«Huit battements d’ailes»: Un roman mettant à l’honneur les femmes qui fait du bien
Dans «Huit battements d’ailes», Laura Trompette nous replonge dans le premier confinement et met à l’honneur les femmes et leur sororité. Un roman lumineux et puissant.
Dans votre roman, vous mettez en scène huit femmes. Votre volonté était-elle d’écrire un roman féministe?
«Ma volonté était de donner la parole aux femmes et montrer la place de la femme au sein d’une époque troublée, celle d’avril 2020. Je suis partie de la solitude, la mienne et celle des autres, ressentie à ce moment-là. Je me suis demandé ce qui se passait derrière les fenêtres des personnes qui habitent à côté de chez moi. Puis, derrière les fenêtres de ceux qui habitent loin de chez moi. On vivait tous la même chose. Pourtant, j’étais persuadée qu’on vivait cet événement de manière différente, qu’il n’aurait pas du tout les mêmes conséquences sur chacun d’entre nous. Au fur et à mesure, la réflexion s’est resserrée autour de la place de la femme à cette période et à l’exacerbation des violences due à cet enfermement. Je me disais que ce confinement, qui était censé protéger les gens, était, dans certains cas, en train d’avoir des conséquences dramatiques pour les femmes et les enfants qui étaient enfermés avec leur bourreau. Je voulais parler de ces sujets mais aussi mettre à l’honneur les femmes qui tendent la main à d’autres femmes.»
Vous considérez-vous comme féministe?
«Ce mot, je le mettais sur des personnes qui levaient un étendard sur tout. J’ai compris, aujourd’hui, que ce mot est bien plus inclusif que ça. Bien sûr que j’étais féministe mais je ne me retrouvais pas dans une certaine forme de féminisme. Un soir, j’ai vu un spectacle de Noémie de Lattre, qui s’appelait Féministe pour homme. J’ai été scotchée. Sa façon de parler du féminisme me touchait, et je me reconnaissais. Avec ce livre, je voulais mettre la femme à l’honneur mais aussi dire qu’on ne regarde pas assez ce qui se passe chez les autres. Dans la vie, j’ai remarqué qu’il y avait beaucoup d’ego, de jalousie entre certaines femmes. Mais il y a aussi de la sororité, qui est tellement puissante! Je voulais montrer le courage des femmes qui sont prêtes à aider les autres femmes.»
Selon vous, regarde-t-on plus facilement ce qui se passe loin de chez nous? Plutôt que d’aider nos propres voisins?
«Personnellement, je suis très engagée. Dans la vie, j’ai du mal à rester à l’écart des choses qui me choquent dans mon quotidien. Je suis très empathique à un point que ça peut être handicapant. Je peux aller donner de l’eau à un chien qui a soif pendant que son maître est en train de bronzer tranquillement. Je me suis déjà interposée entre une femme et un homme dans le métro. Non pas parce que je me sens l’âme d’une héroïne mais parce que je refuse de fermer les yeux sur quelque chose que j’observe. Ce livre, c’est un peu ça aussi.»
Il y a donc un peu de vous dans le personnage qui entend sa voisine se faire frapper tous les jours par son compagnon et qui décide d’appeler la police? Vous sentez-vous aussi seule qu’elle quand elle agit?
«Tellement… (soupir) Il y a 3-4ans, j’entendais des altercations régulières dans l’immeuble situé en face de chez moi. Un jour, j’ai appelé la police. Ils sont finalement venus quand je leur ai expliqué qu’il y avait une quinzaine de personnes à leur fenêtre en train d’écouter ces hurlements. Ils m’ont demandé si j’avais des photos, si j’avais vu du sang. Ça m’a choquée car ils avaient besoin de ces preuves pour intervenir. Trop de choses comme celles-ci se sont passées autour de moi que j’avais besoin de l’écrire.»
Il y a eu, lors des confinements, beaucoup de campagnes de prévention pour inciter les femmes à parler. Dans votre livre, vous dites que les mentalités n’évoluent pourtant pas.
«C’est politique: on entend qu’il y aura des choses mises en place pour libérer la parole des femmes, que ces dernières seront enfin prises au sérieux. Et pourtant, dernièrement en France, un homme, qui avait été emprisonné pour violences sur sa femme, a été libéré et l’a ensuite immolée en pleine rue. Cette femme est morte dans les flammes. Comment est-ce possible?! Dans une tout autre mesure, il y a un an, j’ai reçu un dépliant avec des coupures pornographiques. Ça m’a fait peur. J’ai appelé la police, qui m’a posé plein de questions. Quand j’ai dit que j’étais écrivaine, le policier m’a demandé si je n’avais pas écrit quelque chose qui pouvait attirer ce genre de comportement! J’étais atterrée. Quand je lui ai expliqué qu’il y avait des coupures pornographiques de journaux, ça l’a fait rire. J’avais l’impression de parler à un ado prépubère, et pourtant c’était la police. J’ai raccroché, excédée. J’étais encore plus révoltée par sa réaction que par le courrier. On ferme trop les yeux. On ne dénonce pas assez. Je connais des femmes qui ont subi des violences, à qui on a dit de rentrer chez elles, que ça allait s’arranger. Mais attention, ce n’est pas un pamphlet contre les hommes. Comme je l’écris dans mon roman, c’est un combat pour l’humain, et non contre les hommes. Il n’y a pas de propos anti-hommes dans mon livre.»
Vous êtes également une militante de la cause animale. Vous avez même été finaliste du Prix littéraire 30millions d’amis pour un autre roman. C’était donc pour vous normal de présenter une ourse comme un personnage à part entière.
«C’était, pour moi, très important. Dans mon roman, je raconte le calvaire de ces ours enfermés dans des conditions atroces pour l’extraction de leur bile. Le confinement était un bon moment pour en parler. On était tous enfermés, et on pouvait enfin faire une petite corrélation entre les deux situations, même si les conditions d’enfermement ne sont évidemment pas les mêmes. Mais on peut dire: ‘Tu vois ce que ça fait d’être enfermé. Imagine si ça durait 10, 15, 20ans!’ On exploite ces animaux pour fabriquer des remèdes hypothétiques, dans de telles tortures… C’est inconcevable. Comment peut-on encore aujourd’hui exploiter les animaux de la sorte? Heureusement, des associations comme Animal Asia œuvrent durement pour que les mentalités évoluent.»
Review:
Nous sommes en avril 2020, lors du premier confinement. La plupart des gens sont enfermés chez eux. D’autres, comme Magalie, l’un des personnages du nouveau roman de Laura Trompette, ont l’autorisation de continuer à travailler car leur métier est considéré comme «essentiel». Toutes les femmes de cette histoire sont portées par leur solitude. Elles sont toutes en quelque sorte enfermées. Mais ne vous méprenez pas: «Huit battements d’ailes» est avant tout un roman lumineux et positif. Il existe, en chacun de ces personnages, une force et une résistance extraordinaires. Un battement d’ailes qui fera toute la différence. Dans son nouveau roman, Laura Trompette met en avant une sororité incroyable qui nous donne foi en l’humain. Et rien que ça, ça fait du bien! 3/5