Notre palmarès alternatif et très subjectif du Festival de Cannes

C’est une année historique pour le cinéma belge, rentré avec trois prix du Festival de Cannes. Mais au-delà du succès de Lukas Dhont (‘Close’), des Frères Dardenne (‘Tori et Lokita’) et du duo Félix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch (‘Les Huit Montagnes’), le palmarès sacrant ‘Triangle of Sadness’ était un peu convenu. Voici nos prix alternatifs, et parfaitement subjectifs !

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 4 min.

Prix de l'Ubiquité : Sandrine Kiberlain et Vincent Lacoste

Trois films chacun ! Réunis dans l'amusant 'Parfum Vert' de Nicolas Pariser, une comédie partiellement tournée à Bruxelles et rendant hommage à l'univers de 'Tintin', le duo d'acteurs dénote mais convainc facilement en enquêteurs du dimanche traqués par une organisation secrète. Un climax cannois pour Kiberlain comme pour Lacoste, la première ayant présenté la comédie 'Chronique d'une liaison passagère' et le film d'action 'Novembre', et le second s'essayant à la langue de Shakespeare dans 'Irma Vep', et jouant les Power Rangers français dans 'Fumer fait tousser'.

Prix de l'absentéisme : Diam's

La moyenne d'âge est descendue d'un coup lors de la projection de 'Salam', le documentaire de Mélanie Diam's, presque sortie de nulle part après dix ans de silence. De quoi se distancier du refrain actuel sur la désertion des salles par les jeunes à la faveur de Netflix et consorts. Mais en accord avec son nouveau train de vie, l'interprète de 'La Boulette' s'est contentée d'envoyer une courte vidéo d'introduction au film, soulignant qu'elle espérait que personne n'y verrait du mépris ou du dédain. L'amour l'a vite emporté, avec un « On t'aime Mélanie » lancé par un jeune homme vers l'écran, suivi d'une pluie d'applaudissements des spectateurs, tous bien décidés à kiffer la vibe.

Prix de la Fumette : La scène d'accouchement dans 'Men'

À Cannes, les séances de minuit sont souvent réservées au films choc. Mais personne ne s'attendait à voir un homme nu se transformer en énorme boule de chair, et pondre des nouvelles versions de lui-même à travers un vagin usurpé à l'héroïne estomaquée du thriller féministe 'Men'. Un message on ne peut plus clair sur la violence cyclique, et des images trash réinventant joyeusement le concept de poupées russes. Mais attention, risque de bad trip !

Prix du Kleenex : ‘Close’ de Lukas Dhont

Lukas Dhont, le nouvel enfant chéri du cinéma belge, ne s'est pas contenté de gagner le Grand Prix du Jury. Il a aussi sérieusement fait grimper la consommation de mouchoirs parmi les festivaliers, massivement émus par son superbe portrait d'un ado sortant de l'enfance abruptement. Avec, pour effet, le plus rare des compliments cannois : pas un seul bruit tout de long dans la salle de projection... En dehors des reniflements humides bien sûr.

Prix de l'Entourloupe : La Belgique

Trois films en compétition, un privilège habituellement réservé à la France, limitant de facto le nombre de films francophones susceptibles de la rejoindre. Mais l'union fait la force apparemment, puisque le bilinguisme de 'Close', et le tournage en italien des 'Huit Montagnes' (photo) ont permis à ces deux films de rejoindre les Dardenne dans la cour des grands. Plutôt finauds les Dikkeneks !

Prix du Pétard mouillé : 'Elvis' de Baz Luhrmann

Le réalisateur de 'Moulin Rouge' nous avait promis un retour en forme après le succès mitigé de 'Gatsby'. Avec le bel Austin Butler dans les costumes pailletés du King, et Tom Hanks dans la peau de son manager cupide, on était prêts à retrouver notre âme de midinette. Mais au-delà de quelques scènes musicales franchement jouissives, le film reste en surface et se perd dans l'habituel rengaine des biopics sur la déchéance de nos icônes populaires. A little more conversation, a little less action, please !

Prix de l'Impatience : La moitié des spectateurs de 'Coupez'

« J'ai rien compris, je suis parti après 20 minutes » ! Présenté en ouverture du festival, la comédie de zombies avec Romain Duris et Bérénice Béjo a fait hurler de rire le public. Enfin, celui resté jusqu'au bout, puisque le film commence par une longue intro, sorte de film dans le film servant de tremplin vers les gags à suivre. Imaginez le faux film 'Red is Dead' de 'La Cité de la peur', mais prolongé de 30 minutes, et sans explication au préalable... Vous seriez resté ?

Prix de la bonne conscience : Le greenwashing du Festival

Un tapis rouge recyclé et des voitures hybrides et électriques pour le transport des stars, le festival s'est (enfin) mis au vert en 2021, allant même jusqu'à faire payer une taxe carbone de 30€ aux festivaliers cette année. Ceux-ci ne semblent toutefois pas dupes, au vu de l’absence quasi-totale des fontaines d'eau promises pour remplacer les bouteilles en plastique, et de l'absence de mesures pour diminuer la quantité de déplacements en avion vers la Croisette. Kermit la Grenouille des Muppets nous avait pourtant avertis : It's not easy being green !