Des colocs multiculturelles et solidaires avec CALM: «C’est vraiment très enrichissant pour nous»

Ouvrir sa colocation à de nouveaux horizons, c’est ce que propose le programme «CALM». Lancé par l’ASBL Singa, «Comme à la maison» permet à des réfugiés d’intégrer une colocation bruxelloise.

par
Oriane Renette
Temps de lecture 5 min.

«C’est vraiment très enrichissant pour nous. On est super contents, on s’entend tous très bien», nous explique Olivia, dont la colocation s’est agrandie en août avec l’arrivée de Tewen. «On avait tous des profils très similaires [jeunes travailleurs, 25-26 ans] et Tewen nous apporte beaucoup de fraîcheur. Surtout, elle met notre culture en perspective et nous apprend plein de choses. Comme nous, je pense, lui apportons beaucoup d’autres choses.»

Originaire d’Erythrée, Tewen, jeune aspirante aide-soignante de 21 ans, est arrivée en Belgique en 2019. Elle a vécu seule pendant un an mais cela ne lui a pas plu. Ce qu’elle désirait, c’était de vivre avec d’autres personnes et par la même occasion, d’améliorer son niveau de français. C’est via un de ses amis, lui-même dans une colocation CALM, qu’elle a entendu parler du projet.

Quant aux jeunes Bruxellois, qui se connaissaient depuis plusieurs années, c’est Nina, l’une des colocataires, qui avait eu vent du projet CALM. «On en a beaucoup discuté entre nous. Ça nous a permis de faire une vraie introspection sur notre propre coloc», retrace Olivia. «Une fois que l’on était bien alignés, on a contacté l’ASBL. Ils nous ont trouvé un ‘match’ avec Tewen: nos envies et nos modes de fonctionnement se conciliaient très bien.»

Tewen et ses futurs colocataires se sont rencontrés pour la première fois un mois avant d’emménager dans leur nouvelle maison. «On était un peu timides au début, mais on a rapidement créé des liens! Petit à petit, on a construit quelque chose.» Cela fait maintenant cinq mois que Tewen, Eve-Anne, Benoît, Olivia, Fernando et Nina habitent dans cette maison conviviale située à Woluwé Saint Lambert. «Ça se passe très bien parce que Tewen a une super capacité d’adaptation. Aujourd’hui, elle prend vraiment sa place dans la coloc, tant au niveau social que dans le partage des tâches», constate Olivia. «On prend souvent des repas ensemble, on a des soirées jeux, des moments papote dans le salon, des sorties en ville… On fait pas mal de choses ensemble. Elle s’est parfaitement intégrée là-dedans, tout en y apportant sa patte.»

Permettre la création de liens entre les primo-arrivants et les Bruxellois, c’est tout l’objectif de l’ASBL Singa, nous explique Lionel Defraigne, le responsable du programme CALM auprès de l’association. Pour ce faire, l’ASBL travaille sur plusieurs axes, dont la cohabitation.

Engagement citoyen

«Il y a un gros besoin de logement pour les personnes réfugiées», pointe Lionel. «C’est un très gros enjeu car cela permet à ceux qui commencent leur vie à Bruxelles de faire des pas de géant sur la connaissance de la culture, sur la pratique de la langue…»

Pour Olivia et ses colocs, s’engager avec CALM c’était l’opportunité de vivre un véritable échange culturel. Surtout, c’était être en cohérence avec leurs convictions. «C’était une belle opportunité militante pour l’inclusion des personnes réfugiées en Belgique. Dans la coloc, on avait tous envie de s’engager dans ce mouvement citoyen-là», nous raconte la jeune femme.

«C’est une manière simple et concrète d’agir à son niveau, en tant que citoyen, sur l’intégration des réfugiés», complète Lionel. «Ces collocations ne sont pas extraordinaires, mais elles vont apporter un plus par rapport à une coloc traditionnelle, puisque les personnes viennent de milieux très différents et vont s’enrichir mutuellement. Mais ça reste une coloc égalitaire et chacun paie son loyer.»

Une coloc «comme les autres»

Une coloc CALM est donc une coloc comme les autres, si ce n’est que Singa agit comme un intermédiaire: l’association fait «matcher» les profils de personnes réfugiées et des colocs, en fonction de leurs habitudes, leurs règles de vie, leur culture de co-living… Passée la rencontre, l’ASBL assure un suivi pendant six mois. «C’est notre travail de vérifier que tout le monde se sente bien dans la coloc et que le loyer soit payé», précise Lionel. Tout au long du processus Singa soutient également la personne réfugiée dans toutes leurs démarches administratives. «Comme on ne doit pas s’occuper de ce qui est papier ou gestion de loyer, ça nous a permis de créer une relation complètement horizontale dès le départ avec Tewen», souligne Olivia. «C’est la vie à la maison de tous les jours, comme pour tout le monde.»

Projet en expansion

Le projet CALM rencontre un beau succès à Bruxelles: 9 colocs créées en 2019, 16 en 2020 et pas moins de 30 cette année. Au total, plus de 50 colocations multiculturelles ont été lancées en trois ans. «On sent qu’il y a encore du potentiel», nous glisse Lionel. «Chez Singa, on est convaincus qu’il y a des centaines de colocs comme celle d’Olivia: des gens très chouettes, attentifs à cette question de l’intégration des réfugiés et qui ont envie de sortir de leur bulle. Mettre une chambre qui se libère à la disposition d’une personne réfugiée, c’est l’aider à débuter sa vie en Belgique.»

«Il faut foncer dans ce projet sans prérequis, sans idées préconçues. Ça nous apporte beaucoup plus que ce que l’on ne croit au départ», conclut Olivia. «Ça n’a rien à voir avec de la charité ou du bénévolat. Il n’y a pas de hiérarchie aidant-aidé. C’est une autre forme d’engagement citoyen. Pour moi, c’est la plus facile et la plus agréable et celle qui apporte le plus.»