«Àma Gloria», un drame rempli d’émotions sur les liens entre une fillette et sa nounou

Le drame attendrissant ‘Àma Gloria’ montre le désespoir d’une fillette de six ans et celui de sa nounou, lorsque l’enfant doit dire adieu à celle qui l’a élevée toutes ces années. Une histoire émouvante, mais la réalisatrice française Marie Amouchekeli sait de quoi elle parle. Elle l’a vécu elle-même.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 4 min.

Marie Amachoukeli : «Enfant, j’avais aussi une ‘nounou’, comme on dit en France. Je l’appelle ma ‘maman de cœur’. Elle s’appelait Lorinda et venait du Portugal. Un jour, cependant, elle a dû retourner dans son pays pour des raisons personnelles. Je ne comprenais pas. Je n’avais que six ans, à l’époque. Je ne comprenais pas qu’elle puisse m’abandonner comme ça. Après mon premier film ‘Party Girl’, que j’ai réalisé avec deux amis, j’ai senti le besoin de revenir sur cette déflagration dans ma vie et de sonder le lien entre moi et Lorinda.»

Quel a été votre point de départ?

«Une simple question: quel effet ça fait d’élever l’enfant de quelqu’un d’autre, tout en confiant ses propres enfants à un membre de la famille? ‘Àma Gloria’ parle non seulement de Cléo, cette fillette de six ans, mais je voulais aussi montrer l’autre côté de l’histoire, l’expérience de Gloria, la nounou. C’est pourquoi je suis allée discuter aussi avec plusieurs femmes dans sa situation. C’est ainsi, d’ailleurs, que j’ai rencontré Ilça Moreno Zego, qui joue Gloria. Elle est capverdienne, et j’ai donc complètement réécrit le scénario d’après son histoire et son profil.»

Durant ces conversations, avez-vous découvert des choses qui vous ont vraiment étonnée?

«Surtout le fait qu’elles donnent au premier enfant dont elles s’occupent une part de l’amour qu’elles ne peuvent donner à leurs propres enfants. C’est très complexe. Avec les années qui passent, ces femmes s’endurcissent et c’est moins douloureux. D’ailleurs, elles ne peuvent faire autrement. Elles comprennent qu’un contrat n’est pas nécessairement de longue durée et qu’elles doivent faire leurs adieux à un moment donné.»

Ce sont des expériences douloureuses que vous montrez. N’avez-vous jamais eu l’impression de profiter des traumatismes de ces femmes pour faire votre film?

«Je le vois plutôt comme un dialogue. Mon point de départ, c’est la curiosité. Je veux savoir ce qu’il en est, et aussi pourquoi personne d’autre ne demande à ces femmes comment elles se sentent. C’est aussi la manière dont nous avons fait ‘Party Girl’, car nous voulions savoir ce que c’est d’être une prostituée à 60 ans. Pour poser ces questions, je me nourris des expériences des gens. Je ne vois pas cela comme du vol. Je ne me sens pas vampire. C’est une collaboration, dont j’espère capter une certaine vérité.»

Votre jeune actrice principale Louise Mauroy-Panzani est une révélation. Où l’avez-vous trouvée?

«Elle était la toute première enfant invitée au casting. Nous l’avons vu passer, en face de l’agence de casting, en train de faire la sotte avec son frère. Nous avons demandé à sa mère si elle pouvait faire un bout d’essai et c’était… bingo! Nous avons encore testé deux autres enfants pour voir si nous ne nous trompions pas, mais Louise les surpassait de loin, alors qu’elle était encore si petite.»

Elle devait parfois jouer des scènes déchirantes, avec beaucoup d’émotion. Comment s’y prend-on avec une enfant aussi jeune?

«Nous avons travaillé avec une coach et elle avait un petit truc simple. Cléo porte des lunettes, Louise non. À chaque fois que Louise mettait ces lunettes, elle était donc Cléo. Et quand elle enlevait ces lunettes, elle redevenait Louise et elle pouvait aller s’amuser. Ce qui a certainement aidé aussi, c’est que Louise est très empathique. Dès qu’elle comprenait l’enjeu émotionnel d’une certaine scène, elle pouvait susciter une vraie émotion en un clin d’œil. Elle pouvait aussi la faire disparaître sans problème quand je criais ‘Coupez!’. Alors, nous faisions notre ‘yoga du rire’ pour souffler un peu, et ensuite elle le refaisait. C’était impressionnant à voir.»

‘Àma Gloria’ est actuellement en salles.

REVIEW

Cléo et Gloria. Deux personnages. Une fillette de six ans et une femme adulte. Il n’en faut pas plus à la réalisatrice Marie Amachoukeli pour vous nouer la gorge. Le lien entre les deux personnages est en effet si convaincant, si touchant et si intense que vous êtes embarqué d’emblée. Ce sont au départ des moments simples: Gloria qui emmène Cléo chez l’ophtalmologue, lui donne un bain, lui chante une chanson. Gloria est certes une nounou rémunérée, mais leur amour réciproque n’en est pas moins véritable. Ce que Cléo ne comprend pas, cependant, c’est que Gloria a aussi ses propres enfants au Cap Vert, et lorsque la nounou doit retourner dans son pays d’origine, c’est le monde qui s’effondre pour l’enfant. ‘Àma Gloria’ est un film porté par deux interprètes principales (non-professionnelles) formidables et imaginé par une cinéaste qui sait comment mêler réalisme, émotion et poésie du quotidien. Un film qui, en toute simplicité, fait mouche.

4/5

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