«Holly», un drame belge authentique sur l’adolescence et l’empathie

Holly, ado timide et renfermée, a-t-elle des dons surnaturels ou simplement une capacité d’empathie exceptionnelle? Autour de cette question intrigante, la cinéaste belge Fien Troch construit un drame qui vous reste en tête. Et qui faisait partie de la sélection officielle au Festival de Venise, il y a quelques mois.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 5 min.

‘Holly’ parle d’adolescents comme votre film précédent ‘Home’. Comment brosse-t-on, à 45 ans, un portrait authentique de leur monde?

Fien Troch : «Ce n’est pas si simple. La base est heureusement – ou malheureusement – intemporelle: le mal-être de l’adolescence. C’est pareil à ce que j’ai connu. Mais le contexte est différent. Pour ‘Holly’, cela a été un peu plus facile que pour ‘Home’, qui était beaucoup plus lié à l’époque. Ce film-ci est plus abstrait. Je pouvais beaucoup plus décider et créer moi-même. C’est pourquoi il contient aussi beaucoup moins de réseaux sociaux et de technologie, qui datent une histoire. À part ça, je compte sur ma capacité à me mettre à la place des autres pour que ce soit authentique.»

Sentez-vous qu’en vieillissant, vous vous éloignez de ce monde?

«Absolument. Je sens que je quitte certaines phases de vie. On met aussi à chaque fois beaucoup de soi-même dans un film pour comprendre qui sont les personnages. Avec ‘Home’, je savais déjà que cette période de ma vie était terminée, mais j’avais le sentiment que j’étais encore assez jeune pour pouvoir en parler. Puis, soudain, arrive un moment où vous réalisez que vous devenez trop vieux. La folie qui est dans ‘Home’ – être jeune, faire la fête – ce n’est plus pour moi.»

C’est très important que Holly vienne d’une famille pauvre et brisée?

«Cela joue pour Anna, la prof qui ‘découvre’ Holly. Pour elle, cette pauvreté est en lien avec la pureté et l’innocence qu’elle voit en Holly. Holly ne hurle pas avec les autres, n’a pas ces baskets cool, est toujours seule dans la cour de récréation. Beaucoup de gens croient le cliché que la bonté est moins compatible avec la richesse et le succès. Ma grand-mère pensait ça aussi. C’est une idée très catholique: les pauvres gens sont de meilleures personnes, car moins corrompus.»

‘Holly’ est une histoire d’empathie. Les jeunes sont-ils plus doués pour l’empathie?

«Peut-être bien. Je suis tout à fait prête à croire que, jusqu’à un certain âge, on a quelque chose de spontané et qu’on ne juge pas les autres. Je pense que la plupart des jeunes ont d’eux-mêmes un regard positif sur le monde, mais que la négativité quotidienne l’émousse. La négativité des actualités aussi, qui est malheureusement souvent justifiée. Il n’y a pas grand-chose de réjouissant en ce moment.»

D’un autre côté, vous montrez comme dans ‘Home’ que les jeunes peuvent aussi être cruels entre eux.

«C’est vrai aussi. Je voulais à nouveau montrer comme ils peuvent être durs entre eux, sans qu’ils ne réalisent nécessairement qu’ils font vraiment beaucoup de peine à quelqu’un. Cela va dans les deux sens. Cela dépend de votre manière d’appréhender la vie et des gens qui vous entourent.»

‘Holly’ est un drame, même s’il y a aussi, ici et là, des moments drôles. Je pense à la scène où la prof entonne une petite chanson dans un bus rempli de personnes en deuil. Cela m’a rappelé les films de Ruben Östlund, comme ‘The Square’.

«Je comprends. Je ne m’en suis pas rendu compte en écrivant cette scène. Il ne faut pas que ce soit trop limpide. Pour beaucoup de gens, cette scène dans le bus n’est pas du tout drôle, mais très dure. Je la trouvais hilarante. (rires) Et Östlund est très bon là-dedans, tourner une scène pesante et y donner une tournure drôle sans se moquer. Quand on a de la peine, il y a en effet toujours l’humour.»

Qu’est-ce que vous, vous trouvez drôle?

«En ce moment, j’aime bien rire avec des memes, et des vidéos YouTube de gens qui se prennent des portes. Je peux les regarder pendant des heures. Cela m’inspire, mais cela me prend mon temps aussi. Pour les films, c’est plus difficile. Je ne peux me rappeler un film m’ayant fait rire aux éclats du début à la fin. Quoique, ‘The Hangover’ n’en est pas loin du tout.»

‘Holly’ sort en salles aujourd’hui.

Holly

Fien Troch (‘Kid’, ’Home’) facilite-t-elle les choses pour son public? Non, mais cela ne veut pas dire que ses films en valent moins la peine. Au contraire même, les silences et ambiguïtés dans ses histoires intriguent plus souvent qu’ils ne frustrent. Au cas où cela vous poserait tout de même un problème, voici une bonne nouvelle: ‘Holly’ est le moins cryptique jusqu’ici. C’est l’histoire d’une ado de 15 ans (belle interprétation de la débutante Cathalina Geeraerts), issue d’une famille défavorisée et traitée en paria à l’école. Jusqu’au jour où un terrible incendie coûte la vie à dix élèves. Or, Holly n’y était pas, à cause d’un mauvais pressentiment. Mais ce n’est pas ce côté surnaturel qui intéresse Fien Troch, mais plutôt la façon dont les autres réagissent au personnage principal, surtout lorsque Holly commence à profiter à son tour de sa réputation. ‘Holly’ est, tout en douceur, à la fois étrange, émouvant et même drôle. Et la conclusion mérite réflexion.

4/5

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