1 repas 1 euro: Des recettes simples et pas chères capables de changer des quotidiens
«Je m’appelle Marina, j’ai 22 ans et je vis à Lille. Mon parcours scolaire a été un peu chaotique puisqu’après mon bac, je suis parti en fac de médecine. J’ai énormément travaillé cette année-là mais je n’ai pas réussi. Sur le coup, j’étais vraiment au fond du gouffre mentalement car pour moi, je voulais être médecin et rien d’autre. Je me suis ensuite orientée vers la psycho. Mais lors du premier confinement, je fais partie des étudiants qui ont décroché. Je n’ai pas réussi à suivre les cours à distance et j’ai arrêté les études. J’ai trouvé un job d’assistante de communication totalement par hasard et j’ai commencé à travailler.»
«Comme beaucoup de monde, pendant le premier confinement, j’ai eu plus de temps pour cuisiner. C’est quelque chose que j’aimais depuis toute petite mais que j’avais délaissé durant mes études. Comme j’étais confinée et que je ne sortais pas de chez moi, j’ai commencé à poster des recettes sur Instagram. Et puis en avril dernier, je me suis rendu compte que cela me plaisait de créer du contenu pour les réseaux sociaux et que j’avais envie de le faire. Mais j’avais cette fois, j’avais envie d’avoir un but et de savoir où j’allais. Comme j’ai moi-même été confrontée à la précarité, j’avais envie de faire quelque chose par rapport à ça. De plus, lorsque j’ai décroché de mes études, j’ai attrapé une maladie de l’estomac et je me suis retrouvée en dénutrition sévère. J’ai commencé à vivre moi-même les conséquences de ce qu’il se passe lorsqu’on ne mange pas ou lorsqu’on mange mal. Le confinement a été une période horrible pour les étudiants. Nous étions lâchés par les universités, rien ne se mettait en place et j’avais l’impression que personne n’en parlait. La combinaison de tout cela a fait que je savais vers quoi je voulais orienter mon contenu et j’ai donc lancé 1repas1euro sur Twitter.»
«Je propose deux sortes de contenu. D’une part, il y a des recettes pour lesquelles je calcule le coût pour qu’elles reviennent à moins d’1 € par personne, tout en ayant une portion satisfaisante en termes de rassasiement et de calories. L’objectif est que ces recettes soient bon marché, faciles et rapides. Elles peuvent être réalisées par tout le monde, même avec peu d’équipements, et sans avoir besoin d’ingrédients difficiles à trouver. D’autre part, j’ai créé des plannings «anti charge mentale». C’est un livret qui contient un menu détaillé pour tous les jours de la semaine. Il n’y a qu’à suivre, sans réfléchir, les pages et la liste des courses. À la fin, je mets une capture d’écran du panier dans un supermarché en montrant quels articles doivent être pris. Les gens savent ainsi à l’avance combien ils vont devoir payer. Le but est d’enlever toute la charge mentale. Ils savent qu’ils n’auront pas à devoir retourner faire des courses dans la semaine ou encore qu’ils n’auront rien à jeter car je réfléchis les menus pour que la totalité des produits périssables soit utilisée. Je calcule aussi au niveau des dates de conservation. Par exemple, si je mets un produit comme de la crème fraîche le lundi, je sais que ça se conserve maximum trois jours après l’ouverture donc je vais l’inclure dans les jours suivants.»
«Bien sûr, il n’y a pas que les étudiants qui sont pauvres. Depuis que j’ai ouvert le compte sur Facebook, je me suis rendu compte que cela aide aussi des personnes retraitées qui ont une petite retraite. Je suis également suivi par des personnes qui ne sont pas précaires. Elles me disent avoir les moyens de faire des courses mais entre le travail, les enfants et les angoisses liées à la crise sanitaire, elles n’ont pas le courage de réfléchir aux courses. Au-delà de l’aspect économique, il y a aussi beaucoup de personnes qui sont surchargées mentalement.»
«En fait, au plus vous cuisinez, au plus vous avez des idées qui viennent toutes seules. Il y a aussi beaucoup de personnes qui suivent mes recettes et qui les modifient, j’adore ça. Je vois que cela redonne l’envie de cuisiner aux gens et que cela stimule leur créativité. Il y a plein de gens qui postent leur photo en disant qu’ils ont remplacé tel ingrédient pour ça. Au final, la recette de base a été modifiée des centaines de fois et il en existe plein de versions. Je trouve ça super.»
«Sans hésiter, c’est une sorte de pain qui se fait à la poêle et qu’on peut fourrer, sucré ou salé, à l’intérieur. C’est la recette qui a vraiment eu le plus de succès car elle est déclinable et qu’elle ne nécessite que de la farine, de la levure, de l’eau, du sel. Ensuite, on met ce qu’on veut à l’intérieur. Elle est accessible à tous, il ne nécessite pas de four et elle peut convenir à tous les régimes.»
«C’est surprenant mais franchement, oui! Les personnes testent la recette, postent leur photo et cela parvient à convaincre même les plus sceptiques.»
«Il me permet de me professionnaliser, de toucher plus de monde, et d’offrir plus de possibilités. J’avais envie de tout centraliser de façon beaucoup plus pratique sur une plateforme créée selon mes goûts.»
«Avec le confinement, beaucoup de personnes se sont retrouvées en très mauvaise santé mentale. Quand on n’est pas bien, on n’a très peu d’énergie. Je voyais beaucoup de personnes qui étaient tellement fatiguées que cuisiner devenait un effort trop important pour elles. J’ai donc voulu créer un livret de recettes qui permet de se faire un plat complet sans avoir besoin de cuisiner. Cela peut paraître anodin mais pour certaines personnes qui ont notamment des soucis de santé physique, le fait de rester debout pour faire un œuf au plat, c’est impossible. Même chose pour certaines personnes qui ont des douleurs chroniques et qui doivent attendre 10 minutes pour que l’eau bouille. Ce ne sont que des recettes qui se font avec des produits prêts à être consommés tout en restant assez sains. Vous n’avez besoin que d’une bouilloire ou d’un micro-ondes. J’ai voulu proposer quelque chose de qualitatif et varié avec 100 recettes. J’ai eu des retours très touchants de personnes qui ont des difficultés ou qui sont malades. J’ai l’impression qu’on oublie ces personnes et que personne n’y pense alors qu’elles sont de plus en plus nombreuses.»
«Je ne vais pas mentir, moi aussi je dois payer mon loyer et mes factures et les retweets ne remplissent pas mon frigo. Vu le temps que ça me prend, si je veux faire ça à temps plein, il faudra que je trouve une manière de me faire de l’argent. Mais je ne veux pas gagner de l’argent sur le dos de mon public. Pour moi, ça n’a pas de sens. Je fais des choses pour aider les personnes précaires donc je ne vais pas leur demander de l’argent. Ça n’a jamais été ma motivation. Parfois je lis des témoignages qui me retournent de personnes qui à la fin du mois doivent choisir entre acheter du papier toilette ou à manger, ou entre des croquettes pour le chat ou de la nourriture pour eux. Dans ces moments-là, je me dis que l’argent ne compte pas par rapport à l’humain. Ça devient dérisoire quand vous lisez des situations aussi graves et urgentes.»
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