Veerle Baetens s’attaque au best-seller «Débâcle»: «Je sais ce qui est agréable pour un acteur»

En 2016, Lize Spit avait reçu beaucoup d’éloges et de prix pour son premier roman ‘Débâcle’ (‘Het smelt’), l’histoire d’une jeune ado qui vit une journée d’été traumatisante etqui minera sa vie pour toujours. Sept ans plus tard, Veerle Baetens s’est basée sur ce best-seller pour mettre sa carrière d’actrice sur pause et débuter en tant que cinéaste. Sa version de l’âpre histoire est moins froide mais pas moins percutante pour autant.

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‘Débâcle’ est votre premier film en tant que réalisatrice. Étiez-vous stressée?

Veerle Baetens : «Je suis quelqu’un qui se lance toujours dans quelque chose sans y réfléchir suffisamment. Et après coup, je réalise ‘Dans quoi me suis-je embarquée?’ (rires). Mais je pense que tous les réalisateurs connaissent ça, qu’il s’agisse d’un film sur un sujet sérieux ou d’une comédie. Il y aura toujours des périodes où vous vous demandez si vous y arriverez.»

Quel était le plus grand défi pour vous, personnellement?

«De faire d’un livre de 480 pages un film qui plaise aussi à un large public. Il aborde en outre des thèmes sensibles. Si vous voulez témoigner du respect envers les personnes qui ont vraiment vécu ce genre de chose de près, vous devez quand même trouver une justesse.»

Qu’est-ce qui vous plaisait précisément dans le livre de Lize Spit?

«C’était surtout cette déchirante solitude d’Eva, le personnage principal. Tant dans sa jeunesse que plus tard. Même s’il y a encore de l’espoir pour la jeune Eva. On pense que ce n’est que temporaire, qu’une guérison est possible. On se dit que si elle va dans une autre école, un tout autre monde s’ouvrira peut-être à elle. Il y a encore des solutions. Pour Eva adulte, il n’y a plus de solutions.»

Je trouve terrible surtout le fait qu’Eva ne peut même pas en parler avec sa propre sœur…

«C’est justement ce que je ne comprends pas ou ne supporte pas. Mais je vois cela autour de moi, les conséquences qu’un traumatisme peut avoir dans la vie quotidienne. Le degré de honte aussi. Et un étrange sentiment de culpabilité. Avant, je ne pouvais pas le comprendre, maintenant, je le comprends déjà mieux. Vous vous demandez si vous avez trop longtemps suivi le mouvement, ou si vous avez trop laissé faire ou laissé croire, quelque part, que c’était OK. Ici, Eva grandit avec le sentiment qu’elle a effectivement participé au petit jeu.»

Vous me permettez de trouver bizarre que vous ayez, en tant que mère, envie de raconter cette histoire? Votre fille Billie a en outre le même âge à peu près que la jeune Eva dans le film.

«Pas quand j’ai commencé le film. Elle n’avait alors que 7 ou 8 ans. J’étais en train de monter le film quand Billie a eu l’âge de la jeune Eva. 13 ans, là où ça commence. L’âge où vous commencez à devenir quelqu’un. Et où arrive la poussée d’hormones, chez l’un plus tôt que chez l’autre. Je l’ai vue chez ma fille alors que je finissais le film. Cela m’a aidée aussi, surtout à me rappeler ma propre puberté.»

Rosa Marchant, votre jeune actrice principale, doit jouer des scènes assez choquantes. Votre expérience d’actrice a-t-elle été importante pour l’aider?

«Rosa avait déjà 16 ans au moment du tournage, et elle est très mature pour son âge. Elle avait, p. ex., déjà lu ‘Débâcle’ quand elle est venue faire son audition. Mais je connais, bien sûr, les sensibilités. Ce que je trouve difficile dans le fait de jouer, c’est que vous n’êtes souvent pas à l’aise physiquement. Vous portez des chaussures trop étroites, vous avez trop froid ou trop chaud, vous êtes de bonne humeur et devez jouer le chagrin… Cela ne veut pas dire que je ne voulais pas aller loin avec ces jeunes acteurs, mais j’ai tout fait pour gagner leur confiance. Et pour veiller surtout à ce qu’ils se fassent confiance entre eux.»

Comment obtient-on cette confiance?

«En créant, longtemps à l’avance, un cadre idéal et chaleureux. Vous investissez en eux. Vous faites en sorte que ce soit le plus confortable et sécurisant possible aussi. Vous allez boire un verre aussi, manger un bout. J’étais souvent avec eux. Je logeais dans le même hôtel. Le matin, je venais toujours papoter un peu pendant la séance de maquillage. Juste montrer que j’étais là. Ce sont des choses agréables. Et je sais ce qui est agréable pour un acteur.»

’Débâcle’ sort en salles aujourd’hui.

Review

En tout cas, on ne peut reprocher à Veerle Baetens un manque de culot. Pour son premier film en tant que réalisatrice, elle s’attaque d’emblée à un best-seller (de Lize Spit), qui aborde en outre des thèmes âpres. C’est l’histoire d’une ado de 13 ans qui vit une chose tellement horrible qu’elle ne l’a toujours pas digérée devenue adulte. Pire encore, le traumatisme lui rend la vie tellement impossible qu’elle décide de régler ses comptes une fois pour toutes. Baetens mérite tous les éloges pour l’élégance avec laquelle elle aborde les sujets dérangeants, le style narratif clair et certainement aussi son flair pour les jeunes talents. Ce que montre ici la jeune actrice principale Rosa Marchant est vraiment époustouflant, sans sous-estimer par ailleurs le reste du casting. Le seul problème, c’est le scénario. Le film parcourt si vite les points d’intrigue de l’épais roman que le destin d’Eva fait davantage coup monté que conséquence tragique de la nature humaine.

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