Paprika Steen critique l’enseignement danois dans «Fædre & Mødre»: «On m’a dit que j’avais visé juste»
Demandez aux enseignants ce qu’ils trouvent le plus difficile dans leur job, et vous aurez certainement pour réponse: les parents. Dans sa comédie dramatique «Fædre & Mødre» (littéralement: pères & mères), la cinéaste danoise Paprika Steen montre les terribles dérapages possibles lors d’un weekend scolaire avec les parents. Et le film n’est même pas exagéré, dit-elle.
Ce film se veut-il le reflet de la réalité telle que vous la ressentez?
L’enseignement danois a-t-il tellement changé ces dernières années?
«Avant, nous avions un premier ministre conservateur qui voulait surtout que les enfants aient de bons résultats. Il n’y avait pas de temps pour autre chose. Après les élections de 2004, nous avons eu un nouveau gouvernement qui a voulu tout changer avec une grande réforme de l’enseignement. Désormais, les enfants doivent rester plus longtemps à l’école et ont, outre les matières classiques, de la musique et des activités créatives, avec davantage de possibilités d’inclusion pour tous les enfants de la société.»
Ça paraît bien, non?
«Oui, sauf qu’ils ont instauré cette réforme sans réfléchir. Les enseignants n’ont pas eu de temps pour s’adapter et ont été submergés de travail et de responsabilités supplémentaires. Et il n’y avait pas de moyens additionnels prévus pour financer tout ça. C’était une utopie, un projet idéaliste qui, en pratique, ne fonctionne pas. Mais nous devons faire avec, désormais. Et les enfants comme les parents sont mécontents.»
Dans le film, il est aussi question d’enfants concernés par le Paragraphe 20. De quoi s’agit-il?
«Il y a une douzaine d’années, le gouvernement a eu l’idée idéaliste de permettre à des enfants atteints de TDAH, d’autisme ou du syndrome d’Asperger de fréquenter l’enseignement traditionnel (cfr le décret pour l’intégration des élèves à besoins spécifiques en FWB, ndlr). Ceux-ci bénéficieraient d’un accompagnement supplémentaire avec des profs spécialisés. Mais là aussi, ça a été un échec.»
Dans «Fædre & Mødre», les parents s’enivrent lors de leur week-end avec tous les enfants. Est-ce du vécu aussi?
«Absolument. Lorsque nous sommes allés tourner cette scène folle autour du feu de camp, une amie m’a racontée qu’elle avait déposé sa belle-fille à l’école une semaine avant et qu’elle avait vu arriver des parents en partance pour ce genre de camp. Et un des pères avait sorti une Soundbox et toute une caisse de vodka de sa voiture. Le soir, la sortie avait dérapé. Deux pères en étaient venus aux mains et la police avait été appelée. Nous avons un problème d’alcool au Danemark. Thomas Vinterberg n’a pas exagéré lorsqu’il a réalisé ‘Drunk’.»
Vous avez un fils. Etes-vous déjà allée à ce genre de camp ou de fête?
«Une fois ou deux, mais j’ai vite arrêté. Je ne comprends pas le but. Que des parents fassent connaissance pour que leurs enfants s’entendent mieux? Cela n’a pas de sens. La seule chose qui se passe à ces petites fêtes, c’est que certains parents vous tapent sur les nerfs, certains se saoulent et certains sont méchants avec vous. Non merci.»
Le directeur d’école dans le film est un type imbuvable qui se comporte comme une sorte de gourou. D’où vient ce personnage?
«Mon fils a eu un jour un directeur qui était exactement comme ça. Vous savez, ce genre de personnes qui dans leur jeunesse étaient très sociables et idéalistes, mais qui en vieillissant sont devenues de plus en plus conservatrices et dictatoriales. Ce directeur était un homme épouvantable, un passif-agressif imbu de sa personne. Il adorait faire des speechs interminables. Et gare à vous si vous osiez lui tenir tête. Nous avons vite retiré notre fils de cette école.»
‘Fædre & Mødre’ sort en salles cette semaine.