Michel Bussi sort un nouveau livre trépidant: «L’utopie, c’est de vouloir lutter contre le sens de l’histoire»

Dans son nouveau roman, Michel Bussi nous transporte en 2097. Un monde sans frontières, dans lequel chacun est libre de se déplacer comme bon lui semble grâce… à la téléportation.

par
Oriane Renette
Temps de lecture 4 min.

La téléportation, c’était un rêve d’enfant pour vous?

«Oui, c’était le super-pouvoir que je rêvais d’avoir, comme beaucoup de gens rêveraient de l’avoir. Et puis, avant d’être écrivain, j’étais géographe. Et la téléportation, c’est l’abolition des distances. Ça remet en cause la géographie telle qu’on la connaît. On peut aller prendre son café à Copacabana avant d’aller skier sur l’Himalaya. Aujourd’hui, des tas de choses sont ‘téléportables’ virtuellement et immédiatement: la musique, la culture, l’argent,… Quasi seuls les hommes et les femmes restent dépendants des moyens de transport. Quand tout est immédiat, vient le fantasme de pouvoir nous déplacer nous aussi.»

C’est votre premier roman d’anticipation. Pourquoi aviez-vous envie d’explorer ce genre?

«Cette histoire, je la porte en moi depuis des années. J’ai mis du temps à construire ce monde futur où l’on peut se téléporter, avec tout ce que ça implique dans le quotidien. Ça m’a beaucoup amusé. L’anticipation c’est le monde d’aujourd’hui, mais avec un petit truc en plus, avec des traits forcés. Et puis, j’avais l’impression d’avoir quelque chose d’original, puisqu’à ma connaissance il n’y a pas vraiment de roman de science-fiction qui aborde les conséquences de la téléportation.»

Et parmi elles, la disparition des frontières.

«Nous sommes dans une année électorale en France, où on parle beaucoup des frontières, de souverainisme, de nationalisme,… Ce qui m’intéressait, c’était d’aborder la dimension politique d’un monde sans frontières. Avec l’idée que, finalement, l’utopie aujourd’hui est plutôt du côté de ceux qui, comme Zemmour, qui s’accrochent à une France du passé, à un drapeau, à Napoléon,… Comme si la France était éternelle. Comme la Russie est éternelle pour Poutine, ou la Turquie pour Erdogan. Comme si le passé allait se maintenir. Alors que vraisemblablement le monde va continuer de progresser, les technologies vont continuer de s’améliorer. Peut-être que la France, la Russie, la Turquie et les autres seront balayées par l’Histoire. Peut-être qu’on verra d’autres entités émerger, un gouvernement mondial… Peut-être que l’utopie, c’est justement ceux qui essayent de lutter contre le sens de l’histoire.»

Un gouvernement mondial, c’est ce que l’on trouve dans le roman. Et grâce à lui, le monde semble presque parfait: pas de conflit, pas d’épidémie, plus de réchauffement climatique…

«Ce monde sans frontières semble plus logique et plus raisonnable. Ça semblerait plus simple d’avoir une instance internationale qui gère la pandémie et distribue des vaccins partout dans le monde. On a bien vu que c’était compliqué si chacun applique ses propres règles. Même chose pour le réchauffement climatique. On sait bien qu’on ne mettra tout le monde d’accord que s’il y a une autorité reconnue de tous qui établit des règles. Mais en même temps, on sait que ça ne se fera pas dans un claquement de doigt. Le roman permet de se dire ‘et si?’ ‘Et si on avait une régulation mondiale?’. Ce livre, c’est prendre le contre-pied du discours actuel, ultra national et frontalier. C’est apporter une bouffée d’air frais à ceux qui s’y sentent à l’étroit.»

C’était un challenge de construire une enquête policière dans cet univers futuriste?

«Une intrigue policière peut vite devenir très banale, car l’enquête policière est très codée. Ici, la téléportation réinventait tout, avec des modes d’enquête originaux. Ça me permettait de renouveler le genre, et ce n’est un genre si facile à réinventer. Même si c’est un cadre de science-fiction et que ça se passe dans le futur, ça reste un policier avant tout.»

Ce mélange des genres, ça vous a plu? C’est à refaire?

«Oui! J’ai encore quelques idées. J’adore écrire des romans policiers réalistes, très psychologiques. Mais j’adore aussi développer l’imaginaire. C’est très jubilatoire. Et l’avantage de la littérature, c’est que l’on peut le faire sans moyen. Au cinéma, ce serait très compliqué. Alors quand il n’y a pas de contraintes, pourquoi se brider?»