La nouvelle série belge Pandore : «C’est plus un thriller émotionnel qu’une série militante»
La nouvelle série 100% belge Pandore arrive le 13 février sur La Une (RTBF). Metro a rencontré Anne Coesens, actrice et co-autrice de ce thriller très humain qui parle de politique, de pouvoir et de corruption mais qui met surtout les combats des femmes au premier plan.
C’est votre deuxième grand rôle dans une série belge après la Trêve. Comment est-il venu à vous?
«J’ai été contactée par Savina Dellicour et Vania Leturcq (les deux autres co-autrices) à qui la boîte de production Artémis avait proposé d’écrire une série. J’avais déjà travaillé avec elle sur leurs longs-métrages et elles m’ont demandé si j’avais envie de les rejoindre à l’écriture. Le rôle s’est imposé comme ça.»
Vous incarnez une juge d’instruction. Comment avez-vous travaillé votre rôle?
«Ce rôle de juge est inspiré d’un roman d’Ian McEwan qui s’appelle ‘L’intérêt de l’enfant’. Quand on a commencé à travailler à trois, on a pris 6 mois à brainstormer pour voir ce qu’on avait vraiment envie de raconter. J’avais apporté ce roman qui mêle de façon très subtile les sentiments d’une femme et ses débats de conscience en tant que juge. Je trouvais intéressant de voir comment la frontière entre la vie personnelle et professionnelle pouvait devenir poreuse. Quand on a une place de pouvoir, on reste une femme malgré tout. Quand on est en charge de décisions aussi importantes et difficiles, comment fait-on pour garder cette frontière étanche? On est parti de ce point de départ là et puis, on a inventé toute l’histoire.»
Diriez-vous que Pandore est une série militante ou engagée pour la cause des femmes?
«Je ne dirais pas qu’elle est militante ou engagée. Le militantisme se situe davantage dans certains personnages, qui sont dans cette mouvance. La série n’a pas de parti pris ou de message à donner mais ses personnages peuvent véhiculer une forme de conviction. C’est plus un thriller émotionnel qu’une série militante. Mais on est trois femmes à l’écriture, on a des personnages féminins très forts dans la série, ça se véhicule peut-être à cause de ça.»
Le générique, en noir et blanc, renvoie aux combats menés par des femmes militantes dans le passé. C’est un hommage à ces femmes-là?
«Oui, c’était aussi une volonté de dire qu’il y a des choses qui ont changé, mais que le combat reste d’actualité et qu’il faut continuer. Il y a ces femmes militantes mais il y a aussi le palais de justice de Bruxelles avant les échafaudages. On a essayé de prendre des images qui résonnent le plus possible avec la série. Et puis, on a demandé à la jeune rappeuse belge Blu Samu de nous écrire un titre pour mettre au-dessus de ces images.»
Il y a deux scènes particulièrement violentes au début de la série. Était-il nécessaire de montrer cette violence à l’écran?
«On s’est beaucoup posé la question, surtout pour celle du viol collectif. Mais on en est arrivé à la conclusion qu’il fallait la montrer parce qu’on ne pouvait pas en faire l’économie. À partir du moment où on la montre, il faut montrer la violence que c’est. Et ne pas essayer de l’amoindrir. Par contre, on a toujours essayé de se placer du point de vue de la victime, de son ressenti et de ne pas avoir un regard de voyeur. On a aussi essayé de comprendre pourquoi de si jeunes hommes en arrivent là, quelle est la dynamique de groupe, quelle est l’injonction à la masculinité qui fait que cette chose-là arrive. On ne voulait absolument pas les excuser mais essayer de les analyser pour comprendre pourquoi ils pouvaient en arriver là.»
Vous pensez que le mouvement #MeToo a initié une nouvelle ère dans le combat des violences faites aux femmes?
«C’est indéniable. Quand je vois tous les podcasts incroyables sur Binge Audio ou les livres de Mona Chollet, je pense qu’il y a toute une mouvance qui est là, qui est très forte. Je crois qu’elle va perdurer et que ce n’est que le début. Le fait que la presse et les médias utilisent le mot féminicide par exemple, c’est une grande avancée et j’espère qu’il y en aura d’autres.»
La notion de pouvoir revient énormément dans la série…
«Ce qui nous passionnait, c’était de montrer comment les personnes de pouvoir font pour que leurs propres émotions, que leur propre frustration ne percolent pas dans leurs décisions. Comment on arrive à garder cette place de pouvoir tout en restant impartial et en prenant les bonnes décisions. Notre arène a vite été les mondes politique, judiciaire et médiatique, qui sont les trois piliers de pouvoirs. Mais les enjeux dans la série sont plus humains, plus universels.»
Pandore est aussi une image de ce que pourrait devenir la Belgique dans un futur proche, avec la radicalisation des discours politiques et la montée du populisme?
«On le ressent très fort du côté flamand, on le connaît un peu moins du côté francophone. On avait envie de voir comment ça pourrait arriver de l’autre côté. On est parti de la réalité pour aller vers la fiction.»
La série ressemble à la fois aux thrillers classiques mais a aussi un côté très réaliste, tant dans les comportements des personnages que dans les dialogues. C’était une volonté de vouloir donner du réalisme à la fiction?
«On a abordé trois milieux que nous ne connaissions pas bien. Il a été primordial pour nous de nous entourer de consultants. Dans toutes les phases d’écriture, on a demandé à des juges d’instruction, des journalistes politiques et des activistes de nous faire partager leurs compétences et qu’ils nous corrigent à chaque étape.»
EN QUELQUES LIGNES
Les élections fédérales approchent en Belgique. Mais voilà qu’une affaire de corruption secoue le sommet du Parti libéral francophone (PLF), évinçant sa tête de liste. Marc Van Dyck (Yoann Blanc), un jeune politicien sans scrupule veut lui succéder, par tous les moyens. Une sordide affaire de mœurs va venir bousculer la campagne électorale. La juge d’instruction Claire Delval (Anne Coesens) va tout faire pour coincer les coupables. Son combat commence avec la rencontre de Marc… Entre drame et thriller, Pandore est une série coup de poing qui ouvre le débat sur des sujets d’actualité brûlants, comme les violences faites aux femmes, la corruption en politique ou encore le racisme. Mais c’est surtout la notion de pouvoir qui ressort de la série, sur ce qu’un être humain est prêt à faire pour l’obtenir ou comment ce pouvoir influe sur la vie privée. Les personnages de la série sont tous plus intéressants les uns que les autres et campés par des acteurs au top! Tournée à Bruxelles, Pandore offre aussi un réalisme saisissant. Et malgré un léger manque de rythme par moments dans la narration, la réalisation, sobre, colle parfaitement aux thèmes de la série.
4/5
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