Faut-il voir «1985», la série 100% belge sur les tueurs du Brabant?
Trois amis commencent leur vie d’adulte au début des années 1980. Deux entament une formation à la gendarmerie, le troisième étudie le droit. Tous les trois se retrouvent directement confrontés à une page sombre de l’histoire du pays: les tueurs du Brabant. La série ‘1985’ offre huit épisodes palpitants et est, de surcroît, une série 100% belge, dans les deux langues nationales et produite à la fois par la RTBF et la VRT. Une expérience à refaire, trouve aussi le réalisateur Wouter Bouvijn.
Wouter Bouvijn (petite photo): «Je suis super heureux et fier que nous ayons pu la faire avec les deux chaînes nationales. Je trouve même que c’est rafraîchissant, car on fait aussi, de cette manière, de nombreuses nouvelles connaissances de l’autre côté de la frontière linguistique. Je suis toujours frappé du peu de chose que nous savons les uns des autres. Réunir tous ces acteurs ici, c’était génial.»
‘1985’ peut-elle être un premier pas vers davantage de productions communes de ce genre?
«Je l’espère, car nous ne pouvons que nous enrichir de cette manière. Financièrement aussi, car cela permet de réunir un plus gros budget. Cela dépend bien sûr de l’histoire. Il faut que ça colle. Il ne faut pas, nécessairement, chercher loin. Une histoire d’amour entre un Flamand et une Wallonne est possible aussi. Les tueurs du Brabant convenaient, bien sûr, parfaitement à cette collaboration, car cela concerne toute la Belgique. Les deux langues jouent aussi un rôle dans l’histoire, car elles étaient souvent à l’origine de malentendus et de conflits dans l’enquête.»
Vous êtes né en 1987, deux ans après l’attaque d’Alost. Que représentent les tueurs du Brabant pour vous?
«Quand on m’a demandé si je voulais réaliser ‘1985’, je ne savais que ce que tout le monde sait: qu’une bande criminelle avait commis des attentats, qu’il y a énormément de théories du complot autour et que la gendarmerie était peut-être impliquée. Pour le reste, mes connaissances étaient limitées. Entre-temps, je suis déjà bien mieux informé, évidemment.»
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en lisant le scénario?
«Je me demandais, honnêtement, si c’était de la fiction. Je ne savais pas exactement ce que je devais croire. J’ai alors visionné toutes sortes de reportages de la télé de cette période et lu les articles d’investigation sur l’affaire, et il s’est avéré alors que tous les faits concernant le dossier repris par la série étaient effectivement vrais. C’est aussi une des raisons qui m’a poussé à la faire. Beaucoup de choses se savent sur l’affaire mais, en fait, nous ne sommes pas bien au courant. Avec cette série, nous espérons pouvoir y remédier. Sans avoir la prétention de résoudre le dossier.»
La série combine l’histoire de trois jeunes personnages avec toute une série de faits que vous relatez par ordre chronologique. Comment crée-t-on à partir de là, un ensemble cohérent?
«C’était la difficulté majeure. Willem Wallyn, qui a écrit les scénarios, avait énormément à dire sur le dossier. Mais je voulais d’abord raconter l’histoire émouvante de trois jeunes qui ont grandi à la campagne, partent pour la ville et y sont confrontés à toutes sortes de choses déjà en cours. Pas seulement les tueurs du Brabant, mais aussi les CCC (les Cellules communistes combattantes, NDLR). L’esprit du temps très polarisant. Grâce à ces trois personnages principaux, nous avons tout de même pu tisser facilement un fil rouge à travers tous ces faits.»
‘1985’ est-elle actuelle, selon vous, hormis le fait que cette affaire n’a jamais été résolue?
«Très actuelle. Cette polarisation est clairement de retour. Regardez l’attaque du Capitole ou ce qui s’est passé récemment au Brésil. On se demande alors qui sont ces gens. D’où viennent-ils? Que pensent-ils obtenir ainsi? D’où vient cette méfiance vis-à-vis du système? C’est terriblement actuel. Découvrir que le monde est beaucoup plus vaste que vous ne pensez, je trouve ça aussi quelque chose d’intemporel. Et c’est exactement ce que vivent nos personnages principaux.»
‘1985’ est diffusée le dimanche soir sur La Une. La série est également disponible sur Auvio en version originale sous-titrée.
Notre critique de «1985»
Qualifier les tueurs du Brabant de plus grand traumatisme de l’histoire de Belgique, est peut-être un peu exagéré. Il n’empêche que l’attaque sanglante du Delhaize d’Alost, le 27 septembre 1985, est gravée pour toujours dans les mémoires, du fait aussi qu’elle n’est toujours pas éclaircie. L’atout majeur de la série ‘1985’, une collaboration entre la RTBF et la VRT, est de montrer que cette funeste journée n’est qu’un énième événement d’une série beaucoup plus longue. Ce n’est pas un hasard si le premier épisode se passe en 1981, avec l’affaire d’un commandant de gendarmerie corrompu. Les créateurs toutefois font bien plus que rafraîchir la mémoire collective. Les trois jeunes personnages principaux illustrent le fait que tout n’était pas noir ou blanc, et qu’on pouvait se fourvoyer facilement. ‘1985’ a parfois un peu de mal à maîtriser la quantité d’informations, mais vous embarque très facilement. 4/5