‘Roter Himmel’ (‘Le Ciel rouge’), un film primé surprenant qui rejoint le monde des rêves
Un des meilleurs films de la Berlinale cette année était sans aucun doute ‘Roter Himmel’ (‘Le Ciel rouge’) du réalisateur allemand Christian Petzold (‘Barbara’). En apparence, une histoire simple avec une poignée de personnages dans une maison de vacances à la mer, mais c’est bien plus que ça. Et pour le personnage principal, l’arrogant Leon, Petzold s’est inspiré de lui-même, déclare-t-il.
Petzold: «Mon premier téléfilm, ‘Pilotinnen’, a été très bien reçu. J’ai été invité à toutes sortes de festivals et tout le monde voulait mon autographe. Et j’ai pleinement savouré cette attention. À tel point que je voulais réitérer ça avec mon film suivant. J’ai donc écrit une histoire avec toutes sortes de références au film noir classique et je suis allé tourner sur la côte belge, à Knokke et au Coq. Après deux jours, ma copine m’a dit une chose que je n’oublierai jamais: ‘C’est comme si tu jouais au réalisateur’. Au moment même, je me suis senti très blessé, mais je savais aussi qu’elle avait tout à fait raison. J’étais un réalisateur arrogant qui faisait comme s’il savait tout du cinéma. C’est sur cette idée qu’est basé le personnage de Leon dans ‘Roter Himmel’.»
Leon est quelqu’un qui semble ne penser qu’à son travail et n’a jamais envie de profiter de la vie. Est-ce pareil pour vous?
«Heureusement, pas de façon aussi extrême que Leon. Il gâche vraiment tout. Mais votre travail est quelque chose de spécial quand vous êtes dans le secteur artistique. Je me souviens d’un jour où j’étais à un festival. Deux collègues insistaient pour que je les accompagne à une petite fête le soir. Il y aurait de formidables DJ et ce serait super, disaient-ils. Mais j’ai dit non, je dois encore travailler. Je suis donc retourné dans ma chambre d’hôtel, et j’ai passé toute la soirée à regarder Eurosport. Quand j’ai revu ces collègues le lendemain, ils m’ont dit que j’avais raté une fête géniale, et ils m’ont demandé ironiquement si j’avais bien travaillé. Et j’ai répondu ‘Incroyable. J’ai sûrement écrit 20 pages!’ De quoi à nouveau leur gâcher leur soirée.»
Quand vous faites des films qui sont si personnels pour vous, avez-vous l’impression d’une forme de thérapie?
«Oui, mais surtout grâce aux acteurs. Avant de faire un film, j’aime bien faire une sorte de retraite pendant quelques jours. Nous lisons alors le scénario, j’explique tout ce à quoi j’ai pensé, nous en discutons, nous regardons des films ensemble et nous visitons les lieux du tournage à venir. Cette fois, j’ai été frappé par le nombre de fois que nous avons ri de situations dans le scénario. Je n’avais pas du tout écrit ‘Roter Himmel’ comme une comédie, mais les acteurs sont parvenus à trouver l’humour. C’est comme s’ils m’ôtaient le film des mains et se l’appropriaient. C’était ça ma thérapie.»
Le ‘ciel rouge’ du titre renvoie à un feu de forêt qui se rapproche de plus en plus. Cet été, nous avons à nouveau connu de grands incendies partout en Europe. Votre film parle-t-il aussi de la crise du climat?
«Oui et non. Ce n’est certainement pas le sujet. Je déteste les films qui ont un message important. Ils sont souvent faits par des journalistes qui veulent aborder un sujet politique ou social et inventent une histoire fictive pour en parler. Le spectateur n’a plus qu’à avaler, car ce que le film veut dire est très clair. Ce n’est pas mon idée du cinéma. Je préfère des films qui rejoignent le monde des rêves, et les rêves sont beaucoup plus complexes que ça. Parfois, ils sont contradictoires. Dans ce film, la forêt qui brûle ne symbolise pas la crise du climat. La peur que nous détruisions notre monde, les personnages vivent avec, mais ce n’est pas le sujet du film.»
Vous construisez le film autour d’une chanson intrigante, ‘In My Mind’. D’où vient-elle?
«C’est une chanson d’un jeune groupe viennois, les Wallners. Je l’ai découverte par hasard. J’aime rouler en voiture et écouter la radio. Je n’utilise jamais Spotify, car vous n’écoutez alors pratiquement que vos propres playlists. Je veux faire partie d’un collectif, et cela signifie aussi être ouvert à des choses que vous ne connaissez pas. Ce jour-là, les Wallners étaient les invités de l’émission et ils ont joué cette chanson. J’ai tout de suite su que je la voulais dans le film.»
‘Roter Himmel’ sort en salles aujourd’hui.
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