Pixar joue avec le feu : ‘Élémentaire’ est-il aussi réussi que ‘Vice-Versa’?

Après les émotions de ‘Vice-Versa’, Pixar mise sur la personnification des éléments fondamentaux. ‘Élémentaire’ conte la rencontre explosive entre Flam (Adèle Exarchopoulos) et Flack (Vincent Lacoste), issus respectivement du feu et de l’eau, et supposés s’éviter. L’occasion pour le réalisateur Peter Sohn d’évoquer des thèmes qui lui sont chers, comme le racisme et la migration. Rencontre!

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 5 min.

À quel élément fondamental vous identifiez-vous le plus?

Peter Sohn : «J’aimerais tellement vous répondre le feu mais je suis clairement aquatique. C’est indéniable, je suis très émotif et je pleure pour un oui ou pour un non.»

Quel élément a été le plus amusant à animer?

«Le plus amusant et le plus simple, c’était le feu, sans hésitation. Donner vie à Flam, notre héroïne portant l’histoire sur ses épaules, était une sacrée paire de manches mais la voir prendre forme nous a remplis de bonheur. Le plus dur, c’était l’eau. C’est un véritable miroir. Si vous regardez de l’eau avec attention, vous constaterez qu’elle peut avoir n’importe quelle couleur de l’arc-en-ciel. On s’est bien pris la tête pour l’animer avec toutes les différentes sources de lumière entourant Flack et les autres personnages aquatiques.»

Les films Pixar sont connus pour être remplis de petits clins d’œil. ‘Élémentaire’ n’échappe pas à la règle?

«Bien sûr que non. Ce serait fastidieux de vous les lister mais je peux vous dire qu’il y a une très brève référence à Ralph Eggleston. C’est l’homme qui, il y a 23ans, m’a engagé chez Pixar. Il est mort l’an passé, et je voulais lancer un de ces fameux clins d’œil à mon mentor, à mon ami.»

‘Elemental City’ est un univers magique à découvrir. De quelles villes vous êtes-vous inspirés pour la construire?

«On s’est inspirés de l’architecture de toutes sortes de villes, en général avec un port. Pour l’inclusion de l’eau mais aussi pour ajouter la dimension de la migration, et voir comment ces villes accueillent leurs nouveaux habitants. Pour les immeubles, tout était bon pour activer notre imagination. Les gratte-ciels aux designs aquatiques du Moyen-Orient comme les bâtiments plus terriens de certaines villes brésiliennes. Et puis New York, bien évidemment. On a passé le monde entier au crible!»

Que raconte cette ville où quatre éléments cohabitent?

«On voit bien que Flam vit sans tracas dans son quartier de Fire Town, où toute sa communauté s’est réunie en marge de la ville. Elle évite tant que possible de se rendre dans le centre d’Elemental City car les infrastructures y sont prévues pour l’eau, pas pour le feu. Pourtant, grâce à Flack, elle découvre la ville sous un nouveau jour. La ville est donc composée de menaces mais de jolies surprises aussi.»

Flam a du tempérament et Flack est un grand émotif. Une volonté d’inverser des stéréotypes de genre?

«C’est surtout parti de notre envie de jouer avec les possibilités que le feu et l’eau nous donnaient. Flam explose et Flack fond en larmes, c’est aussi simple que ça. Mais je dois admettre qu’il y a un écho évident avec ma femme et moi. Elle est d’origine italienne et moi coréenne. Je n’insinue pas que tous les Italiens sont des têtes dures mais ma femme est passionnée, et moi un peu plus guimauve. Je pense que ça m’a guidé dans mon travail.»

Quel a été le plus grand défi pour vous dans la préparation du film?

«Pour être franc, le décès de mes deux parents. Mon père au début de la production et ma mère vers la fin. J’ai parfois dû m’appuyer sur les équipes, mais j’ai surtout essayé de les rendre fiers en travaillant tant que possible sur le film.»

Vos parents ont d’ailleurs été une source d’inspiration, non?

«J’ai grandi à New York et mes parents comme moi avons dû affronter pas mal de xénophobie. Ce sont des valises que je porte en moi à ce jour, et dont je parle à mes enfants pour les préparer. Mais je voulais que le film soit porteur d’espoir. Avec toutes ses couleurs, il montre le plaisir ludique de voir interagir les communautés, tout comme l’importance de les reconnaître et d’entendre leurs histoires.»

ÉLÉMENTAIRE

Bienvenue à Elemental City, une mégapole où le feu, la terre, l’air et l’eau cohabitent. Un lieu clairement pas pensé pour le feu, qui est arrivé en ville bien après les trois autres éléments. Ceux-ci se méfient donc poliment du feu, et vice-versa, même si la jeune Flam s’apprête à bousculer l’ordre des choses en se rapprochant de Flack, un garçon aquatique. En perte de vitesse depuis quelques années, le studio Pixar retrouve presque la forme de ‘Soul’ avec cette jolie fable sur le vivre-ensemble. Le propos sur le poids de la migration et sur les inégalités communautaires est un peu didactique, surtout si on compare le film à des bombes Pixar comme ‘Monstres et Compagnie’ ou ‘Vice-Versa’. Mais l’animation de la ville pleine de petites trouvailles pour voir interagir les quatre éléments vaut à elle seule le détour. Tout comme la romance interdite des jeunes héros, certes peu originale mais bourrée de charme.

3/5

‘Élémentaire’ sort au cinéma ce mercredi.

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