Isabelle Huppert impériale dans «La Syndicaliste»: «Je ne pense pas que le cinéma soit si militant»
Dans ‘La Syndicaliste’, Isabelle Huppert incarne Maureen Kaerney. Cette syndicaliste française avait lancé l’alerte contre le groupe Areva, se mettant l’industrie nucléaire à dos avec des conséquences dramatiques. Bien entourée pour l’occasion (Marina Foïs, Yvan Attal, Grégory Gadebois et la Belge Mara Taquin), l’actrice aux 16 nominations aux César lève le voile sur un scandale d’État… Mais préfère cultiver le mystère!
Vous êtes-vous replongée dans l’enquête Kearney pour vous préparer au rôle de Maureen?
‘La Syndicaliste’ était-il un polar dès l’origine?
«Oui, même si je pense que c’est avant tout le portrait d’une femme cherchant sa place. Maureen ne soupçonne absolument pas le danger qui la guette et se lance sincèrement pour défendre l’emploi des gens pour et avec lesquels elle travaille. Elle trouve un moteur personnel dans ce combat. C’est comme ça en tout cas que j’ai essayé de trouver du sens. Peut-être qu’il lui manque un objectif fort en dehors de son travail. Elle recherche une part de fiction et va s’y bruler les ailes.»
Pourquoi avoir mis l’accent sur sa relation avec le personnage de dirigeante joué par Marina Foïs?
«C’est un lien très ambigu! Marina joue Anne Lauvergeon, l’ancienne dirigeante d’Areva, qui endosse le rôle du potentiel traître, au sens tragique du terme. C’est d’autant plus violent que Marina la joue avec énormément de subtilité. On peut sortir de la salle en étant persuadé qu’elle est d’un côté comme de l’autre. Il y a un silence assez embarrassant au bout du compte car, plus l’histoire avance, plus Maureen se retrouve seule contre tous.»
Et toutes…
«C’est vrai! Le film a la force d’évacuer le cliché manichéen des hommes dangereux et des femmes salvatrices. Une collègue peut la trahir, la juge responsable de son procès ne cherche pas à la comprendre. Le monde échappe à la dichotomie, et ’La Syndicaliste’ aussi.»
L’ambiguïté est-elle un critère dans la sélection de vos films?
«J’aime les personnages qui ont des motifs insoupçonnés. Le cinéma est le médium idéal pour faire voyager les gens à travers les rêves ou les fantasmes des héros sur l’écran. L’histoire de Maureen Kearney a quand même tous les ingrédients d’une bonne fiction. Les hommes de pouvoir, la centrale nucléaire, le drame qui lui arrive et le mystère comme le combat qui s’ensuivent. C’est à se demander à quel point sa réalité a dépassé la fiction.»
Voyez-vous des liens entre vos différents rôles?
«Je comprends que le spectateur y pense. Il y a des parallèles avec ’Elle’ de Paul Verhoeven, c’est sûr. Moi j’y pense sans y penser. Ce qui me relie aux rôles qui précèdent celui-ci, c’est moi, tout simplement. Malgré le voyage d’un univers au suivant, il y a aussi la permanence. Ça me définit de film en film, autant que le changement.»
Le film invite à se révolter. Quels sont les films qui vous ont donné envie de bousculer le statu quo?
«Je ne pense pas que le cinéma soit si militant. Tout comme le roman d’ailleurs. Ça peut renforcer les convictions ou les défaire. Mais selon moi, ça reste une évasion plus qu’un acte politique. Je ne le dis pas avec complaisance. Je pense que mes films en sont la preuve, nombre d’entre eux sont assez durs, ou peu rassurants. Mais ça reste une ouverture plutôt qu’un ralliement. On a tous besoin de fiction. Un peu comme Maureen dans le film, tiens!»
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