Disponible sur Disney+, «The Dropout» revient sur une escroquerie qui a choqué l’Amérique

Rencontre avec Amanda Seyfried (‘Mamma Mia!’) qui tient le rôle principal dans la série «The Dropout» disponible sur Disney+.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 4 min.

Une analyse sanguine totalement automatisée avec une seule goutte de sang. L’invention qui avait permis à Elizabeth Holmes et sa petite entreprise Theranos de conquérir l’industrie de la santé au début de ce XXIe siècle, était révolutionnaire. Le seul hic: c’était un gros mensonge. La série en 8 épisodes ‘The Dropout’ retrace toute l’histoire sur Disney+, avec une formidable Amanda Seyfried (‘Mamma Mia!’) dans le rôle principal.

Faut-il voir ‘The Dropout’ comme un avertissement?

AMANDA SEYFRIED : «Absolument. Vous savez, beaucoup de gens croient en l’idée ‘fake it till you make it’, faire comme si, jusqu’à ce que vous atteigniez votre but. Et nous sommes tous complices. Si des gens comme Elizabeth Holmes peuvent tromper tout le monde, c’est parce que nous voulons absolument croire en eux. Et nous nous faisons rouler à chaque fois. Je me demande pourquoi.»

Qu’est-ce qui, pour vous, allait trop loin? Quand Elizabeth a-t-elle franchi la limite?

«Bonne question. À deux reprises, je pense. La première fois, avec les gens de Walgreens, qui veulent investir dans son entreprise Theranos. Elle sait qu’elle n’aura jamais terminé l’appareil à temps, et pourtant elle dit oui. Et puis, il y a le décès de quelqu’un qui était à ses côtés depuis le début. Elizabeth était profondément touchée, mais elle refusait de l’admettre. C’est à partir de là qu’elle a vraiment dévié.»

Pourquoi aimons-nous tant ces histoires de gens qui réussissent d’abord et qui ensuite se cassent la figure?

«Les histoires d’underdogs qui, contre toute attente, ont du succès, sont toujours irrésistibles. A fortiori quand il s’agit d’une femme aussi charismatique, passionnée, intelligente et avide qu’Elizabeth. Nous voulons croire que les gens sont capables du meilleur. Et inversement, cela fait du bien de voir que les gens qui font de graves erreurs doivent aussi en supporter les conséquences. On veut qu’ils soient tenus responsables.»

Que trouviez-vous le plus difficile à jouer, son succès ou sa chute?

«Sa chute. Quand vous vous glissez dans la peau d’un tel personnage, vous allez voir le monde avec ses yeux, et vous avez de l’empathie pour cette personne. Vous comprenez pourquoi elle fait certains choix. Je devais vraiment garder à l’esprit que tout s’est vraiment passé et qu’Elizabeth a pris des risques avec la santé des gens. Mais je trouvais ça difficile à jouer. J’aurais voulu que ce ne soit pas vrai ce que nous racontions. C’est comme avec le film ‘Titanic’. Vous savez que le navire a sombré, et pourtant il y a toujours une partie de vous qui continue de penser que, cette fois, cela se passera peut-être autrement. Il y a dans l’esprit humain quelque chose qui, malgré l’évidence, s’accroche au moindre espoir.»

Êtes-vous aussi ambitieuse et optimiste qu’Elizabeth?

«J’ai ça en moi, certainement, mais je connais les limites. Elizabeth a été victime de sa propre ambition, mais le mot ‘ambition’ ne convient pas, en fait. Question optimisme, j’essaie toujours désespérément de voir quand même le bon côté des gens. Je suis faite ainsi. Peut-être un peu moins qu’avant, car certaines personnes en ont déjà abusé. Je ne sais pas si Elizabeth était vraiment optimiste. Elle continuait à croire en ce qu’elle faisait, car elle savait que ce serait la faillite sinon. C’est totalement différent.»

Au cours de la série, Elizabeth subit une vraie métamorphose. Comment vous y êtes-vous prise?

«J’ai beaucoup visionné les images qui existent d’elle, les interviews, les interrogatoires… En faisant cela constamment, vous adoptez automatiquement certains tics et habitudes. Elizabeth a des tics qui lui sont propres et d’autres qu’elle a appris volontairement. Je devais les démêler. Pour jouer la jeune Elizabeth, je me suis surtout basée sur moi-même, qui j’étais adolescente. Je pensais aussi alors que personne ne voulait m’écouter et j’étais souvent effondrée. J’ai donc utilisé ça pour montrer Elizabeth quand elle n’était pas encore cette femme leader pleine d’assurance.»

Notre critique de The Dropout

Vous rappelez-vous de Steve Jobs? Le big boss et visage d’Apple avait su créer un vrai culte autour de sa personne et de ses produits, et des millions de personnes s’étaient senties (et se sentent) appelées à suivre sa vision. Il y a 15 ans environ, Elizabeth Holmes avait fait de même avec une idée, à première vue, encore plus brillante que les créations IT de Jobs, à savoir un système permettant de réaliser avec une seule goutte de sang une analyse de santé complète. Or, elle n’était jamais parvenue à faire fonctionner l’appareil et vendait du vent. Mais cela ne l’empêcha pas d’attirer des financiers crédules (car avides) et – bien pire – de tromper des personnes malades. ‘The Dropout’ raconte en 8 épisodes la montée et la chute d’une femme qui avait résolument du charisme, mais refusa obstinément de reconnaître son échec. Une énième illustration du Cauchemar américain, avec une époustouflante Amanda Seyfried dans le rôle principal. (rn) 4/5