Marie S’infiltre bientôt en spectacle en Belgique: «On récolte les critiques lorsqu’on ose»

«Marie s’infiltre» donne rendez-vous à ses fans au Cirque Royal pour un spectacle où l’audace et le culot sont les maîtres mots.

par
Clément Dormal
Temps de lecture 5 min.

Beaucoup de journaux ont qualifié votre happening au César de «gênant». Vous préférez parler d’audace. Pourquoi?

«Je pense que la gêne n’était pas si présente que ça. Les gens sur place ont plutôt bien réagi. Cela a été repris comme ça car la gêne est un sentiment souvent utilisé pour critiquer. Je parle d’audace car il fallait être complètement fou pour réaliser un geste pareil. C’est un acte que je considère personnellement comme une des choses les plus courageuses que j’ai faites dans le cadre de ‘Marie s’infiltre’.»

Vous estimez également qu’il s’agit d’un acte artistique.

«‘Marie s’infiltre’, c’est ça. C’est aller vers des événements d’actualité pour bousculer les codes, se moquer, rendre risible une situation qui l’est déjà mais qui est abordée de façon sérieuse… Donc, quand je suis aux César en tant que ‘Marie s’infiltre’, c’est ma démarche artistique. Après, elle plaît ou elle ne plaît pas. Ça ne me regarde pas. Je fais ce que je sais faire et ce que je dois faire.»

Était-ce prémédité?

«Non, j’étais convaincue qu’on allait me mettre au balcon. Mais lorsque j’ai vu que j’étais à l’orchestre, j’ai décidé de faire quelque chose et j’ai donc fait ce petit passage de mon spectacle.»

Votre spectacle s’appelle «Culot» et correspond bien à votre personnage. Avez-vous toujours été culottée?

«Non, c’est quelque chose que je travaille qui est devenu une sorte d’art poétique pour moi. C’est quelque chose que je travaille pour être la plus libre possible en m’affranchissant des codes et des autres. J’ai souvent peur mais j’y vais quand même. J’ai aussi envie d’insuffler cette envie de sortir de sa zone de confort. Après, oui, il y a une certaine excentricité en moi.»

Quel est le plus gros problème que vous ayez rencontré après une infiltration?

«Il y a plusieurs types de risques… Il y a le risque de partir en garde à vue pour m’être glissée dans un endroit où je ne pouvais pas aller. Il y a le risque d’usurper une identité qui n’est pas la mienne qui peut aussi m’envoyer devant la police. Il y a le risque que l’acte en soi foire. C’est le plus gros risque en fait. Tout le monde a dit que les César étaient gênants mais cela aurait pu l’être encore plus. Cela aurait été le cas si j’étais tombée sur scène par exemple. Il y a aussi le risque des critiques qui est inévitable. Lorsqu’on ose, on récolte les critiques. Ce n’est même pas un risque, c’est quelque chose d’obligatoire.»

Comment faites-vous pour le gérer?

«À partir du moment où on est au courant que l’on va faire quelque chose qui va déplaire, on peut déjà prévenir la chose. Et puis, on accepte qu’il y ait des gens qui ne soient pas contents. C’est ça aussi être artiste. C’est plaire ou déplaire. Cela ne nous appartient pas.»

Certaines de vos vidéos, comme celles montrant la face cachée de Dubaï, ont presque une dimension sociologique. Est-ce le but recherché?

«Je souhaitais révéler quelque chose que tout le monde savait mais que personne ne montrait. Et de ça est sorti quelque chose de sociologique et d’éminemment politique. Mais ce n’est pas le but poursuivi en premier. Après oui, c’était aussi une peinture sociologique qui fait un peu peur d’ailleurs.»

En parlant de politique, vous vous êtes notamment infiltrée dans le passé dans les meetings de certains candidats à la présidentielle française. Qu’avez-vous pensé de cette campagne?

«Vous avez entendu parler d’une campagne présidentielle vous (rires)? Je pense que c’est particulièrement triste car il n’y a plus de campagne, il n’y a plus de candidats, il n’y a plus de passion autour de ça. Il y a une déconnexion totale entre les citoyens et les élus. Cela fait qu’il y a beaucoup moins d’engouement. On ne parle plus des politiques et des élections qu’avec une ironie grinçante et je trouve ça vraiment sinistre. Je pense que cela participe à une décadence et cela fait de la peine. Cela manque et c’est dommage car c’est quand même quelque chose de génial de s’engueuler avec des proches sur un sujet politique, d’avoir de l’espoir en un candidat ou de s’opposer à un autre. Mais il n’y a plus rien de tout ça, on s’emmerde.»

Votre spectacle mélange l’humour, le théâtre, la musique… Comment le décririez-vous?

«C’est un spectacle qui va prendre le spectateur par la main. Le spectacle emmène le spectateur dans mon univers de culot. Il lui dit qu’au début il va être un peu choqué. Il lui dit que les pratiques dans lesquelles il baigne en permanence vont être un peu bafouées. Mais il faut qu’il ait confiance en moi car je l’emmène vers quelque chose de très joyeux. Petit à petit, on dépouille le public de tous ses a priori, de tous ses préjugés, pour le conduire vers cette audace folle. Et lorsqu’il répond bien, le spectacle part bien en couilles et c’est très sympa.»

Vous fixez-vous parfois des limites?

«Oui, j’ai plein de limites. Pour avoir du culot, il faut savoir fixer ses propres limites. Ce sont des limites morales, de capacité, et de souffrance. C’est-à-dire ‘qu’est-ce que je suis capable d’endurer?’. Il ne faut pas chercher à être totalement déraisonnable. Personnellement, je connais très bien mes limites, je les connais par cœur. Après, j’ai tendance à les repousser sans cesse. Mais j’ai beaucoup plus de limites qu’un Mickaël Youn ou qu’un Sacha Baron Cohen par exemple. Mais ce n’est pas grave. Je ne veux pas avoir les mêmes qu’eux. Je me demande toujours quel sens je veux donner à mon action. Et une fois que je l’ai trouvé, je me demande si ça vaut la peine. C’est un véritable calcul.»

Marie S’infiltre sera le 11 mai au Cirque Royal pour présenter «Culot». Infos et réservations sur TicketMaster.be.