Wes Anderson adapte Roald Dahl pour Netflix : «La pandémie a été une période fertile pour moi»

14 ans après ‘Fantastic Mr. Fox’, Wes Anderson revient à l’univers du romancier britannique Roald Dahl. ‘La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar’ est une comédie légère (40 minutes!) sur un homme capable de voir à travers les objets. Entre autres, car le film Netflix emboîte plusieurs histoires.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 4 min.

Il y a cinq mois, vous présentiez ‘Asteroid City’ à Cannes et vous voilà avec un autre projet terminé. Comment avez-vous fait pour réaliser ‘La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar’ aussi vite?

Wes Anderson : «En réalité, le film était déjà terminé avant que nous n’allions à Cannes avec ‘Asteroid City’. La pandémie a été une période fertile pour moi. Tout comme la plupart des gens, j’ai alors passé beaucoup de temps avec ma famille, mais aussi à taper sur le clavier de mon ordinateur. (rires) J’en ai profité pour me constituer un petit stock de scénarios. Non seulement ‘La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar’, mais aussi trois autres adaptations de Roald Dahl: ‘Le Cygne’, ‘Le Chien de Claude’ et ‘Venin’. Nous les avons tournées ensemble, par la suite.»

Avez-vous vite su comment aborder cette histoire?

«Non, j’ai dû chercher longtemps. Cela faisait des années que j’avais l’idée de faire quelque chose avec ‘La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar’, mais je ne trouvais pas de bonne approche. Ce n’est qu’au moment où j’ai compris que je devais utiliser littéralement les mots de Roald Dahl que tout s’est mis en place. Je me suis aussi dit alors que les gens ne voudraient sans doute pas passer une heure trente à regarder le film. J’en ai donc fait un moyen métrage, avec une narration efficace.»

Votre caméra est, cette fois, plus mobile qu’à votre habitude. Pourquoi?

«C’est simple: le film le demandait. Prenez la partie à l’hôpital. Nous y suivons à un moment donné un homme à la tête bandée qui traverse le couloir et évite parfaitement toutes sortes d’objets. C’est impossible à raconter sans bouger la caméra. J’ai trouvé cela amusant à faire. Nous avons construit ce couloir d’hôpital tout spécialement pour cette prise de vues en Steadicam et avons tracé minutieusement le mouvement de la caméra. C’est comme une sculpture qui se meut à travers l’espace. Encore faut-il trouver des acteurs capables de faire ça de manière crédible.»

Dans ce film, vous faites appel à des acteurs très différents avec lesquels vous vouliez travailler depuis longtemps, selon vos dires, comme Benedict Cumberbatch, Dev Patel et Ben Kingsley. Avez-vous un petit carnet où vous notez systématiquement de nouveaux noms?

«Plus ou moins. Je garde les yeux ouverts. Récemment, je suis allé voir une pièce de théâtre à Londres et quelques comédiens m’ont tapé dans l’œil. Alors je coche leurs noms dans le programme. Le casting est très important pour moi. Les acteurs sont en effet le visage du film. Il s’agit donc de bien associer les bons acteurs. En même temps, vous devez aussi connaître le talent précis de chaque acteur. Certains sont très bons dans les instants spontanés, à d’autres vous pouvez confier toute une pièce de théâtre. Les acteurs britanniques sont habituellement très bons dans l’interprétation de textes longs. Dans ‘La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar’, il me fallait surtout ce genre d’acteurs-là.»

Depuis ‘The Grand Budapest Hotel’, vous avez de plus en plus souvent recours à ce genre de longs monologues. Dans quelle mesure s’agit-il d’un choix délibéré?

«Je ne suis pas le public, je ne le remarque donc pas toujours. Mais vous avez raison. C’est en partie le hasard, je crois. Finalement, mon but est toujours le même: donner au spectateur le plus d’informations possible de la manière la plus claire possible. J’essaie souvent aussi de la faire en une seule image. C’est de là que vient aussi mon style caractéristique. Mais je peux déjà révéler que nous travaillons sur un film d’animation qui ne contient presque pas de dialogues. Les mots ne sont donc certainement pas sacrés pour moi.»

‘La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar’, ‘Le Cygne’, ‘Le Chien de Claude’ et ‘Venin’ sont disponibles sur Netflix.

REVIEW

Wes Anderson avait quelque chose à se faire pardonner après ‘Asteroid City’, le long métrage fatigant qu’il avait présenté au Festival de Cannes. Je ne sais pas s’il partage cet avis, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’a pas attendu longtemps. À peine cinq mois plus tard, on le retrouve déjà à Venise avec le projet suivant, et nous sommes heureux d’annoncer qu’avec ‘La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar’, il a retrouvé toute sa forme. Il garde, comme d’habitude, son style pince-sans-rire, mais la grande différence, c’est que le comique est au rendez-vous. Le film de 40 minutes se présente comme des poupées russes: le romancier Roald Dahl raconte comment il a écrit l’histoire d’un homme qui trouve un rapport médical sur un homme au don surnaturel. Un casting formidable (Ralph Fiennes, Benedict Cumberbatch, Dev Patel, etc.), des clins d’œil subtils et un rythme soutenu, que vouloir de plus. D’ailleurs, si vous en voulez plus, sachez qu’Anderson a adapté trois autres histoires de Roald Dahl – ‘Le Cyne’, ‘Le Chien de Claude’ et ‘Venin’ – à voir aussi sur Netflix.

4/5

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