Sur Instagram, elle démontre comment sans filtres, les influenceuses seraient… méconnaissables
Une obsession. Les filtres et applications de retouches ont envahi les réseaux sociaux au point de ne plus savoir à quoi ressemblent (vraiment) les stars, influenceuses, et autres amies virtuelles. Ils affinent la silhouette, remontent les fesses, gomment la cellulite, les rides, l’acné, et les vergetures, et même plus, pour accéder à un idéal de beauté fantasmé, à l’opposé du mouvement body positive qui prône l’acceptation de soi. À l’approche de l’été, on vous dit tout sur ces applications qui transforment le commun des mortels en reines de beauté.
En 2019, l’influenceuse chinoise Your Highness Qiao Biluo devient la risée du web alors que le filtre qu’elle utilise pour ses vidéos se désactive sur le réseau social Douyu. Celle qui se faisait passer pour une jeune femme d’une vingtaine d’années, dont le physique répondait en tout point aux critères de beauté voulus par la société, avait en réalité 58 ans (ce n’est pourtant pas une tare) et ne ressemblait absolument pas à sa jumelle virtuelle. En France, c’est l’émission «Et si on se rencontrait?», permettant à des amoureux virtuels de se voir pour la première fois, qui a suscité l’émoi. En cause? Les photos envoyées pendant des semaines par la candidate Giulia à son cher et tendre Pierre, un brin retouchées dirons-nous, à l’origine de cette phrase soufflée par le jeune homme lors de ladite rencontre: «P*****, c’est chaud».
Les filtres et applications de retouches, qui se multiplient à vitesse grand V, ont la capacité de métamorphoser une personne, de la tête aux pieds. Une vraie dictature de l’apparence s’est installée ces dernières années sur les réseaux sociaux, au point de parler de «dysmorphie Snapchat», la dysmorphophobie étant définie par le dictionnaire Larousse comme une «préoccupation exagérée manifestée par quelqu’un au sujet de l’aspect disgracieux de tout ou partie de son corps, que cette crainte ait un fondement objectif ou non». Et cela ressemble à un cercle vicieux, avec une multiplication des complexes, notamment chez les plus jeunes, qui engendrent eux-mêmes une augmentation des actes de médecine et de chirurgie esthétique.
À l’approche de l’été, il n’est donc pas question de parler de ’summer body’, mais de montrer à quel point ces filtres peuvent changer l’apparence d’une personne, qu’elle s’appelle Kim Kardashian ou Giulia, et impacter l’estime de soi. Car si certains sont facilement identifiables, d’autres laissent s’immiscer un doute sur le caractère réel ou trompeur de certains clichés. Affiner la silhouette, camoufler cellulite et vergetures, paraître plus jeune… la duperie des filtres est sans fin. Mieux vaut se méfier des apparences.
Si l’application Skinneepix comptait ces dernières années comme l’une des ’meilleures’ pour perdre du poids grâce à un simple clic (sept kilos plus précisément) il en existe aujourd’hui par dizaines. Perfect Me compte parmi ces programmes qui sculptent une silhouette sans avoir à passer par la case sport. Parmi ses très nombreuses fonctionnalités, elle permet d’offrir «une taille fine», «des jambes longues et belles», mais aussi de «construi[re] des muscles abdominaux». Rien que ça. Même combat pour RetouchMe, une variante, dont la promesse est sans équivoque: «un service de retouche du corps et du visage unique dont le rendu excellent est d’une qualité si élevée que personne ne soupçonnera que votre photo a été retouchée». C’est bien le problème, et davantage encore à l’approche de la soi-disant épreuve du maillot de bain qui poussera moult femmes à se comparer à ces clichés trompeurs qui pullulent sur les réseaux sociaux.
Mais les influenceuses ne se contentent pas de faire croire à une perte de poids miracle, elles usent aussi de tous les artifices pour lisser leur silhouette (comprendre gommer la cellulite et les vergetures sans doute trop disgracieuses pour les univers Instagram et Snapchat). Ne vous y trompez pas, des applications comme FitPix ou PrettyUp offrent la possibilité, et en quelques secondes seulement, d’obtenir un corps musclé et affuté sans aucune ’imperfection’. Il vous suffira de lever le nez de votre téléphone cet été pour vous apercevoir que peu de femmes embrassent cette prétendue perfection, et ce n’est sans doute pas plus mal.
Si les influenceuses retouchent régulièrement leur corps lorsqu’elles partagent un cliché sur les réseaux sociaux, le visage demeure le centre névralgique de leur quotidien. À travers les vidéos et photos publiées, il s’agit clairement de la zone la plus exposée. Résultat, lui aussi subit des retouches à gogo pour gommer tout ce qui pourrait heurter les followers, et réduire le nombre de vues. Facetune compte parmi les applications les plus populaires dans le genre, puisqu’elle lisse le visage pour faire disparaître les rides, les cernes, les poches, et les boutons, et peut même vous donner un teint hâlé, affiner le visage, accentuer la couleur des lèvres, et blanchir les dents. Le total relooking, en somme. En quelques clics, vous créez non pas une photo, mais un véritable avatar.
Et pour couronner le tout, la plupart des applications sus-citées permettent, il fallait s’en douter, d’agrandir le regard, de donner du volume aux lèvres, et de rehausser les pommettes, parmi les critères de beauté les plus en vogue actuellement. Impossible donc de savoir (à moins d’utiliser ces applications et filtres avec excès comme l’a récemment fait Madonna sur Instagram) si vos influenceuses préférées ressemblent réellement à leur ’moi virtuel’ dans la vie, la vraie. Reste que les professionnels de santé (chirurgiens et psychologues) sont unanimes sur le sujet, se comparer sans cesse aux clichés vus sur les réseaux sociaux ne peut avoir qu’un effet néfaste sur l’estime de soi. Une chose à ne pas négliger.
Depuis plusieurs mois, les voix s’élèvent sur les réseaux sociaux pour dénoncer la dictature de l’apparence induite par les filtres, et s’afficher au naturel. Une démarche suivie par de nombreuses célébrités, dont Alicia Keys ou Ashley Tisdale, et adoptée par une foule d’utilisateurs. Mais plus que cela, nombreux sont les comptes Instagram qui pointent aujourd’hui du doigt ces filtres trompeurs, démasquant celles et ceux qui y ont régulièrement recours, ou dévoilant les coulisses d’une photo ’parfaite’. C’est ce que fait la journaliste et créatrice de contenus Danae Mercer, dont le compte regorge de clichés ’avant/après’ pour permettre au plus grand nombre de prendre conscience du ’pouvoir’ de ces filtres et applications. Elle ne s’arrête pas là, puisqu’elle dévoile également les astuces auxquelles ont recours les influenceuses pour donner l’illusion d’un ventre plat, de fesses bombées, ou d’une taille affinée.
D’autres comptes, comme @beauty.false par exemple, épinglent quant à eux les photos retouchées de célébrités ou influenceurs qui n’hésitent plus à s’embellir sur les réseaux sociaux, ou mettent à l’honneur celles et ceux qui se révèlent authentiques. On y découvre les dupes d’une foule de personnalités retouchées, dissimulant l’intégralité de leurs complexes, et sans doute plus, au point qu’elles finissent par toutes se ressembler. Des comptes qui se multiplient pour permettre de ne pas oublier que les réseaux sociaux n’ont (souvent) rien à voir avec la vraie vie.