Dans l’enfer de Verdun: les œuvres de soldats créées durant la bataille exposées jusqu’à la fin de l’année
Dans l’enfer de Verdun durant la Première Guerre mondiale, artistes et soldats français et allemands n’ont cessé de créer avec «ce qu’ils trouvaient sur le champ de bataille»: pour la première fois, leurs œuvres sont exposées au Mémorial de Verdun, dans le nord-est de la France.
«Beaucoup d’œuvres reviennent là où elles ont été produites: Verdun vient à Verdun», se réjouit Nicolas Barret, directeur du Mémorial.
L’exposition, très complète, rassemble des peintures, dessins et objets sculptés par des soldats, artisans dans la vie civile donc rompus aux travaux manuels. Ils récupéraient des matériaux sur le front pour peindre ou sculpter dans les tranchées.
Comme Charles Grauss, soldat français tombé en 1917 dans l’Oise et passé par Verdun en 1916: il sculptait de petits objets dans des morceaux de bois, qu’il peignait ensuite pour les envoyer à sa fille.
Il avait aussi sur lui une petite boîte d’aquarelle et des carnets: dans ses dessins, «la guerre n’est pas là» mais le soldat a été «frappé par la destruction de la nature» sur le champ de bataille, explique Edith Desrousseaux de Medrano, une des commissaires de l’exposition «Art/Enfer – Créer à Verdun 1914-1918», qui se tient jusqu’au 31 décembre 2022.
Un devoir de transmission
Des artistes en devenir ou déjà confirmés, mobilisés sur le front, ont également créé à Verdun pour «transmettre» ce qu’ils voyaient et «garder une trace de ce qu’ils ont vécu», ajoute Mme Desrousseaux de Medrano.
Et ces artistes ont aussi dû improviser pour trouver de quoi peindre. Etienne-Auguste Krier (1875-1953) récupérait des couvercles de boîtes à cigares en bois sur lesquels il a peint à l’huile des scènes de son quotidien pour les envoyer ensuite à sa femme, «comme des cartes postales».
Fernand Léger (1881-1955) a également dû «œuvrer avec les moyens du bord» pour peindre en 1915 sa «Popotte de la vache enragée», qui a orné l’entrée d’un bivouac de soldats: pour le rouge du pantalon du soldat de la peinture, il a tout simplement collé un morceau d’un pantalon rouge garance, porté par les soldats français au début de la guerre.
Trop âgés pour être mobilisés, d’autres artistes, Français comme Allemands, se sont rendus sur le champ de bataille de Verdun, missionnés «pour que l’Etat ait des représentations fortes de cette guerre», raconte Edith Desrousseaux de Medrano. Des œuvres ensuite exposées au public, dès 1917 en France.
«Les opinions publiques ont besoin d’avoir des images qui disent la guerre», ajoute la commissaire.
Plusieurs casquettes
Certains artistes avaient même plusieurs statuts, comme Georges Scott, peintre des Armées et reporter de guerre du journal «L’Illustration». Il se rendra quatre fois à Verdun, d’où il rapportera croquis et articles. Croquis à partir desquels il composait ensuite ses toiles en atelier, dont «La Voie Sacrée», saisissant tableau montrant le convoi de soldats se rendant de nuit sur le champ de bataille.
Mais certains de ces peintres n’ont pas montré directement les combats, comme Victor Tardieu (1870-1937), qui a peint les ruines de la ville de Verdun, dans un style postimpressionniste.
Beaucoup de ces artistes se sont «autocensurés» devant l’horreur de Verdun et ont cherché «à évoquer le paysage» devant «leur incapacité à dire la guerre», d’après Edith Desrousseaux de Medrano.