Les auberges de jeunesse se réinventent pour reconquérir les voyageurs
Les dortoirs ne font plus autant recette! Bousculées par la pandémie, l’arrivée d’acteurs privés et les nouvelles attentes de la clientèle, les auberges de jeunesse peinent à redécoller et doivent réinventer une formule qui a pris des rides.
Créées il y a près d’un siècle sur le modèle allemand, les auberges de jeunesse françaises comptent actuellement 33.000 lits pour environ 400 établissements. En 2018, le chiffre d’affaires du secteur s’élevait à 200 millions d’euros de chiffre d’affaires, selon l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT).
«Historiquement, le secteur était porté par les associations, depuis les années 2000 des entreprises issues de l’hôtellerie se sont intéressées aux jeunes», explique Simon Thirot, délégué général de l’UNAT.
Les établissements gérés par des associations représentent encore 80% de l’offre mais le géant Accor, entre autres, a débarqué sur le marché en 2017 avec sa chaîne à bas coûts Jo&Joe.
«Ils sont arrivés avec des moyens et leurs tarifs se rapprochent de plus en plus des nôtres, avec des bâtiments nouveaux quand nous sommes parfois confrontés à des défis de rénovation», abonde David Le Carré, délégué général de la Fédération unie des auberges de jeunesse, branche française (80 établissements) du réseau Hostelling International (HI) qui rassemble 4.500 auberges. «Ça nous oblige à rester à niveau, avec des événements festifs et des partenariats avec les collectivités», ajoute-t-il.
«Mais on ne pourra pas continuer à développer nos valeurs de tourisme social et solidaire sans augmenter un peu nos tarifs», regrette toutefois Emmanuel Grelat, directeur de l’auberge de jeunesse HI Paris Yves Robert.
Malgré les aides gouvernementales et la réquisition de certains bâtiments pour loger des personnes en situation de précarité, la pandémie a fait chuter le chiffre d’affaires du secteur de 65% en 2020 et de 50% en 2021 par rapport à 2019.
La reprise, notamment des touristes étrangers et des groupes scolaires, n’est que très récente: elle date de «fin février», selon M. Le Carré, qui se dit optimiste pour l’été sans toutefois espérer revenir au niveau pré-Covid.
«La relation client ne s’est pas dégradée mais elle est devenue plus complexe», renchérit-il, mentionnant non seulement des critères d’hygiène renforcés mais aussi des demandes de flexibilité intenables. «On observe des réticences à payer des acomptes, des attentes de remboursement intégral en cas d’annulation au dernier moment, mais aussi plus de réservations de dernière minute», excepté pour les périodes prises d’assaut des JO 2024 et de la Coupe du monde de Rugby 2023, ajoute M. Grelat.
Autre évolution, la multiplication des espaces de travail à distance payants et la hausse des demandes pour des chambres privées, quitte à réserver un espace avec quatre lits et à en laisser deux vides. «Fini le temps des dortoirs de 25 personnes», selon M. Thirot. La plupart des auberges proposent désormais des chambres minuscules avec un lit simple et sanitaires privés.
Avec leur culture de l’hôtellerie, les acteurs privés sont d’autant plus compétitifs sur ce segment, mais selon le délégué général de l’UNAT, il y a de la place pour tout le monde sur un marché d’avenir, qui permet «d’expérimenter de nouvelles pratiques» grâce à une «clientèle plus ouverte».
Les associations misent ainsi sur les projets de réinsertion sociale pour gérer les espaces de restauration mais aussi sur une implantation «militante» dans des territoires plus reculés et surtout sur le caractère éco-responsable de leurs pratiques.
Les critères de durabilité compteront d’ailleurs pour un quart de la notation dans le classement Atout France qui devrait voir le jour pour les auberges de jeunesse d’ici la fin de l’année.