Il s’apprête à défier la montagne… en courant à reculons
Tout est la faute d’un magazine russe, dans lequel le cubain Wilfredo Diaz a découvert il y a 32 ans le retrorunning, ou course à reculons. Cette semaine, il va jusqu’en Italie disputer de cette façon un semi-marathon en montagne.
«Je me sens très bien (…) j’ai réussi à remettre en route toute la machine», et «je vais donner le maximum pour Cuba», assure-t-il lors d’un entraînement, entouré de jeunes jouant au football, sur un terrain scolaire dans l’ouest de La Havane.
Dimanche, lors du semi-marathon du Dolomiti Extreme Trail à Forno di Zoldo, en Italie, il sera le seul à aller à l’envers. Mais l’ex-marcheur de 46 ans se dit «mieux préparé» que jamais.
Ce psychologue a déjà décroché cinq médailles lors des championnats du monde de ce sport atypique: une en or (en relais 4x400m), trois en argent et une de bronze.
Le Mondial de cette discipline, le 8e organisé depuis celui célébré pour la première fois en Suisse en 2006, aurait dû se tenir en juillet 2020 à Enfield, en Angleterre, mais a dû être annulé pour cause de pandémie.
Il avait alors été reporté à cet été, fin juillet en France, mais le contexte sanitaire fait encore planer l’incertitude.
En Italie, il y aura une difficulté supplémentaire, note Wilfredo, car le terrain sera «atypique» avec «pour la première fois de la montagne».
Le Cubain s’est donc entraîné cette fois sur des terrains en pente. Il y a quelques jours, il a réussi un bon temps sur un circuit à Cuba (2 h 18 min 53 sec), ce qui le rend optimiste pour dimanche.
«On a des décennies d’entraînement»
Sur l’île communiste, où les habitants se plaignent régulièrement de la lenteur des réformes, voire de certains retours en arrière, la nouvelle qu’un Cubain se distingue mondialement en course à reculons a fait sourire sur les réseaux sociaux.
«Médaille d’or facile, c’est un jeu d’enfant», raillait ainsi sur Twitter une internaute: «on a des décennies d’entraînement». «Quand il s’agit d’aller à reculons, personne ne nous bas», rigolait un autre, «l’or est assuré».
Wilfredo a déjà participé à deux Mondiaux: Essen (Allemagne) en 2016 puis Bologne (Italie) en 2018.
En 2019, lors du championnat d’Amérique centrale à Saint-Domingue, en République dominicaine, il avait attiré tous les regards en obtenant cinq médailles d’or en épreuves de distance.
Derrière cette discipline insolite, il y a toutefois un entraînement de fer: Wilfredo se lève chaque jour à 4h pour une séance d’environ trois heures. Il suit un régime strict et complète sa routine d’exercices avec des poids.
«La préparation est difficile, parfois on est limité, il manque des choses, mais je trouve toujours quelqu’un pour m’aider», raconte l’athlète, alors que Cuba, en profonde crise économique, impose de fortes restrictions de déplacements et de rassemblements en raison de la pandémie de coronavirus.
«Plus de 200 effets bénéfiques»
Enfant, Wilfredo s’est essayé à la plongée, sans être convaincu. Il est ensuite passé à la marche sportive. Jusqu’à ce qu’il tombe sur un article dans une revue russe qui évoquait le retrorunning, exercice né il y a plus de 1000 ans en Chine mais dont les records n’ont commencé à être enregistrés qu’en 1896.
Hors de question pour lui de revenir en arrière: courir à reculons, cela apporte «plus de 200 effets bénéfiques» à la santé.
Cette discipline «améliore l’orientation spatiale, la vision périphérique» et «permet de brûler 50% de calories en plus par rapport aux courses en avant», affirme-t-il: c’est «un exercice merveilleux!»
Il aime tellement ce sport qu’il l’a introduit à Cuba, même si au départ on le traitait de «fou»: en 2013, il a organisé un championnat national avec 80 coureurs de huit provinces et quatre pays invités. En 2018, un meeting international à Artemisa, près de La Havane, a réuni près de 200 participants.
Lire aussi: Un marathon dans l’espace