«Wil» : un drame de guerre poignant par l’un des réalisateurs de «Peaky Blinders»

Quatre ans après son premier long-métrage, le remarqué ‘Patrick’, le réalisateur Tim Mielants change complètement de registre. ‘WIL’, d’après le bestseller de Jeroen Olyslaegers (‘Trouble’), est un drame qui nous questionne profondément sur ce qu’on est prêt à sacrifier pour survivre. Et sur le prix de la passivité devant l’horreur. Un sujet important, estime Mielants.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 4 min.

Comment en êtes-vous venu à adapter ‘WIL’?

Tim Mielants : «Jeroen Olyslaegers m’avait déjà envoyé un sms, avant même la sortie de son livre, me demandant si je voulais l’adapter au cinéma. Nous avions déjà essayé d’adapter ensemble un autre livre à lui, ‘Wij’, mais j’étais alors encore beaucoup trop jeune pour ça. ‘WIL’ non plus n’a pas pu se faire au départ, car j’allais justement réaliser ‘Peaky Blinders’. Je ne pouvais donc pas m’engager, mais cette histoire m’a tout de suite fasciné. Je suis heureux d’avoir quand même pu le faire finalement.»

Pour Jeroen Olyslaegers, c’est une histoire personnelle car il vient d’un milieu nationaliste flamand et son grand-père était un collabo. Quel est votre lien avec la Seconde Guerre mondiale?

«Mes grands-parents se sont surtout tus durant la guerre. Ils étaient là et regardaient faire. Ce que je trouvais formidable avec le livre, c’est que Jeroen parvenait à rendre cette génération jeune, ambitieuse et excitée. Je n’avais jamais vu ces gens de cette manière jusqu’à ce que je lise le livre. Cela en faisait des jeunes au même stade de la vie que moi. Je pouvais tout d’un coup me mettre dans leur situation, me demander ce que j’aurais fait à leur place.»

Vos grands-parents se sentaient-ils coupables de s’être tenu à l’écart?

«Je n’ai jamais pu le leur demander. J’étais encore un enfant aussi, et entre-temps ils ne sont plus là. Voyez-vous, dans un régime totalitaire, vous avez toujours 10% qui collaborent pleinement et 5% qui font vraiment de la résistance. Tout le reste fait profil bas. Mais je vous invite à prendre une feuille de papier et à écrire ce pour quoi vous seriez prêt à mourir. Pour vos enfants, votre conjoint et votre famille, c’est facile. Mais seriez-vous prêt aussi à mourir pour la démocratie? Ce sont des dilemmes auxquels nous n’avons jamais eu à réfléchir. Depuis la génération de mes grands-parents, nous avons ce luxe-là.»

Avez-vous une quelconque idée de ce que vous, vous feriez?

«On ne peut pas le savoir. Il faut lire ‘Ordinary Men’ de Christopher Brown [sur les atrocités commises en Pologne par un bataillon de réserve allemand, composé d’hommes ordinaires, ndlr.]. Il analyse comment des gens ordinaires peuvent être capables d’abattre des juifs et de faire des choses horribles. J’ai peur de me demander avec quelle facilité ils pourraient m’endoctriner. Cela m’empêche parfois de dormir. Serais-je assez fort pour rester fidèle à mes propres convictions? Est-ce que je me rendrais compte de l’endoctrinement et m’opposerais?»

‘Patrick’, votre film précédent, a eu de bonnes critiques, mais relativement peu de public. Qu’espérez-vous avec ‘WIL’?

«C’est le but qu’il y ait cette fois le plus de monde possible qui vienne le voir. De là aussi mon choix de travailler avec beaucoup d’acteurs connus. Ce sont tous des gens aussi avec lesquels j’ai toujours voulu travailler ou énormément aimé travailler. Je me suis inspiré de ‘Moeder, waarom leven wij?’, la série de 1993. Elle est formidablement bien jouée. Koen De Bouw, Jan Decleir et Els Dottermans y étaient déjà, et j’ai ajouté quelques acteurs plus jeunes, comme Stef Aerts et Matteo Simoni.»

Je pensais que ces acteurs connus étaient un bon moyen de rendre tous les personnages facilement reconnaissables, surtout avec le maquillage et les coiffures en plus.

«Ces coiffures bizarres sont le fruit de nos recherches. Nous avons éparpillé des tas de photos de l’époque, de chasseurs de juifs et de notaires etc., sur la table. Et alors, vous en arrivez tout de suite à des gens qui ont ce look-là. Nous n’avons rien inventé. Et puis arrive Kevin Janssens, il remarque le look de chacun et dit ‘Je veux un grand nez!’. Soyons clairs, ça ne se trouve pas dans le livre, où son personnage s’appelle tout simplement ‘De Vinger’.» (rires)

‘WIL’ sort en salles aujourd’hui.

REVIEW

Dans ‘WIL’, on suit deux jeunes agents de police à Anvers sous l’occupation. Comment réagissent-ils aux atrocités commises par les nazis? Obéissent-ils aux ordres de leurs supérieurs? Ou suivent-ils leur conscience? Tim Mielants et son co-scénariste Carl Joos font du roman de guerre acclamé de Jeroen Olyslaegers un film très captivant. L’idée de réduire la structure complexe du livre en un thriller simplifié fonctionne parfaitement. Au tout début du film, quelque chose tourne très mal et durant le reste du film, les deux personnages principaux doivent regarder par-dessus leur épaule, terrifiés à l’idée que la Gestapo vienne les saisir à la gorge. Cette linéarité du récit rend les dilemmes moraux encore plus durs et prégnants. ‘WIL’ contient une histoire d’amour et ose parfois une note comique, mais c’est surtout une histoire de guerre marquante, sans romantisme ou héroïsme, un drame poignant qui chamboule.

4/5

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