deux et il m’a convaincu que ma place était toujours sur scène et qu’il fallait que je retrouve l’amusement et l’envie dans l’écriture. Et que ces choses-là que je vivais très mal devaient être un très bon prétexte pour retrouver l’envie d’écrire. Il a vraiment eu des mots très forts pour moi en tant qu’ami et artiste.»
Vous avez donc caché votre mal-être durant quatre ans.
«Oui, on est obligés. Notre métier, c’est de faire rire et de paraître bien, jovial, et de transmettre cette bonne humeur. Donc oui, j’ai continué à faire des sketchs chez Drucker, à faire l’imbécile chez Arthur… J’ai aussi fait un spectacle avec Ben en duo. Mais, évidemment, le public ne se doutait pas que j’étais très triste pendant tout ce temps-là. J’étais vidé de toute envie, de tout enthousiasme. Mais je n’arrêtais pas de me dire que la seule contrainte de mon métier était de laisser de côté cet aspect perso. Puis je me disais qu’il y a plein de gens qui continuent leur métier alors qu’ils sont en procédure de divorce. Donc pourquoi pas moi? Je me suis convaincu de tout ça puis, à un moment, il y a eu un trop-plein. Je me mentais à moi-même et aux gens. C’était malhonnête. Mais c’est vrai que, mis à part mes proches, personne ne pouvait se douter que je n’étais pas bien et que je vivais un mal-être profond.»
Comment se passe le retour sur scène après un an d’interruption Covid?
«Comme tout secteur d’activité qui a expérimenté le chômage pendant un an, cela se passe avec beaucoup d’excitation et d’envie. Tout reprend du sens car, pendant un an, on nous a expliqué que notre activité n’était pas essentielle. Le fait de remonter sur scène, d’entendre les gens rire et nous dire ‘qu’est-ce que ça fait du bien, vous nous aviez manqué’, c’est génial. Les choses se remettent en ordre dans nos têtes. On se dit que cela a du sens ce que l’on fait, que c’est aussi important pour le public. C’est quand on n’a plus les choses qu’on se rend compte de leur valeur. Je regoûte à ça et je mesure la chance que j’ai de faire ce métier. C’est très émouvant comme sensation d’entendre les gens applaudir, rire. Cela redonne du sens à notre métier. Ce sens-là, on l’avait un peu perdu toutes ces journées où on chômait chez nous.»
Avez-vous fait évoluer le spectacle ces journées où «vous chômiez chez vous»?
«Oui. D’un point de vue strictement artistique, l’année de fermeture a été assez salvatrice pour mon spectacle. Je l’avais rôdé dans une dizaine de salles et la fermeture m’a permis de bien le faire évoluer, de me rendre compte de ce qui ne me convenait pas, comme les 20 premières minutes».
Vous êtes un grand adepte de sport automobile. Quelles qualités sont communes aux métiers de pilote et d’humoriste?
«Ce que j’adore dans le sport automobile, c’est de regoûter au trac, au cœur qui bat et à ce stress que j’ai un petit perdu au fil des années dans mon métier car cela devient un univers qu’on maîtrise. Et je retrouve un peu ça dans le sport automobile. Cette sensation de trac est très similaire au départ d’une course et quand on monte sur scène. Il y a aussi des similitudes au niveau de la concentration, de l’engagement dans l’instant présent. Il faut être à 100% dédié à ce qu’on fait car l’erreur est interdite, que l’on soit sur scène ou en voiture. C’est un parallèle qui me plaît énormément.»
Dernière question plus personnelle: d’où vous vient votre amour pour les paperboards?
«(Rires). Je vous dis un secret, il y en a encore un dans le spectacle. C’est d’ailleurs très drôle car quand il arrive à la fin du spectacle, les gens applaudissent comme si c’était LE moment tant attendu. Mon amour du paperboard a une explication: c’est que je suis un grand fan de François Rollin qui a toujours fait des spectacles de professeurs et de conférenciers. Cela vient donc de là. Dès qu’on sort un paperboard, cela donne une attitude très professorale. Et cela crée un décalage comique formidable entre la forme, se tenir bien droit à côté d’un paperboard, et les pires conneries du monde que l’on peut raconter. Quand on écrit quelque chose sur un paperbaord, cela semble toujours vrai, peu importe ce que l’on écrit. Et là, il y a un ressort comique qui est génial et que j’adore utilisé.»