‘Perfect Days’ : Wim Wenders se plonge dans la tête d’un homme heureux
« Parce que je voulais une sorte de personnage principal utopiste qui symboliserait une chose essentielle dans la manière de penser japonaise : le bien commun. C’était flagrant juste après l’épidémie de covid. Ma ville Berlin était en piteux état. Les parcs et espaces publics étaient dévastés. Au Japon, c’était exactement le contraire. Les gens portaient toujours des masques pour se protéger les uns les autres, tout était encore propre et net. Cela m’a rappelé pourquoi j’aime tant le Japon. »
« Nous nous sommes baladés pendant deux trois jours à Sumida, un quartier de Tokyo qui m’est très cher. C’est un des derniers quartiers où vous trouvez encore ces petites maisons basses caractéristiques et ces rues animées. On dirait presque le 19e siècle, même s’ils ont érigé, il y a quelques années, une énorme tour moderne au coeur de ce quartier, la Skytree. Je me suis dit ‘Très bien. Hirayama vit donc à l’ombre d’un arbre’. » (petit rire)
« Je n’avais pas le choix, car mon acteur principal, Kôji Yakusho, devait commencer un grand film de samouraïs. Et je devais moi-même rentrer en Allemagne pour terminer mon documentaire ‘Anselm’. Nous avons tourné ‘Perfect Days’ en 16 jours. Mais cela a suffi. J’aime les contraintes. J’essaie toujours d’enseigner ça aussi à mes étudiants : on fait les meilleurs films quand on doit tenir compte de restrictions. Sinon, c’est le bazar. Si vous me donnez une somme énorme pour faire un film, je ne saurai pas par où commencer. Donnez-moi 10% de ce budget et j’aurai tout de suite des idées. »
« J’en ai beaucoup parlé avec mon co-scénariste, le poète et écrivain Takuma Takasaki. Nous nous demandions quelle musique écouterait Hirayama. J’avais l’idée qu’il aurait peut-être encore quelques vieilles cassettes, et Takuma m’a raconté que beaucoup de Japonais en ont encore. Beaucoup de voitures sont encore équipées de lecteurs de cassettes. La musique analogique fait en outre un énorme comeback à Tokyo. Je montre cela aussi dans le film. Beaucoup de jeunes sont prêts à dépenser beaucoup d’argent pour des cassettes vintage. Surtout les compilations. Pour Hirayama, c’est une manière de s’accrocher à sa jeunesse. Il y trouve son plaisir. »
« Il vit d’une manière dont je voudrais vivre. Pour vous donner un exemple : j’ai 20.000 33tours à la maison. J’adore les vinyls et je ne peux m’empêcher d’acheter constamment de nouveaux disques. Mais je sais aussi que je ne peux peut-être écouter que 10% de cette musique. Souvent, je n’écoute un disque qu’une seule fois. Je regrette l’époque où j’achetais un LP chaque semaine et l’écoutais ce jour-là. Pareil pour les films et les séries et les livres. Il y a trop de tout. J’achète tout le temps des pots de peinture de différentes couleurs, car j’aimerais bien me remettre à la peinture, or j’ai déjà de quoi ouvrir mon propre magasin de peinture, je pense. (rires) Comme tout le monde, j’ai trop de tout et trop peu de temps. Hirayama est l’homme que je voudrais être, quelqu’un qui est content de ce qu’il a. Et qui n’éprouve jamais le manque. »
‘Perfect Days’ sort en salles aujourd’hui.
‘La voie vers une manière de vivre libérée par la compréhension de sa propre nature, obtenue par l’introspection et la contemplation’. Si cette définition du ‘zen’ vous semble trop difficile, nous vous invitons à faire la connaissance de Hirayama (formidable interprétation de Kôji Yakusho, primé à Cannes pour ce rôle). A première vue, l’homme mène une vie ennuyeuse et répétitive. Il gagne humblement sa vie en nettoyant les toilettes publiques (certes jolies) de Tokyo. Sinon, il s’occupe de ses plantes, fait des photos, lit des livres et écoute des cassettes. That’s it. Mais il est totalement heureux et comblé. ‘Perfect Days’, le nouveau film de Wim Wenders (‘Paris, Texas’), est l’antidote rêvé à notre existence stressante. Le sourire imperturbable du personnage principal est un remède en soi. Et, encore mieux, Wenders ne fait pas comme si la vie était exempte de problèmes. Hirayama s’avère, en effet, à avoir lui aussi des cadavres dans le placard. Ce qui compte, c’est comment on fait avec.
5/5
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