‘Reality’, un film sur une lanceuse d’alerte: «Les agents du FBI ont débarqué chez elle et tout enregistré, tout!»

Popularisée par les séries ‘Euphoria’ et ‘The White Lotus’, l’actrice américaine Sydney Sweeney change de registre dans ‘Reality’, le récit en temps réel de l’arrestation d’une lanceuse d’alerte par le FBI. La réalisatrice Tina Satter nous explique ce qui l’a fascinée dans cette histoire vraie, et en quoi elle contient tous les éléments d’un bon thriller.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 4 min.

Reality Winner a été confrontée par le FBI chez elle en 2017. Comment cette histoire est-elle devenue un film dans votre imagination?

Tina Satter : «Je n’ai pas suivi l’affaire à l’époque. J’ai sans doute vu passer sa photo d’identité à la télé mais son nom a un peu plus marqué les esprits je pense. C’est ironique de se nommer ’Réalité Gagnante’ lorsqu’on est accusée de révéler des secrets d’État, non? Cinq mois plus tard, je suis tombée sur un article de fond dans le New York Magazine, et je suis vite tombée sur l’enregistrement audio de son arrestation, en libre accès. Car les agents ont débarqué chez elle et tout enregistré, tout! C’était une discussion de deux heures particulièrement tendue, et le thriller qui se cachait derrière m’a sauté aux yeux.»

Ce fichier audio du FBI sert de squelette apparent au film, qui le respecte mot par mot et en temps réel. Un choix évident?

«Oui! En l’annonçant dès le début les spectateurs savent que rien n’est exagéré, alors que ce qu’on voit à l’écran est complètement dingue. Notamment les tactiques de diversion utilisées par le FBI pour la déstabiliser. Mais il n’y a pas que ça. Le plus fou, c’est que leur discussion fonctionne vraiment comme un scénario. On découvre peu à peu son passé de militaire grâce aux questions des agents. Puis son travail de linguiste à la sécurité nationale. Sa personnalité aussi, comme quand elle leur explique qu’elle est fan de CrossFit ou que ses animaux comptent plus que tout pour elle.»

Le jeu des deux acteurs jouant les agents est très malaisant, presque comique…

«Je sais, alors qu’ils ne font que répéter les mots et les intentions des vrais agents. C’est glaçant. Josh (Hamilton, vu dans ’Eighth Grade’ de Bo Burnham, ndlr) s’est beaucoup inspiré des petits bégaiements de l’agent qu’il joue, et qu’on entend tout au long de l’enregistrement. Et de sa voix si sympathique, qui fait penser à un père de famille lambda. Le reste vient de son imagination, comme les roulements d’yeux, ou les sourires insistants.»

Le doute concernant la culpabilité de Reality Winner est constant. C’est l’effet recherché?

«Oui, même s’il n’a pas fallu grand-chose pour l’installer. Reality ne cadre avec aucun archétype national américain, comme le républicain trumpiste ou l’intellectuel libéral. C’est une ancienne militaire pro-arme, mais adepte de yoga et soucieuse du climat, et potentiellement lanceuse d’alerte. Les spectateurs du film ne savent donc pas dans quelle case la ranger, ce qui ne fait qu’augmenter le suspense.»

Le choix de Sydney Sweeney pour jouer le rôle a-t-il été rapide?

«Pas vraiment. On était assez loin dans le processus de casting quand je l’ai rencontrée. D’emblée j’ai senti qu’elle avait fait ses recherches et que j’avais devant moi une jeune femme intelligente. Un trait de caractère qui me marque aussi chez Reality. Elle a passé des essais, on l’a choisie, et ce qu’elle nous a montré pendant le tournage a explosé nos attentes.»

Avez-vous pu discuter avec la vraie Reality Winner en amont du tournage?

«Sydney et elle ont beaucoup discuté, et j’ai voulu leur laisser une certaine intimité. Elle n’a pas vu le film et ne souhaite pas le voir. Elle dit que c’est trop traumatisant pour elle et je comprends totalement. Mais elle le soutient et j’en suis super reconnaissante. Sa mère et sa sœur ont vu le film et lui ont dit qu’il lui rendait justice, qu’elle n’était pas décrite comme la dangereuse terroriste que les procureurs ont voulu dépeindre.»