Albert Dupontel, un candidat présidentiel pas comme les autres: «Le foot rend les gens tarés»

Et si nos politiques n’étaient que des marionnettes? Avec ‘Second tour’, Albert Dupontel (‘Adieu les cons’) embarque Cécile de France dans son univers comique, populaire et antisystème. L’histoire d’un candidat présidentiel un peu trop lisse, qu’une journaliste a décidé de démasquer avant son élection.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 4 min.

Peut-on dire que dans ‘Second tour’, la démocratie est une mascarade orchestrée par les gens qui mettent votre personnage au pouvoir?

«Une sorte d’aristocratie, oui. Ce n’est pas neuf. Depuis la chute du bloc soviétique, la mondialisation néo-libérale s’est emparée du leadership mondial. Mais c’est complètement con, on ne peut pas réduire un individu à son statut de consommateur. Mais un candidat qui veut replanter des forêts et foutre les avions au sol ne trouvera jamais de lobbys pour financer sa campagne. Faudrait avancer masqué. Je me suis dit que ça ferait un pitch de film intéressant.»

Les récits dans vos films fonctionnent souvent tel un puzzle à recomposer. Pourquoi?

«L’écriture me prend toujours un temps fou, jusqu’à dix-huit mois, alors que je finis toujours par écrire la même histoire. Là je m’apprête à écrire un nouveau film et je sens que les heures d’angoisse vont arriver. L’étape que je préfère, c’est le découpage avec la création du storyboard. Le film est une fable donc il faut que je trouve les moyens artistiques pour la raconter. Les lumières contrastées, les mouvements de caméra, le son et la musique… Je vois ça comme un coffre à jouet à remplir.»

Vous aviez déjà joué avec Cécile de France mais c’est la première fois que vous la dirigez. Vous a-t-elle étonné?

«Cécile est une actrice formidable, rigoureuse, enthousiaste, créative et dynamique. Elle est vraiment venue pour jouer et s’amuser. Elle a choisi sa tenue par exemple. Elle voulait se sentir asexuée parce qu’elle joue une journaliste d’info reléguée au foot. Elle s’est dit qu’à sa place, dans un stade rempli, elle ferait en sorte qu’on l’emmerde pas. Elle est naturellement très jolie et elle s’est arrangée pour pas l’être trop. Et puis, comme son personnage dans le film, elle a un petit côté discret qui n’en pense pas moins. Cécile vit dans son coin, toute seule avec ses enfants, près de son potager. Vivre comme ça dans la société médiatique d’aujourd’hui, c’est presque un acte de militantisme.»

Ce n’est pas la première fois que vous dirigez des acteurs belges…

«Il y a aussi eu Virginie Efira et Bouli Lanners, c’est vrai. Pour être franc, ce n’est pas leur nationalité qui m’a attiré. La Belgique, quelque part, je m’en fous. Mais la psyché belge, c’est quelque chose. Vous avez la jubilation d’appartenir à la culture francophone mais vous n’avez pas l’arrogance. Et je le sens avec les acteurs belges. On sent qu’ils viennent avec une dose de bonne humeur, de jovialité et de simplicité. Faut des nerfs d’acier pour vivre ici en même temps. Avec le gris du ciel, il faut pouvoir garder le moral.»

Les dialogues sont très fins. Où puisez-vous pour les charger avec tant d’humour?

«Pas dans le cinéma. C’est plutôt la vie qui me fait marrer. L’interprétation que les gens normaux donnent de la vie est dérisoire car la normalité, c’est absurde en soi. Ça n’existe pas! Et je me sers des dialogues pour prendre du recul et déjouer l’idée même de normalité.»

Le film taquine joyeusement le milieu du foot. On sent que vous aimez le sport mais sans fermer les yeux sur ses dérives…

«À ce stade, on peut parler d’euthanasie populaire je crois. Le foot rend les gens tarés. Notre conscience planétaire n’est déjà pas très élevée, mais dans un stade ça diminue sensiblement. Quand j’ai vu Emmanuel Macron au Qatar, j’avais honte. Un représentant de la France, assis dans un stade climatisé à côté d’une brochette d’assassins laissant crever leurs travailleurs de faim, ce n’est pas glorieux. Et à la fin il fait un câlin au joueur pour avoir mis la baballe dans le filet? Moi, ce que je vois, c’est un banquier en train de rassurer un millionnaire… Et je me demande si, culturellement, on n’a pas raté notre coup quelque part.»

Propos recueillis par Stanislas Ide au Festival International du Film Francophone de Namur.

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