Qu’est-ce que le tågskryt, cette nouvelle façon de voyager qui séduit de plus en plus les jeunes?
Vous connaissiez le «flygskam»? Place désormais au tågskryt! Ce néologisme venu (une nouvelle fois) de Suède traduit les aspirations écologistes des jeunes générations et leur envie d’opter pour des voyages plus «slow».
Le saviez-vous? Un kilomètre parcouru dans les airs est 45 fois plus polluant qu’un kilomètre en TGV! Pointé du doigt pour être le mode de transport le plus polluant, l’avion est, à lui seul, responsable de 2 à 3% des émissions mondiales de CO2. Or, dans un monde post-pandémique, l’inquiétude face à l’urgence climatique pousse de plus en plus de voyageurs à s’en détourner, gagnés ces dernières années par le «flygskam».
Le flygskam décolle chez les jeunes
Concept tout droit venu depuis la Suède, le flygskam signifie «honte de prendre l’avion», en référence à la pollution émise par les trajets aériens et ses effets néfastes pour l’environnement. Renoncer à prendre l’avion est donc devenu un acte écologique.
Apparu en Suède en 2017, le mouvement s’est popularisé l’année suivante, dans la foulée des grèves pour le climat lancées par Greta Thunberg. Et ce flygskam (avihonte en «bon français») a rapidement eu des impacts concrets: en 2018, 23% des Suédois ont choisi de ne pas voyager en avion pour réduire leur bilan environnemental, selon une étude du WWF. Et l’année d’après, le nombre de vols intérieurs a enregistré une baisse historique de 11%. Parallèlement, les chemins de fer suédois ont vu leur clientèle grimper (+5%), en ce compris sur les liaisons de nuit (+11%).
Tout comme les Suédois, nous sommes de plus en plus nombreux à ressentir cette forme de culpabilité à l’idée de prendre l’avion. Le flygskam s’est exporté chez nous, en particulier auprès des jeunes générations qui réfléchissent désormais à deux fois avant de monter à bord. Selon une étude menée par Greenpeace en France, 53% des 18-34 ans déclarent ne plus vouloir prendre l’avion uniquement pour leurs loisirs. «Si l’avion reste un moyen de transport apprécié car il permet de s’évader vers des destinations lointaines, cette étude met en lumière une large adhésion à la nécessité de réduire les vols de loisirs, dans un contexte d’urgence climatique», commentent les auteurs du rapport.
Encourager au changement
Si l’avion est peu à peu délaissé, on constate un nouvel engouement pour le train: poussés par leurs préoccupations climatiques, les jeunes font de plus en plus le choix d’un voyage sur le rail. Encore une fois, ce sont les Suédois qui ont gratifié ce phénomène d’un petit nom: le «tågskryt». Le tågskryt (ou «train brag» en anglais) désigne ce sentiment de fierté que l’on a à l’idée de prendre le train plutôt que d’autres moyens de transport plus polluants -avion en tête. Et ainsi, de ne pas ruiner tous nos efforts écologiques de l’année pour une semaine de vacances.
À l’inverse du flygskam, qui peut être moins bien perçu car évoquant la honte et la culpabilité, le tågskryt est un sentiment positif. Il traduit l’idée de faire de meilleurs choix pour la planète de manière proactive. De ce fait, il est facile à assumer et donne l’envie de l’exprimer, en ce compris sur les réseaux sociaux.
Sous le hashtag #tågskryt, les jeunes s’affichent dans le train pour encourager les autres à adopter la même attitude (et ce faisant, à réduire leur empreinte carbone). En même temps, ils montrent que le rail, c’est aussi et surtout une autre manière de voyager: profiter du trajet et des paysages, se relaxer, faire de nouvelles rencontres… Le tågskryt serait donc, davantage que le flygskam, moteur de changement.
Les actions personnelles ont un impact
C’est d’ailleurs ce que tendent à prouver les études de Steve Westlake, chercheur en leadership environnemental à l’université de Cardiff. À travers une série d’entretiens, il a démontré que le fait de choisir d’arrêter l’avion a un effet de contagion. «Tout le langage autour de la honte et de la culpabilité a beaucoup de connotations négatives. L’utiliser pour pousser à arrêter l’avion, je n’aime pas tellement ça» indique le chercheur. En revanche, explique-t-il, choisir de rester au sol incite les autres à ne pas voler non plus.
«Arrêter l’avion est l’une des actions les plus simples et les plus percutantes que vous puissiez entreprendre. Cela vous oblige à communiquer avec les autres et à expliquer votre choix. Et plus la décision est difficile, plus elle a un effet communicatif fort», développe Steve Westlake. «Cela va donc au-delà d’une décision personnelle de réduire sa propre empreinte carbone de x kg ou tonnes de CO2. En fait, le changement personnel alimente le changement de la société et du système.»
Alors, pour votre prochain voyage, plutôt flygskam ou tågskryt?