Carl De Moncharline, figure emblématique de la vie nocturne bruxelloise, visé par de graves accusations d’agressions sexuelles
Ce mercredi, la RTBF diffusait un épisode de #Investigation consacré aux violences sexuelles dans le monde de la nuit. Carl De Moncharline, propriétaire du Wood jusqu’à la fermeture du club en 2016, est épinglé dans le reportage et visé par plusieurs témoignages forts. Celui-ci réagit aux accusations et nie formellement les faits.
C’est un séisme qui vient de se produire dans le monde de la nuit bruxellois: Carl De Moncharline, personnage très connu du milieu, est accusé par différentes accusations d’agressions sexuelles. Dans le magazine #Investigation, diffusé par la RTBF, plusieurs témoignages forts ont été recueillis, présentant le Belge comme un dangereux prédateur sexuel.
Un témoignage poignant
Parmi ces récits terribles, on apprend notamment l’histoire de Sita, bouleversé à vie par ce qu’il a vécu il y a huit ans. Le jeune homme avait 18 ans lorsqu’il s’est fait offrir un verre par Carl De Moncharline, qu’il connaissait bien. «Tout est rapidement devenu flou, je me suis rapidement trouvé sur ce que l’on appelait la terrasse, l’étage qui surplombe la boîte.
Sita passera la nuit sur place, et lorsqu’il se réveille encore à moitié drogué, il se retrouve face à Carl De Moncharline, qui lui propose de le ramener chez lui: « Il ne va pas me ramener chez moi. Il va m’emmener chez lui et me proposer de dormir encore un peu. Je suis encore complètement étourdi et je ne résiste pas. Il m’emmène dans une chambre impersonnelle avec des murs bordeaux et juste un lit. Il n’y a même pas de couette. Il y a plein de bouteilles d’eau sur l’appui de fenêtre. Il est derrière moi, il ferme la porte, il me pousse contre le lit et enlève mon pantalon. Il fait ce qu’il a à faire… Ça ne dure pas très longtemps. Moi par sécurité, je ne me débats pas. Je me rends compte que je suis en train de me foutre dans quelque chose qui va me rattraper toute ma vie…»
Au moment où son agresseur lui demande de changer les rôles, c’en est finalement trop pour Sita qui lui refuse l’acte sexuel. « Depuis cette époque, je suis en mode survie, par rapport au VIH mais aussi par rapport à mon corps. Je ne sais plus déterminer si les gens m’aiment ou veulent juste mon corps. J’ai eu honte. Je n’en ai parlé à personne. Le fait que j’ai été drogué annule complètement le consentement que j’aurais pu donner. Je me souviens de ne jamais l’avoir donné. J’étais un objet sexuel. Aujourd’hui, j’ai 26 ans, et je vois que cette personne est toujours active dans le milieu de la nuit, ce qui est pour moi une vraie injustice. C’est pour ça que je parle aujourd’hui, même si je n’ai pas porté plainte à l’époque», conclut-il.
Réfutation des accusations
Suite à la diffusion du documentaire, Carl de Moncharline a tenu à publier un message sur Facebook, dans lequel il explique qu’il s’agit d’un «tissu de mensonges»: «C’est un tissu de mensonges pour les milliers de personnes qui me connaissent depuis plus de 30 ans, de jour comme de nuit, dans 5 grands clubs différents et une dizaine de grands événements. Ils sont nombreux à pouvoir témoigner de ma bonne conduite. J’ai offert des milliers de verres sans jamais aucun problème. Je ne sers jamais personnellement des verres, c’est mon personnel qui s’en charge, car je ne travaille pas derrière le bar. Personne ne m’a jamais vu drogué ou saoul dans aucune de mes activités. En revanche j’ai refusé énormément de personnes et mis pas mal de gens à la porte pour consommation de drogues et taux d’alcool trop élevé, sans parler des bagarres. Ce qui causse nombre d’inimitiés. Mon casier judiciaire est vierge et j’ai toujours répondu aux accusations. Ce reportage sensationnaliste, pour soulever des problèmes que je condamne et qui peuvent se poser dans notre société, est un traitement de l’information délibérément à charge, anonyme et sans aucune preuve. Je vous prie de croire que c’est loin d’être ma personne. J’ai d’ailleurs porté plainte pour diffamation.»
Du côté de son avocat, Maître Buyle, on se lance même dans un parallèle douteux avec le phénomène #Metoo, qui a secoué Hollywood ces dernières années: « #Metoo a libéré la parole, mais il a eu aussi des effets dévastateurs. Il y a une tendance actuelle à régler ses comptes sur les réseaux sociaux et les médias. Il est ici question de l’honneur d’un homme qui est attaqué par des ombres et des personnes qui ne se dévoilent pas à son égard. Il n’a pas de précision sur les faits or il est question de la renommée de quelqu’un.»
Le monde judiciaire pointé du doigt
Le reportage pointe également du doigt les défaillances du système judiciaire, qui se révèle parfois trop frileux dans les affaires d’agressions sexuelles par soumission de drogue. Point positif tout de même: le Code pénal sexuel a été récemment modifié afin de faire des violences sexuelles une priorité.
Selon Caroline Poiré, avocate spécialisée en la matière, le tribunal médiatique dont sont victimes de nombreux établissements du monde de la nuit ces derniers mois n’est que «le résultat des défaillances judiciaires». « Dans ces dossiers de violences sexuelles, on va plutôt se centrer sur la parole de la plaignante et de déterminer si elle est crédible plutôt que de déployer des techniques d’enquêtes», regrette l’avocate.
Maité Meuus, étudiante qui a créé le compte #BalanceTonBar, juge quant à elle que des mesures «pansement» ne seront pas suffisantes pour régler ces affaires: « On s’attaque à un problème qui a vraiment besoin d’une réponse de fond et un changement de mentalité profond.»
Si vous êtes victime de viol, par soumission de drogues ou non, le numéro vert 0800/98.100 est accessible 24h sur 24 et 7 jours sur 7. Vous pouvez également vous rendre sur https://www.sosviol.be/
Des centres de prise en charge des violences sexuelles existent partout en Belgique et vous reçoivent également à toute heure du jour et de la nuit. Elles permettent de vous accompagner tout le long du processus parfois douloureux du dépôt de plainte.
Si vous pensez avoir été drogué(e), urinez rapidement dans un pot et conservez-le précieusement. Les traces de GHB disparaissent rapidement de votre organisme et il est donc indispensable de prélever au plus vite votre urine afin de détenir une potentielle preuve de vos dires.