Benjamin Lavernhe sous la cape de l’abbé Pierre : «Il était dépassé par sa célébrité»

C’est la sortie événement de la semaine! Un biopic sur l’abbé Pierre débarque sur nos écrans avec, dans le rôle du fondateur d’Emmaüs, la nouvelle coqueluche du cinéma français Benjamin Lavernhe (‘Le sens de la fête’, ‘Le discours’). L’acteur qui a osé voler la vedette à Johnny Depp dans ‘Jeanne du Barry’ semble ravi de lever le voile sur les pans les moins connus de la vie du célèbre bienfaiteur.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 4 min.

Pourquoi sortir un film sur l'abbé Pierre aujourd'hui ?

Benjamin Lavernhe : «Parce que les actions de cet homme et des gens qui l'ont aidé ont marqué l'histoire du vingtième siècle, et qu’on ne peut que souhaiter qu'elles restent en héritage pour nous. On espère que le film réhabilite le bonhomme, son combat et sa parole, et que ça résonne fortement. Aujourd'hui en France, il y a encore plus de trois cents mille sans-abris dans les rues. Quatre millions de citoyens mal logés. C'est donc malheureusement plus actuel que jamais. Et des figures comme celles de l'abbé Pierre, il y en très peu. Je suis sûr que ça va trouver un écho et émouvoir les gens.»

Pourquoi l'affiche du film représente-t-elle l'abbé Pierre entouré de mains cherchant à le toucher?

«Ça raconte le destin de cet abbé dépassé par sa célébrité. Son ambition était immense, et il avait peur que ce soit de l'orgueil. Mais ce poids, c'était son destin. Il avait le pouvoir d'ouvrir les cœurs et de bouleverser les foules par ses prises de paroles. C'était un communicant hallucinant avec un charme fou. Ça lui permettait de passer son message et, par son ultra-sensibilité et son empathie, de toucher les gens. D'où son regard interrogateur sur l'affiche. Il semble questionner la présence de la foule tout en l'invitant à rejoindre son combat. Comme si l'armée était en marche et qu'il nous demandait ce qu'on attentait pour le suivre.»

Le film révèle des actions radicales de l’abbé Pierre au sein de la Résistance, et explore son rapport au célibat. Ça risque de ne pas trop plaire à l'Église tout ça, non ?

«Justement, l'abbé Pierre n'était pas dans le rang. Ce n'était pas un bon petit soldat et c'est ce qui faisait sa grande liberté. Il ne prenait pas des positions radicales pour faire chier le monde mais pour éveiller des consciences civiques. Il a donc parlé de l'homosexualité, du mariage des prêtres, de la question du désir et la souffrance de ne pas connaître la tendresse d'une femme tout au long de sa vie. Il a sans doute fait beaucoup de bien à de nombreux pratiquants en attente d'une parole décomplexée et salutaire. Personnellement, je trouve ce côté iconoclaste et indomptable merveilleux.»

Vous ne ressemblez pas à l’abbé Pierre. Comment avez-vous abordé votre transformation physique?

« Je mesure vingt centimètres de plus que l'abbé Pierre! J'étais catastrophé au départ, je cherchais constamment à cacher mes jambes.Mais Frédéric (Tellier, le réalisateur, ndlr) m'a rassuré en me rappelant que mes émotions servaient de vecteur aux spectateurs, pas le reste. Et que si on s'enfonçait trop dans le mimétisme, on risquait même de dénoncer l'artifice. J'ai donc cherché à évoquer sa silhouette, son style, son énergie, sa voix et son phrasé. Une fois lancé j'ai réussi à m'éclater, même en vieillard de 94 ans.»

Vous avez marqué le dernier festival de Cannes avec deux rôles opposés. Celui-ci, et celui du majordome de Louix XV dans 'Jeanne du Barry' de Maïwenn...

« Ce qui est drôle, c'est que j'ai joué ces rôles à la suite l'un de l'autre. Je n'ai eu qu’un week-end pour passer d’Emmaüs à la cour du roi. Il y a sans doute une peu de mon abbé Pierre dans ce rôle de valet. Même si c’était une autre ambiance quand même. En costume face à Johnny Depp dans la galerie des Glaces, avec le soleil couchant sur tout Versailles, on a vite l'impression d'être en dehors de la vraie vie.»

Certains journalistes ont même affirmé que vous lui avez volé la vedette...

«Alors ça, ce n’est pas à moi d’en juger... Mais ça me va (rires)!»

‘L’abbé Pierre’ sort en salles aujourd’hui.

L’abbé Pierre – Une vie de combats

Malgré sa foi, le jeune abbé Pierre (Benjamin Lavernhe) met du temps à trouver un sens à l’appel qu’il sent brûler en lui. Sa rencontre avec Lucie Coutaz (Emmanuelle Bercot) et leur travail pour venir en aide aux plus démunis serviront d’écrin à son accomplissement. Un an après ‘Simone – Le voyage du siècle’, un nouveau drame français sur une figure marquante du vingtième siècle vient titiller notre goût du biopic. Et raviver son travers habituel, la condensation d’innombrables événements en moins de deux heures. Au-delà de son penchant pour l’exhaustivité, ‘L’abbé Pierre’ n’a pas peur de sortir les violons et se prend un peu les pattes dans son premier degré. Les blasés rouleront des yeux, mais les plus curieux apprécieront l’exploration biographique d’aspects moins connus de la vie de l’homme sous la cape. En premier plan, son lien indéfectible avec la fidèle Lucie Coutaz, jouée par Emmanuelle Bercot. Connue pour ses penchants mélodramatiques, l’actrice de ‘Mon roi’ tire son épingle du jeu dans un récit pêchant par excès de classicisme.

2/5

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