Gemini K : "Voir des drag à la télé a permis de faire évoluer les mœurs"
Les drag queen sont désormais partout, dans les médias ou encore la mode. Pour Klément Hucault, alias Gemini K, étudiant le jour et Drag Queen la nuit, cette visibilité attire le strass et les paillettes, mais aussi l’appropriation marketing.
«Je suis assez perplexe sur cette nouvelle médiatisation. Je dirais que le changement s’opère plutôt pour les personnes qui ont participé à la version française de l'émission "RuPaul's Drag Race" («Drag Race Belgique» chez nous, Ndlr), en termes de notoriété et d’argent. Leurs drag shows, qui sont des spectacles de danse et de chant de drag queens, sont plus demandés et mieux rémunérés. Ils deviennent de plus en plus visibles dans les milieux mainstream, mais le milieu drag reste underground. Le public qui assiste aux spectacles ne s'élargit pas à une communauté hors LGBTQIA+. Mais je remarque que les salles se remplissent de plus en plus.»
«Pour moi, les drag queens, c’est plus une performance de genre qu’une identité de genre. De plus en plus de catégories de drag sont en train de naître. Avant, on opposait simplement Drag Queens à Drag Kings, c'est-à-dire ceux qui sont des personnes construisant une identité masculine volontairement basée sur des archétypes de façon temporaire le temps d'un jeu de rôle. Les drag queens, qui avaient l’habitude de seulement imiter à l’extrême les codes du glamour féminin, développent de nouvelles catégories afin de faire ressortir leurs singularités. Maintenant on a des drag queer, qui sont des personnages non binaires, dont la féminité et la masculinité n’est pas exagérée, des Creature Queen, qui jouent sur le registre de l’horreur et de la science-fiction. Il y a une variété de catégories qui se fait au-delà des identités du genre, des identités de chacun.»
«Je ne suis pas d’accord avec ces réactions. France TV Slash (le diffuseur, ndlr) avait déjà l’habitude de diffuser des émissions portant sur la communauté queer et la sexualité. Les membres de la production de l'émission "RuPaul Drag’s Race France" sont eux-mêmes issus de la communauté LGBTQIA+. Il a été d’autant plus difficile pour eux de proposer une émission qui transgresse les genres sur une chaîne de service public comme France Télévisions. Lorsque des entreprises utilisent l’image des drag afin de faire du profit, là, on peut parler de "pinkwashing". Et en même temps, même si les entreprises se servent de leur image à des fins financières, cela permet tout de même d'augmenter la visibilité de la communauté des drag queen. Le pinkwashing nous fait exister. Donc oui, ils font de l’argent sur notre dos. Mais on règne de plus en plus à travers ces marques, contrairement à d’autres qui ne souhaitent pas inclure les drag dans leurs publicités.»
«La diffusion de cette télé-réalité a eu un effet positif : voir des drag à la télé a permis de faire évoluer les mœurs sur eux. Mais les performances et les apparences des drags sont codifiées, avec des défis de costume et des catégories de drag queens, relatives à la version américaine de l’émission. L’émission n’est pas forcément fidèle non plus à la communauté des drag existantes dans la mesure où tout est construit pour divertir le téléspectateur.»
«Je trouve ça bien. Ça montre que les drag comptent. Voir des drag queen égéries inspire ceux qui n’osent pas se lancer. Face à des publicités, ils se disent "moi aussi je peux le faire". Pour moi, le drag doit être accessible à tout le monde. Voir des drags sur des affiches dans la rue, se rendre compte que les drags deviennent de plus en plus présents dans l’espace public, c’est cool. Les drag shows qui sont normalement réservés aux espaces intimistes, ont toujours été de l’ordre privé, de l’ordre communautaire. Cette nouvelle visibilité dans l’espace public, c’est hyper fort, et ça confronte les personnes qui sont contre les drags, à notre existence.»
Retrouve l’actu sur Metrotime.be