Charlotte Rampling en photographe de guerre dans ‘Juniper’: « Vous devez être de nature guerrière »

À ses débuts, dans les années 1960, Charlotte Rampling (‘Swimming Pool’, ‘45 Years’) était l’actrice sublime au regard mystérieux. Aujourd’hui, elle est considérée comme une des meilleures actrices de composition de sa génération, avec toujours un halo de mystère, que l’on peut apprécier dans des blockbusters tels ‘Dune’ mais surtout aussi dans de petits drames comme ‘Juniper’.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 5 min.

Ruth, votre personnage dans ‘Juniper’, dégage quelque chose de fun, malgré son venin. Ce n’est pas fréquent chez les personnages plus âgés. C’était déjà dans le scénario?

Charlotte Rampling : «L’esprit du film était déjà sur papier, oui. C’est aussi ce qui m’a attirée. J’ai quand même demandé au réalisateur Matthew Saville si nous pouvions nous réunir et réécrire le personnage pour qu’il me corresponde mieux. Pour Ruth, Matthew s’est en partie inspiré de sa grand-mère et, dans le scénario original, elle avait plus de 80 ans. Je trouvais que c’était mieux d’en faire une septuagénaire, comme moi.»

Matthew Saville qualifie sa grand-mère de charmante, mais ce n’est pas le mot qui viendrait d’emblée à l’esprit pour décrire Ruth. Ou si?

«Il existe beaucoup de formes de charme. Plus l’histoire avance, plus le charme de Ruth apparaît. Au début, elle n’est pas charmante, car elle est brisée. Elle a toujours laissé tomber sa famille dans sa quête d’aventure et de vie intense. Là, elle est obligée de rentrer au pays et elle ne sait pas comment réagir. Elle est donc très agressive et méchante. Or, son petit-fils Sam riposte. Lui-même est en colère sur le monde et ne se laisse pas faire. Mais c’est justement pour ça qu’ils commencent à se trouver du charme mutuellement.»

George Ferrier, le jeune acteur qui joue le rôle de Sam, vous a envoyé avant le tournage une lettre manuscrite pour dire qu’il se sentait impressionné par vous. Avez-vous trouvé cela flatteur?

«Cette fois, oui, mais avant j’avais du mal avec ça. Je ne comprenais pas pourquoi d’autres acteurs pouvaient être impressionnés par moi. Je pensais qu’ils ne pouvaient pas me voir du fait qu’ils étaient aveuglés par mon image, et je trouvais ça tout sauf productif. Sur le plateau, nous devons tous être des gens simples. Ce qui m’a plu surtout dans la lettre de Sam, c’est qu’elle était manuscrite. Il aurait pu m’envoyer un e-mail, mais il avait pris le temps de coucher ça sur papier. Cela m’a flatté qu’un jeune homme pense à ça. D’autant qu’on n’est plus sûr aujourd’hui de pouvoir encore compter sur la poste.» (rires)

Avez-vous pu le rassurer?

«Je lui ai écrit une lettre à mon tour pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas de souci à se faire. Il pourrait tout simplement me parler. Nous serions sur un plan d’égalité. Je ne suis pas prof ou mentor non plus. Nous sommes partenaires à l’écran. Nous travaillons ensemble à un projet. Il devait être lui-même, tout comme je serais moi-même. Et entre les scènes, nous serions collègues.»

Ruth a toujours été photographe de guerre. Est-ce le job qui l’a rendue si dure, ou était-elle parfaite pour le job, ayant justement déjà cette dureté en elle?

«En tant que photographe de guerre, vous devez déjà être de nature guerrière. Vous devez avoir certains traits de caractère. Vous partez dans des zones de guerre et vous verrez des choses terribles. C’est selon moi aussi la raison pour laquelle Ruth s’est mise à boire. Énormément de reporters de guerre deviennent alcooliques, car cela devient trop pour eux à un moment donné. Ils se mettent donc à boire de plus en plus.»

Comment se fait-il que vous jouiez souvent des personnages plutôt silencieux, réservés et stricts. Qu’est-ce qui vous attire en eux?

«Je suppose que c’est lié à mon évolution personnelle. Ce sont des traits de caractère que j’ai en moi et qui ressortent. C’est finalement ce que font les acteurs. Nous savons comment laisser transparaître ces choses-là face caméra. C’est pour cela que j’aime bien choisir des personnages dans lesquels je me reconnais. À chaque personnage que je joue, il y a beaucoup de choses dont je me dis ‘Moi aussi, je suis comme ça’.»

JUNIPER

Le titre ‘Juniper’, genévrier en anglais, fait référence à la baie de genièvre, utilisée entre autres pour donner son goût spécifique au gin, la boisson que Ruth, un des deux personnages principaux du film ‘Juniper’, veut toujours avoir à portée de main. Ruth est une grand-mère, qui a eu une longue carrière de photographe de guerre, et qui a aussi mauvais caractère. Le fait de ne plus pouvoir se débrouiller seule après une fracture de la jambe et de devoir aller vivre chez son fils, ne la rend pas plus joyeuse. Son petit-fils Sam, quant à lui, est encore très marqué par le décès de sa mère et n’a pas très envie de s’occuper d’une vieille râleuse qu’il ne connaît pas. Le reste, vous pouvez assez facilement l’imaginer, et c’est aussi le gros point faible de ‘Juniper’. Ce premier long-métrage de Matthew Saville est certainement sensible et empreint de vécu, mais il manque d’idées ou de tournures surprenantes pour vraiment prendre à la gorge. Heureusement, il y a les excellentes interprétations, de Charlotte Rampling notamment, dans le rôle de Ruth.

‘Juniper’ sort en salles ce mercredi

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