Est-ce la fin de la popularité de l’anglais dans les chansons?
Avec les plateformes de streaming, les mélomanes du monde entier se familiarisent avec d’autres langues que l’anglais.
Les chercheurs Will Page et Chris Dalla Riva se sont penchés sur ce phénomène dans un article universitaire récemment publié par la London School of Economics and Political Science. Ils ont analysé les classements musicaux de dix pays européens, à savoir le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne, la Suède, la Pologne, l’Irlande et le Portugal, sur l’année 2022, en prenant en compte les nationalités des artistes qui y apparaissent et la langue dans laquelle ils chantent.
Langues locales
Force est de constater que les langues locales font un retour en force dans la production musicale des pays étudiés, et tout particulièrement celle italienne. En effet, 70% du top 10 des chansons les plus populaires dans la Péninsule en 2022 sont en italien. Une augmentation substantielle par rapport aux 30% recensés en 2012 et en 2017. Ce retournement de situation s’explique, en partie, au succès d’artistes locaux comme Rhove, dont le single «Shakerando» est devenu viral sur TikTok.
Le réseau social chinois, qui s’est imposé comme un véritable accélérateur de carrière et de tubes dans l’industrie musicale, a également encouragé les Britanniques à prêter une oreille plus attentive aux productions de leurs artistes locaux, qu’elles soient récentes ou beaucoup plus anciennes. Si sept des dix chansons les plus populaires au Royaume-Uni en 2022 viennent tout droit de Grande-Bretagne, la plupart ne sont pas sorties cette année-là. Elles ont au moins trois ans et sont revenues au goût du jour grâce aux réseaux sociaux, selon les conclusions de l’étude.
Au grand dam des artistes anglophones
La Pologne, la Suède et la France font aussi partie des territoires où l’usage des langues locales est plus répandu et vendeur que jamais dans la musique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: 70% des chansons les plus populaires en Pologne en 2022 sont chantées en polonais, contre 10% en 2012; tandis que 90% des morceaux les plus écoutés en Espagne sur la même période sont dans la langue de Cervantes. Mais, dans le cas de la péninsule ibérique, cette statistique cache une autre réalité. Les musiciens hispanophones les plus incontournables ne viennent pas d’Espagne mais d’Amérique latine, comme en témoigne le succès de Bad Bunny, l’artiste masculin le plus écouté sur Spotify depuis trois années consécutives.
Bien que certains pays européens (les Pays-Bas, l’Irlande, l’Allemagne et le Portugal) soient moins touchés que d’autres par cet engouement autour des langues locales dans la musique populaire, les productions nationales rayonnent plus que jamais hors de leurs frontières. Et ce, au grand dam des musiciens anglophones. «Grâce au développement de la mondialisation, [ces artistes] se battent aujourd’hui pour faire entendre leur répertoire en anglais à l’étranger», expliquent Will Page et Chris Dalla Riva dans leur étude.
Mais cette mise en valeur des langues locales sur la scène musicale internationale ne profite pas à tous les musiciens non-anglophones, comme le soulignent les chercheurs en citant Adam Granite, président de la division Afrique, Moyen-Orient et Asie chez Universal Music Group. «Si l’on regarde les dix principaux artistes mondiaux en 2022, ils sont originaires de sept pays différents», a-t-il déclaré. De quoi s’interroger sur la promotion de la diversité musicale et sur l’efficacité de la circulation des œuvres aux quatre coins de la planète.
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