Alia Cardyn revient avec «Archie»: «La vie est toujours une alternance d’ombre et de lumière»

Voilà quelques années qu’Alia Cardyn a rangé sa toge et quitté le barreau pour se consacrer à l’écriture. Après «Madame Papillon», l’autrice belge revient avec «Archie», un cinquième roman très touchant.

par
Oriane Renette
Temps de lecture 5 min.

Qui est Archie?

«Archie est un jeune adolescent de 16 ans. Il a subi des traumatismes importants. Et comme beaucoup d’enfants à qui cela arrive, il est exceptionnellement mature, très intelligent. Il a été placé en institution parce que sa mère, toxicomane, est incapable de s’occuper de lui. Luttant contre ce quotidien qui l’enferme, il décide un jour de tout quitter pour rejoindre, à pied, une école démocratique: une école dont la pédagogie est centrée sur l’envie naturelle qu’ont les enfants d’apprendre, sans programme déterminé en amont. Pour rejoindre cette école, il va cheminer sur le sentier des douaniers pendant 1.000 km.»

Pendant ce périple, il va également faire un voyage intérieur…

«Il va découvrir son histoire à travers le carnet d’une infirmière qui l’a accueilli le jour de sa naissance. Il a eu des premiers jours très compliqués. Sa mère était toxicomane. Le bébé est donc, sans le vouloir, drogué. Il faut opérer un sevrage. Ce qui se passe avec la méthadone mais aussi avec énormément de douleurs, aussi bien physiques que morale, pour un nourrisson qui découvre à peine le monde. C’est une entrée en la matière peu commune.»

Pourquoi parler de ce sujet?

«Je l’ai découvert en travaillant sur ‘Madame papillon’, pendant mes interviews en néonatalogie. C’est un sujet qui m’a complètement bouleversée. Je voulais parler de cela parce qu’on met énormément de pression sur les mères aujourd’hui. Bien sûr, il y a la toxicomanie due à la drogue. Mais il y a aussi la toxicomanie liée aux médicaments. Et personne n’est à l’abri de glisser dans cette voie quand il y a une pression énorme, un mal-être, une souffrance qui n’est pas entendue. J’ai beaucoup hésité car le sujet me paraissait trop dur. Et puis j’ai eu la joie de découvrir l’école démocratique. Avec cela, j’avais un autre sujet superbement lumineux qui pouvait faire le contrepoids parfait. La vie est toujours une alternance d’ombre et de lumière. Ça me permettait d’être dans cette danse.»

Finalement, n’est-ce pas plus un roman sur la maman d’Archie que sur Archie?

«C’est une très bonne question! C’est un roman sur Archie mais je voulais aussi parler de la façon dont la société nous apprend à aborder les mères défaillantes. On a souvent beaucoup de jugements par rapport à tout être défaillant, mais encore plus rapport aux mamans qui le sont. Il est évident que, quand on voit un enfant qui souffre, on a envie de juger la mère. Et dans la société, on n’a pas toujours le temps de ne pas juger. Parce qu’il faut du temps pour connaître l’autre et le comprendre. Je trouvais intéressant d’explorer ça, d’explorer l’histoire de cette femme, de voir si notre premier jugement était toujours confirmé quelques pages plus tard.»

Archie est poète. Avec la poésie, il pose des mots sur ses souffrances. Êtes-vous comme lui? Est-ce que la poésie vous permet de raconter ce qu’il y a de laid dans la vie?

«Oui, c’est très vrai. Évidemment, on raconte toujours une part de soi dans ses romans. Je trouve que l’écriture est une opportunité de transcender des phases plus compliquées. Prendre la plume, raconter des histoires, c’est vraiment une façon de m’apaiser. C’est vraiment une rencontre avec soi-même. Je ne raconterai pas mon histoire. Je mets plutôt en récit certaines choses que j’ai pu ressentir.»

Vous alternez entre plusieurs procédés narratifs. Pourquoi?

«J’adore ça! Pour moi, les chapitres qui s’écrivent le plus facilement sont toujours les lettres et les carnets. Il y a quelque chose qui me plaît profondément dans ce mode de narration. Aussi, ce carnet me permettait d’amener à Archie son histoire, alors qu’il était en train de vivre l’une des décisions les plus importantes de sa vie. Et d’avoir cette confrontation entre la beauté de la nature, qui nous fait toujours découvrir la beauté en nous, et l’horreur des premiers jours qui ont suivi sa naissance. Je pense que c’est dans un cadre comme ça que l’on peut un petit peu accepter ce qui s’est passé et qui est source de grande souffrance.»

Après cinq romans, pas de regret d’avoir quitté le barreau?

«Non, aucun! (rires) J’ai trouvé ça captivant sur le pan intellectuel. Mais en tant qu’hypersensible, je n’étais pas quelqu’un qui pouvait évoluer dans ce milieu-là sur le long terme. On est tous un paquet de forces et de fragilités. Je me suis dit qu’il valait mieux un métier plus aligné avec les miennes. Aujourd’hui, je me sens bien à ma place.»

En quelques lignes

Archie, 16 ans, vit en institution. L’adolescent, poète en herbe, vit avec cette terrible blessure, celle d’une mère toxicomane qui a renoncé elle-même à sa maternité. Un jour, Archie décide de partir pour rejoindre à pied une école démocratique: cet endroit où les enfants sont libres d’apprendre ce qui les intéresse vraiment. Durant son périple, il se plonge dans le carnet de Madeleine, l’infirmière qui s’est occupée de lui à sa naissance. Le film de son enfance se déroule alors, brut et lourd de secrets.

Avec «Archie», on découvre la terrible réalité des nouveau-nés drogués malgré eux et la violence du processus de sevrage qui s’en suit. Malgré la dureté du sujet abordé, Alia Cardyn nous livre un récit lumineux sur la reconstruction et la soif de vivre.