‘Sabotage’: «Nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons résister»

N’est-il pas temps d’accélérer la protection de la nature et de saboter des installations nuisibles? C’est la question provocante que pose ‘Sabotage’ (‘How to Blow Up a Pipeline’), un éco-thriller efficace sur un petit groupe d’activistes qui prennent pour cible un oléoduc. Pour le réalisateur Daniel Goldhaber, nous devons au minimum bien réfléchir à l’idée avant qu’il ne soit trop tard.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 4 min.

‘Sabotage’ est basé sur un manifeste de l’écologiste suédois Andreas Malm, intitulé ‘How to Blow Up a Pipeline’. A-t-il collaboré activement au film?

Daniel Goldhaber : «Andreas était la première personne à laquelle nous avons parlé du film, et il nous a mis en contact avec différents activistes et penseurs écologistes. Il a lu toutes les versions du scénario et il est venu régulièrement sur le tournage aussi. Il soutenait totalement le projet.»

Ce n’est pas le premier film sur des activistes, lanceurs d’alerte ou enquêteurs écologistes, loin de là. Je pense à ‘Erin Brockovich’, ‘Dark Waters’ ou ‘Night Moves’. Quelle est la particularité de ‘Sabotage’?

«Nous voulions surtout en faire un film divertissant et aussi une success story. Pour moi, la grande différence avec ces autres films, c’est que les personnages prennent la décision de faire exploser une infrastructure fossile et voient cela comme un acte de légitime défense. Et nous utilisons les règles des films d’action, des films de braquage et des westerns pour raconter cette histoire.»

Le film pose une question provocante mais a aussi un avis tranché. Comment éviter de verser dans la propagande?

«En intégrant le plus possible de perspectives et de personnages différents dans l’histoire. La fin était importante aussi à cet égard. Le film devait faire comprendre que tout n’est pas blanc ou noir. Ce n’est pas une action facile, et certains personnages doivent faire des sacrifices.»

Était-il important pour vous de mettre quand-même leur sabotage en question?

«Ce n’est pas un hasard si les personnages discutent régulièrement de leur action, de la façon de s’y prendre et de ce que font d’autres groupements. Le film est bien conscient qu’une telle action peut causer des dommages collatéraux involontaires. C’est pourquoi il termine aussi par la phrase ‘Ceci était un acte de légitime défense’. Nous sommes d’accord, c’est un droit fondamental de se défendre contre quelqu’un qui menace votre vie. Même si cela peut avoir des conséquences non voulues. C’est la question essentielle que nous voulons poser avec ce film: si des combustibles fossiles rendent cette planète invivable, avons-nous alors le droit de les éliminer nous-mêmes?»

Comment réagiront les autorités et les entreprises face à de tels actes de sabotage, à votre avis?

«Comme elles le font déjà maintenant. Aujourd’hui, des activistes se font déjà arrêter aussi, sont placés en détention préventive et sont accusés de terrorisme pour avoir participé à des protestations non-violentes. Les entreprises n’hésitent pas à protéger leurs intérêts d’une main de fer, même si ceux-ci détruisent notre planète. Cela peut-il encore empirer? Absolument. C’est pourquoi nous devons réfléchir à ce que nous, gens ordinaires, pouvons faire pour nous y opposer. Et encourager cette résistance.»

‘Sabotage’ est-il, pour vous, un film porteur d’espoir?

«L’espoir est extrêmement important. Beaucoup de gens sont très inquiets. Que voulez-vous? Depuis des dizaines d’années, des scientifiques mettent des preuves sur la table comme quoi cela va mal tourner si nous continuons ainsi. Et tout ce temps, la réaction des autorités a été: ‘Allez voter. Utilisez des ampoules LED. Achetez éventuellement une voiture électrique. Consommez mieux et ne vous faites pas de souci. Le système réglera ça’. Des conneries, évidemment, et tout le monde l’a senti aussi. Résultat? Il y a eu bien trop peu de véritable action. Si ce film donne espoir à des gens, ce n’est pas parce que nous leur disons d’aller faire sauter des pipelines mais parce que nous sommes honnêtes. Nous faisons comprendre que nous ne changerons pas le système le plus puissant qui ait jamais existé en descendant dans la rue, en votant et en achetant de meilleures ampoules. Il faudra plus que ça. Ne nous voilons pas la face surtout.»