«The Wall» : que vaut ce ‘western’ belge sur le racisme aux États-Unis ?
Le drame tendu ‘The Wall’ se passe à la frontière entre le Mexique et les USA et suit deux personnes qui ont une vision du monde totalement différente. Jessica (Vicky Krieps), garde-frontière, considère les migrants comme des intrus et Jose (Mike Wilson), Amérindien, les voit comme des personnes qui ont besoin d’aide. Une histoire à la fois actuelle et intemporelle, nous ont confié les acteurs au Festival de Bruxelles.
Jessica, le personnage principal, est une femme aigrie. Comment vous êtes-vous préparée pour ce rôle?
Vicky Krieps : «Je ne me suis pas beaucoup préparée en fait. J’ai surtout beaucoup réfléchi, de mon côté. À mes yeux, elle pourrait être une psychopathe. Un psychopathe est finalement quelqu’un qui vit complètement dans sa bulle et est convaincu d’avoir raison, mais qui est aussi totalement séparé de la société.»
Mike, vous faites partie du peuple Tohono O’odham du film. Connaissez-vous des gens comme Jessica?
Mike Wilson : «Absolument. Vous devez savoir que j’ai longtemps fait partie des Forces Spéciales de l’armée américaine. C’est mon sombre passé. J’étais conseiller militaire de la dictature fasciste durant la guerre civile au Salvador. C’est là aussi que je me suis repenti, à cause des scènes atroces que j’y ai vues. Des enfants soldats de 12 ans abattus, avec d’énormes plaies béantes dans le corps. J’ai décidé alors de ne plus jamais toucher un fusil. Aujourd’hui, je hais les armes à feu. Quand je vois quelqu’un avec un pistolet sur la hanche, je m’éloigne. Ces gens portent des armes parce qu’ils ont peur. Je refuse de vivre ainsi. Mais je comprends très bien la mentalité de Jessica. Sa détermination, le sentiment d’être en mission.»
Avez-vous beaucoup en commun avec Jose, votre personnage?
Wilson : «Je suis moi aussi un activiste qui s’engage pour les droits humains. Comme lui, je dépose sur le territoire des Tohono O’odham de grandes bouteilles d’eau, pour que les migrants qui passent par là aient quelque chose à boire. Souvent d’ailleurs, ils viennent du Salvador. Les choses peuvent changer dans la vie d’un homme.»
Krieps : «C’est aussi la raison pour laquelle j’ai voulu faire ce film, même si j’ai peu d’affinités avec mon personnage. Nous pouvons tous nous retrouver tout d’un coup du mauvais côté du bien et du juste. C’est pourquoi il est important de continuer à réfléchir à qui on est, de remettre sans cesse ses idées en question. Il est dangereux de penser qu’on a raison et qu’on est une bonne personne avec la bonne croyance. Ça, on ne le sait jamais.»
Jessica est croyante. Que représente la religion pour elle?
Krieps : «C’est lié à son besoin d’identité. Je suis vraiment convaincue que les Blancs qui sont en des endroits du monde dont ils ne sont pas originaires n’ont pas d’identité. Ils n’aiment pas entendre ça, mais c’est vrai. Ils n’ont pas de racines ou d’histoire, et ils doivent combler ce vide. Beaucoup consommer est une façon de le faire, la religion en est une autre. Ils ont alors le sentiment de savoir qui ils sont.»
Le nom Tohono O’odham signifie ‘peuple du désert’. Comment décririez-vous votre rapport au désert?
Wilson : «Le désert, c’est moi. Dans notre histoire de création, notre Créateur prit un peu de terre dans sa main, cracha dedans et en fit de la terre glaise. Et avec cette terre glaise, il façonna nos ancêtres, qu’il déposa sur Terre. Notre lien avec le désert est très étroit. C’est ma patrie spirituelle.»
Krieps : «Je ne sais pas ce que j’ai avec le désert, mais je m’y retrouve souvent. Durant le tournage de ‘The Wall’, j’ai eu tout d’un coup des visions du sang qui y a coulé, et de la façon dont la terre y porte les souvenirs de toute cette violence. Je pensais au Far West et aux pionniers qui pensaient que c’était leur droit de réclamer cette terre. La folie de cette époque. Je me voyais aussi moi-même sur un cheval. Et alors que j’étais là-bas, j’ai eu la proposition de jouer dans un western [‘The Dead Don’t Hurt’ de Viggo Mortensen, ndlr.]. Je n’arrivais pas à y croire. Apparemment, le désert m’appelle toujours.»
THE WALL
Avant, on associait spontanément ‘Le Mur’ à la frontière entre Berlin-Est et Berlin-Ouest. Depuis Trump, on pense surtout à la frontière entre les USA et le Mexique. Ce mur, le personnage principal du film ‘The Wall’ l’a certainement aussi dans la tête. Jessica a aussi énormément de colère en elle, et elle se défoule sur les autres. Les illégaux qu’elle intercepte en tant que garde-frontière ne doivent donc pas espérer beaucoup de compassion de sa part. Et un jour, les choses dérapent. Le réalisateur belge Philippe Van Leeuw choisit certainement un contexte passionnant pour son film et l’histoire en tant que telle est solide. Mais sa décision de confier le rôle d’une femme typiquement américaine à une actrice à l’accent luxembourgeois reste incongrue. Même si cette actrice est Vicky Krieps, un des plus grands talents d’Europe actuellement.
3/5
‘The Wall’ sort en salles le mercredi 27 septembre.
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