Avec «Mon Crime», Rebecca Marder rejoint la bande à Ozon: «François a une énergie de travail surdimensionnée»

Retenez bien son nom! Encore inconnue du grand public il y a quelques mois, l’actrice Rebecca Marder est partout. Nommée au César du meilleur espoir féminin pour ‘Une jeune fille qui va bien’ et lumineuse dans les scènes de jeunesse de ‘Simone, le voyage du siècle’, on la retrouve en tête d’affiche de ‘Mon Crime’, la nouvelle comédie théâtrale de François Ozon.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 4 min.

Comment avez-vous rejoint le casting cinq étoiles de ‘Mon Crime’?

Rebecca Marder : «J’ai passé un casting tout à fait classique pour jouer le rôle de Pauline, la jeune avocate poussant son amie Madeleine à tirer parti de la misogynie du tribunal qui la juge. Après les essais j’ai pu lire le scénario entier, et là j’ai ri à haute voix. Le texte regorgeait de répliques absurdes, comme ‘Désolé Madame, ce crime est déjà pris’ (rires)! C’était déjà très imagé et théâtral, et je n’avais qu’une envie: commencer l’aventure!»

Ozon est connu pour son amour des comédiens. Vous confirmez?

«Il est au plus proche de nous parce qu’il cadre lui-même sa caméra, ce qui est vraiment rare pour un réalisateur. Il devient un vrai partenaire de jeu, très attentif à notre expérience sur le plateau. Il faut dire qu’il a une énergie de travail surdimensionnée. Je m’étais toujours demandé comment il faisait pour sortir un film par an. Maintenant, je sais! Il fédère son équipe en donnant de l’attention à chaque détail, et donc à chaque artisan. Regardez les costumes dans ce film! Et les coiffures! Tout est magnifié!»

Sous ses airs de comédie, ’Mon Crime’ voit ses deux héroïnes renverser les dynamiques de pouvoir à une époque autrement plus liberticide…

«La pièce dont est tiré le film était assez misogyne en fait. François l’a remaniée en y injectant un peu de #metoo et de révolte. Je pense que le contexte des années 30 rend ces deux personnages, le mien et celui de Nadia Tereszkiewicz, plus visionnaires qu’immoraux. C’est d’autant plus explosif qu’on voit le film dans notre ère, celle du ’Je te crois’, et que ces deux héroïnes viennent quand même mentir au tribunal! Mais s’arrêter à ça serait une erreur. Déjà, elles n’accusent personne d’innocent. Elles s’en prennent à un producteur mort qui a tenté de violer Madeleine, qui est actrice. Elles s’incriminent elles-mêmes et prennent la parole à une époque où on la donnait rarement aux femmes. Au bout du compte, c’est une histoire d’amitié, de malice et de sororité. Si le film se déroulait en 2023, ce ne serait sans doute pas une comédie. Or l’humour permet de ridiculiser les figures des hommes qui veulent les manipuler. L’avocat général, le producteur, tous ces vieux mâles blancs baignant dans leurs privilèges. Bref, c’est l’histoire d’une actrice qui s’émancipe avec l’aide de son amie avocate. Et qui dénonce ainsi les injustices d’un rapport de domination encore en place.»

Comme souvent chez Ozon, le trouble s’impose quant à la sexualité des personnages. Êtes-vous la garante de ce fil rouge dans ’Mon Crime’?

«Moi je le pense, mais je crois que ça passera au-dessus de la tête de pas mal de monde. Ma mère n’avait pas du tout compris les allusions en tout cas (rires)! Ce que je trouve beau, c’est qu’on peut deviner une fluidité chez Pauline dans ses vêtements, dans son rapport au personnage d’Isabelle Huppert aussi. Mais pas dans son amitié avec Madeleine. Elles dorment dans le même lit, prennent leur bain à deux, mais toute évocation d’une sexualité moins normée est à trouver ailleurs que dans leur lien. C’est encore plus fort si on y pense.»

En quoi le film rend-il aussi hommage au cinéma?

«C’est un patchwork de clins d’œil lancés au cinéma muet, aux films d’Ernst Lubitsch, Billy Wilder ou Joseph L. Mankiewicz. Il y a aussi cette idée d’un rapport vertueux entre actrices de générations différentes, avec l’inclusion d’Isabelle Huppert dans notre dynamique. On est loin des crêpages de chignons et de la rivalité féminine qui a longtemps été entretenue par le cinéma finalement.»

‘Mon Crime’ sort en salles le 15 mars.