Stephen Frears se réattaque à la monarchie: «L’histoire est tellement ridicule que ça la rend britannique»
De la reine au roi, il n’y a qu’un pas! Stephen Frears, le réalisateur de ‘The Queen’ et ‘Victoria and Abdul’, se frotte une fois de plus à la monarchie britannique avec ‘The Lost King’. Une comédie basée sur des faits réels, suivant une historienne amateure dans ses efforts pour retrouver les ossements du roi Richard III… plus de 500 ans après sa mort!
Qu’est-ce qui a piqué votre intérêt dans cette histoire d’une femme cherchant les os de Richard III pour réhabiliter sa réputation?
Stephen Frears : «J’y ai vu une comédie dès le départ car l’idée d’un roi britannique gisant sous le parking d’un centre de services sociaux est assez drôle en soi. J’ai ensuite appris que le travail de Philippa avait été très dur et que l’université de Leicester l’avait assez mal traitée. Il y avait tous les éléments d’une bonne histoire, pas trop conventionnelle. Lorsque j’ai enfin rencontré la vraie Philippa il y a quelques semaines, je lui ai demandé si on avait visé juste. Elle a dit oui!»
C’est aussi l’histoire d’une femme prise de haut dans un environnement masculin…
«On n’a rien inventé de ce côté-là. Philippa était une femme qui a été traitée avec dédain par une université et certains de ses professeurs. Et il s’avère que ceux-ci étaient tous des hommes. Il s’agit donc d’une marginalisation. Je ne sais pas pour vous, mais mon expérience m’enseigne que les femmes sont plus souvent marginalisées que les hommes. Qu’elles doivent se battre deux fois plus. Je n’ai donc jamais pensé à questionner cette façon de présenter l’histoire.»
L’histoire s’est déroulée à Leicester, la ville où vous avez grandi. Ça a participé à votre intérêt pour le film?
«Ça me fait bien sourire qu’on ait trouvé les ossements d’un vieux roi à l’endroit où j’ai grandi, et que cela ait mené à sa réhabilitation historique. Il y a un certain charme à l’idée qu’on se soit tous baladés au-dessus d’un lieu nous semblant parfaitement banal pendant tant d’années. Mais ça ne va pas plus loin que ça. Je n’ai pas eu de choc proustien en retournant dans la ville (rires)!»
Aviez-vous suivi l’affaire avec intérêt en 2013?
«J’ai lu les journaux et je me suis dit que c’était drôle, sans me dire qu’il fallait absolument que je prépare un film sur le sujet. Même si, on est bien d’accord, c’est une histoire aussi singulière que ridicule. Tellement ridicule que ça la rend parfaitement britannique.»
Comment définir cette touche britannique que le public étranger identifie dans vos films?
«Je n’ai pas de définition mais je vis dans un pays bien déjanté tout de même! Le décès de la Reine il y a quelques mois a fait remonter toute cette excentricité. Déjà, l’idée qu’une monarchie et une démocratie représentative cohabitent pose sérieusement question. Bref, quand on y vit, notre vision du monde est nécessairement impactée par tous les non-sens qui nous entourent. C’est de ça que parlaient les livres de Lewis Carroll.»
Vous affirmez être républicain mais on vous doit ‘The Queen’ et ‘Victoria et Abdul’. D’où vient votre curiosité pour la monarchie?
«J’ai été élevé dans un milieu très conventionnel, avec une attention particulière donnée à l’enseignement de l’Histoire. Je peux vous citer tous les rois et les reines d’Angleterre par exemple! J’imagine que ça a dû me marquer, même si plus tard, j’ai compris que d’autres idées bien plus intéressantes existaient en dehors de la Couronne. Mais quand je reçois un scénario, je le lis et je me demande si ça m’intéresse, voilà tout. Prenez ‘The Queen’! Fiction ou pas, l’histoire d’une reine ne sachant pas comment réagir au décès de sa belle-fille adulée par un peuple entier, c’est une histoire intéressante. Point barre!»
Vos films sont de plus en plus souvent tirés de faits réels. Comment l’expliquez-vous?
«Vous avez raison, mais il ne s’agit pas d’un mouvement conscient ou d’une position philosophique que je défends. Cela dit, la politique du Royaume-Uni est tellement dramatique depuis une vingtaine d’années que j’ai sans doute développé l’intuition que la fiction n’arrive plus à la cheville de la réalité.»
‘The Lost King’ sort en salle le 29 mars.
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