Moundir: «Koh-Lanta est devenu trop politiquement correct!»

De passage pour première fois à Bruxelles pour la promotion de son récit «Père et fils», c’est un Moundir heureux et apaisé que nous avons rencontré. Covid, famille, télévision, l’emblématique candidat de Koh-Lanta n’élude aucun sujet et se confie avec beaucoup de sincérité.

par
Thomas Wallemacq
Temps de lecture 9 min.

En mars dernier, vous avez été frappé de plein fouet par la Covid (ndlr, Moundir est resté cinq jours en réanimation). Comment vous sentez-vous aujourd’hui?

«Je me suis 100 fois mieux qu’il y a 90 jours. Je parle et je marche, ce qui n’était pas le cas il y a trois mois, donc je suis heureux. Je n’ai pas eu peur car on n’a pas le temps d’avoir peur. Je n’arrivais plus à respirer et je me suis laissé aller, tout simplement, en acceptant mon destin. J’ai eu le temps et prévenir ma femme et mes frères et j’étais prêt à partir. Mais la vie en a décidé autrement. J’ai effleuré la mort mais il s’est passé quelque chose et je suis revenu à la vie. Et tant mieux!»

Avez-vous encore des séquelles?

«Je suis encore sous traitement. J’ai encore des particules de Covid dans le poumon et j’ai un dernier bilan à faire le 13 juillet. Mais je m’entraîne tous les jours pour récupérer toutes mes facultés pulmonaires. Mon poumon gauche est carrément mort et il faut faire revivre tout ça.»

Pour ce premier livre, vous auriez pu dévoiler les coulisses du monde de la télévision mais vous avez choisi de livrer un récit beaucoup plus personnel. Est-ce que c’était une évidence pour vous?

«Il n’y avait aucun intérêt pour moi de parler de téléréalité car il n’y a rien d’intéressant à raconter. D’autres personnes l’ont fait avant moi et j’aime bien sortir des sentiers battus. Il n’y avait qu’une seule chose que je voulais raconter: la transmission des valeurs de père en fils. C’était au fond de mes tripes. Je pense que ça manque énormément dans le monde dans lequel on vit.»

Vous avez traversé de nombreuses épreuves dans votre existence mais vous semblez revenir plus fort à chaque fois…

«Oui, absolument! C’est une sacrée vie mais je ne regrette rien. La vie m’a fermé une porte mais m’en a ouvert dix derrière. C’est aussi ce qui m’a permis d’écrire ce bouquin car je fais des parallèles entre mon père et moi. Malgré qu’il fût talentueux et qu’il faisait des choses exceptionnelles de ses mains, il a toujours eu des grosses embûches. J’ai eu les meilleurs exemples du monde, mon père et ma mère. Ils ont toujours travaillé sans rechigner et ils ne se sont jamais plaints.

En lisant votre récit, vous m’avez à plusieurs reprises donné l’impression que «c’était mieux avant».

«Vous avez entièrement raison. C’est exactement ça et je ne vais pas changer ce que j’ai écrit. Malgré le fait qu’il y avait de la stigmatisation, on vivait dans un monde qui était top. Il y avait beaucoup de respect. On n’a jamais mal parlé à nos professeurs ou aux gardiens d’immeubles. On a fait des bêtises mais on était des gens très respectueux. On s’amusait. On y avait une osmose et un vrai truc dans les quartiers. Aujourd’hui, on ne donne pas les moyens aux jeunes de s’amuser, on ne leur donne pas de perspectives, on leur ferme les portes.»

Il y a un passage très touchant dans lequel vous confiez ne pas vous souvenir avoir partagé un baiser ou un câlin avec votre père…

«Rien que le fait de mettre sa main sur notre épaule ou de faire un sourire, ça voulait tout dire. Il y avait la force de mon père et la douceur de ma mère. Mais on aimait notre père comme ça. On savait qu’il aimait ses enfants. Comme c’était déjà le cas avec son propre père, il apportait l’amour d’une autre manière. Pour eux, si leurs enfants allaient bien, tout allait bien. Mais bizarrement, alors que j’ai vu mes parents travailler durement, je refais la même chose parce que je suis papa et je veux que mes enfants ne manquent de rien. Je suis un papa poule, je prends ma fille dans mes bras et je l’embrasse. Mais malheureusement, je suis souvent au travail. Moi qu’il me manque quelque chose, ce n’est pas grave. Mais mes enfants, ce n’est pas normal. Donc je défonce les murs pour eux.»

La thématique du racisme traverse tout votre livre. Vous écrivez notamment «J’aimerais seulement que le prénom Moundir vaille le même ‘prix’ que Marcel ou Jean Claude». Avez-vous pensé à ça en choisissant le nom de vos trois enfants?

«Non. La preuve, c’est que je n’ai pas eu besoin de changer de nom pour pouvoir travailler et être dans les meilleures conditions. De plus, j’ai donné le prénom de mon père à mon fils. Je pense qu’on donne les prénoms dont on est fier à nos enfants car ils ont des significations. Même s’ils ont des prénoms qui ne plaisent pas aux gens, leur savoir et leur manière de travailler pourront plaire.»

«Père et fils» est sorti fin mai. Quels retours avez-vous eu?

«Les retours que j’ai eus me font extrêmement plaisir et me touchent énormément. Beaucoup de gens se reconnaissent dans ce livre et me disent qu’il est très touchant et sincère. C’est ma plus belle des victoires et le meilleur des salaires que je puisse avoir. Enfin, le plus important est que ce livre soit un patrimoine pour mes enfants. Ma plus grosse frustration aujourd’hui est que mon père n’ait pas vu sa belle-fille et ses petits-enfants. Je porte cela en moi et je n’arrive pas à le retirer. Quand je quitterai ce monde, mes enfants connaîtront leur papy à travers ce livre.».

