Pete Doherty raconte son parcours dans un docu: «Quand je me droguais, il m’arrivait de ne pas dormir pendant quatre ou cinq jours»

Peter Doherty n’est plus le même. Pendant des années, l’ancien (co-)leader des Libertines était un des bad boys du rock, à la fois poète et toxicomane. Mais l’homme qui nous serre la main au Festival du Film de Zürich a complètement décroché… et a pris pas mal de kilos. Le documentaire ‘Peter Doherty: Stranger in My Own Skin’ retrace ce difficile parcours.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 5 min.

Que ressentez-vous en voyant une grande partie de votre vie à l’écran?

Peter Doherty : «Question difficile. Il y a tant de choses dans le film, qui suscitent des émotions très diverses en moi. Il s’agit souvent des moments les plus intenses de ma vie, finalement. J’ai ressenti un mélange de honte, de fierté, de frustration, d’amour, tout ce que vous pouvez imaginer. Chaque fois que je vois le film, il y a autre chose qui remonte.»

Le documentaire dure une heure trente. Y a-t-il des moments importants de votre vie qui ne sont pas dans la version finale?

«Bien sûr. J’aimerais qu’on puisse montrer le montage initial de trois heures et demie. (rires) Il contenait bien plus d’étrange fiction and fantasy. Cette version n’était pas vraiment un documentaire, du fait aussi qu’il nous manquait encore une bonne fin, car je n’avais pas encore décroché à ce moment-là.»

Le film parle de musique, de créativité et d’addiction. Mais c’est aussi une histoire d’amour, la réalisatrice Katia de Vidas étant aujourd’hui votre épouse et la mère de votre enfant. Quand l’amour s’est-il immiscé dans tout ça?

«Dès le moment où j’ai vu ses yeux. Ce qui était après trois ans environ, car avant cela, elle s’était toujours cachée derrière sa caméra. Un jour, je l’ai vue et je me suis demandé ‘Oh, qui est-ce?’ (rires) Nous avons d’ailleurs commencé à filmer des moments plus intimes. Mais je ne pense pas que notre relation a eu une grande incidence sur le film. Sauf peut-être que j’ai permis à Katia d’être là où la plupart des gens ne peuvent jamais venir. La clinique où j’ai finalement fait ma cure de désintoxication, p. ex.»

Pensez-vous faire une musique différente depuis que vous êtes clean?

«Ma méthode est différente. Avant, j’étais constamment en train de faire de la musique, car j’avais le sentiment de devoir prouver à tout le monde que je ne gaspillais pas mon temps avec la drogue que je prenais. Surtout aux autres membres du groupe ou à mes managers. Comme si je voulais dire ‘Vous voyez? J’ai dépensé beaucoup d’argent en drogue, mais il y a toutes ces chansons en contrepartie’. Ce n’est plus comme ça aujourd’hui. Je ressens encore la pression, mais c’est davantage le besoin personnel de créer. Je n’ai plus à compenser quoi que ce soit. Ma vie est différente aussi. Quand je prenais de la drogue, il m’arrivait de ne pas dormir pendant quatre ou cinq jours. Je m’enfermais dans mon petit monde avec tout ce dont j’avais besoin. Ce n’est plus possible aujourd’hui. J’ai un bébé qui a faim et de la vaisselle à faire. Alors qu’avant je jetais simplement la vaisselle par la fenêtre.» (rires)

On voit beaucoup de drapeaux britanniques au cours du film, mais à la fin, vous agitez le drapeau français. Que vouliez-vous dire ainsi?

«Rien, en fait. Sauf que j’aime les drapeaux. C’est difficile à expliquer. Cela n’a rien à voir non plus avec le nationalisme. J’aime tout simplement les symboles et les objets historiques. Je devrais faire plus attention, car cela amène souvent des problèmes. Je me souviens qu’avant un concert au Pérou, j’avais accroché ce drapeau national au-dessus de la scène. Après, des indigènes péruviens étaient venus me dire que je n’aurais jamais dû le faire, ce drapeau étant le symbole de l’oppression. Ils m’avaient donc donné un drapeau indigène. Là dessus, d’autres Péruviens étaient venus me dire que je ne pouvais pas étendre ce drapeau-là, car ces peuples indigènes ne vaccinaient pas leurs enfants. (rires)»

Ce drapeau français n’est donc rien de plus qu’un bout de tissu?

«J’ai été pendant un temps obsédé par la révolution française. Ce bout d’histoire précoloniale. Et le ‘tricolore’ en est le symbole. Cela n’a rien à voir avec une idéologie de droite. Pour moi, ce sont de jolies couleurs. Je me distancie d’artistes comme Ringo Starr, Morrissey et Roger Daltrey [des Who, rn], qui agitent le drapeau britannique et étaient pro-Brexit. Je préfère rester en dehors de tout ça.»

‘Peter Doherty: Stranger in My Own Skin’ sera projeté le jeudi 16 novembre dans certaines salles. Toutes les infos se trouvent sur le site www.dohertyincinema.com.

Peter Doherty: Stranger in My Own Skin

Il faut être bien naïf ou ignorant pour penser qu’un documentaire puisse réellement être objectif. Les réalisateurs choisissent toujours ce qu’ils filment ou quels extraits d’archives ils gardent au montage. Dans le cas de ‘Peter Doherty: Stranger in My Own Skin’, il est quand-même bon d’en savoir plus sur la personne derrière la caméra. La cinéaste française Katia de Vidas avait pour mission de filmer quelques concerts du groupe de Doherty, Babyshambles. C’était aux alentours de 2007, à l’époque de leur deuxième album. Le courant passant entre le rockeur et la réalisatrice, de Vidas a pu filmer de plus en plus les coulisses, ils ont créé ensemble un nouveau groupe (Peter Doherty and the Puta Madres), sont devenus un couple et, depuis juin, ont aussi un enfant ensemble. Rien d’objectif donc. Cela explique sans doute pourquoi de Vidas effleure tout au plus certaines pages sombres de la vie de Doherty (les décès dans son entourage). En somme, ‘Peter Doherty: Stranger in My Own Skin’ a plus d’un journal intime filmé. Doherty ne cache pas du tout sa toxicomanie, même s’il se voit manifestement surtout comme une sorte de talentueuse victime. Un portrait orienté, disons.

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