Vous avez décidé de reverser l’intégralité de vos droits d’auteurs de ce livre à l’association CéKeDuBonheur. Était-ce important pour vous?

«Cékedubonheur est l’association d’Hélène Sy et d’Omar Sy. Depuis longtemps, je suis engagé auprès des enfants qui souffrent du cancer. Il y a quatre ans, ma fille a été gravement malade et elle a été prise en charge grâce à Sonia, la directrice de l’association. Dans la vie, quand il t’arrive des jolies choses, il faut les rendre. Je ne serai pas plus riche ou moins pauvre avec ce livre et c’était une évidence pour moi de tout donner aux enfants pour améliorer leur quotidien. Ils en ont plus besoin que moi.»

Fin 2002, une annonce pour le casting de Koh-Lanta a changé votre vie. Près de 20 ans, que retenez-vous de cette expérience?

«C’était une expérience inoubliable, avec une fin. Aujourd’hui, il faut fermer à jamais le livre de Koh-Lanta et passer à autre chose. Ce que j’ai vécu, je ne le revivrai plus. Je n’ai plus la même fougue qu’à l’époque. J’ai vieilli, je suis devenu papa et le fait que je sois devenu animateur, je n’ai plus envie d’être candidat. Puis, ça me prend la tête de m’entraîner comme un dingue pour une performance dont en fait on n’en a strictement rien à foutre. Koh-Lanta a été une étape dans ma vie que je n’oublierai jamais mais c’est un livre que j’ai fermé et que j’ai mis dans une bibliothèque.»

Avez-vous quand même été contacté par la production pour le casting de Koh-Lanta All-Stars qui arrive à la rentrée?

«Non, pas du tout, et cela ne me dérange absolument pas d’ailleurs. Je suis passé à autre chose et je pense qu’ils l’ont senti eux aussi. Et aussi, parce que je suis trop cher!»

Les images de votre premier casting de Koh-Lanta paraissent aujourd’hui très surprenantes. Avez-vous des regrets?

«Disons que là, j’étais un peu envoûté comme on dit! (rires) Mais il fallait se démarquer des autres et avec tout ce que je vivais comme refus, je n’avais pas d’autres choix que d’être déterminé. Il fallait que je me mette en avant. Et puis, entre 2003 et 2021, il y a le Grand Canyon entre les deux. Aujourd’hui, je ne suis plus le mec avec beaucoup d’ego qui débarquait dans un casting pour se vendre.»

Aujourd’hui, continuez-vous de regarder Koh-Lanta?

«Je continue à regarder mais pas assidûment. Je pense qu’aujourd’hui Koh-Lanta manque de candidats un peu plus investis. C’est devenu trop politiquement correct! J’ai trouvé que la dernière saison n’était pas percutante. Mais il faut rendre à César ce qui appartient à César: il faut beaucoup de courage pour aller là-bas, car on souffre terriblement lors de cette aventure.»

Dans le livre, vous évoquez votre amitié avec Tony qui était avec vous sur le camp en 2003 et que vous côtoyez toujours aujourd’hui.

«On a gardé contact et c’est comme un frère pour moi. Je connais sa femme et ses enfants que j’ai vu grandir et évoluer. Sa fille est devenue médecin. C’est une amitié fraternelle que je garde à vie. C’est inexplicable. Il n’est pas loin d’avoir 80 ans mais c’est toujours un gros travailleur qui n’a rien perdu de sa fougue. C’est un exemple de travail et de droiture. Comment je pourrais oublier ça, j’ai vécu des choses exceptionnelles avec lui que je ne revivrais plus.»

Jeudi soir, vous avez profité d’être en Belgique pour revoir un autre aventurier…

«Javier, le bijoutier de la Belgique! Oui c’est quelqu’un que j’aime beaucoup aussi. Nous avons mangé un petit bout à Docks Bruxsel. Il a raté le match des Diables Rouges pour passer la soirée avec moi, c’est une belle preuve d’amitiés qui continue!»

Début 2020, vous avez quitté la chaîne W9 car vous souhaitiez devenir producteur mais vous ne vous sentiez pas écouté. Aujourd’hui, quels sont vos projets?

«J’avais besoin d’un plan de carrière, d’évoluer et d’autres formats. Comme W9 ne m’offrait pas cette possibilité, j’ai préféré partir. Ce qui m’intéresse dans la vie, c’est d’évoluer et de prendre des risques, sinon elle ne vaut rien. En quittant W9, j’ai signé dans le collectif d’Arthur. Je suis coproducteur et nous avons développé nos propres formats. J’espère qu’il y en a un des deux qui passera à la télé l’année prochaine. En septembre, on me verra déjà dans une émission où je ramène des candidats dans la mangrove.»

En quelques lignes

Dans «Père et fils», Moundir se livre avec humilité et sincérité. On découvre le vrai Moundir Zoughari, un homme à des années-lumière du garçon un peu arrogant qui participait à Koh-Lanta en 2003. Dans ce récit, il revient sur son enfance et sur son parcours semé d’embuches. Il livre aussi son ressenti sur la France dans laquelle il vit et sur toutes les barrières qui se sont dressées face à lui. Moundir évoque aussi les deux femmes de sa vie, Inès et sa maman, ainsi que la mémoire de son père. «Père et fils» est un récit touchant que Moundir dédie à ses trois enfants, afin qu’ils puissent connaître l’histoire de leur papa et de leur grand-père.