«Ça me travaille depuis longtemps» ces étudiants qui plaquent les grandes écoles pour l’écologie

Étudiants de grandes écoles, leurs convictions écologistes et leur quête de sens les poussent à se détourner de la voie toute tracée d’industriel, de banquier ou «de patron du CAC 40», qui ne les fait plus rêver.

par
AFP
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En France, près de 30.000 étudiants ont rejoint le collectif Pour un réveil écologique, créé en 2018, un mouvement encore marginal. Carla Dominique l’a fait en janvier. Elle raconte avoir «radicalement changé» après un projet scolaire qu’elle a consacré aux jeunes Européens engagés pour le climat, en première année à l’école de commerce EM Lyon.

«Pendant ce voyage en train dans toute l’Europe, c’était dur d’entendre parler toute la journée des ravages du réchauffement climatique. Cette éco-anxiété, je l’ai transformée en action», explique la stagiaire de 22 ans, chargée de projet développement durable au groupe de médias Les Echos-Le Parisien.

«On se sent incompris parfois alors c’est rassurant d’être avec des gens qui ressentent la même chose que moi. Maintenant je suis engagée individuellement, dans une association, mais aussi dans mon travail, comme je le souhaitais».

Faire bouger les choses depuis le «coeur de la machine», c’est aussi le projet d’Adam Poupard, 22 ans, étudiant à la plus prestigieuse des écoles d’ingénieurs françaises, Polytechnique, surnommée l’X. «Lorsqu’on intègre une grande école on ne se pose pas forcément la question de ce qu’on va faire plus tard. Quand on est bon en maths au lycée on va en prépa, et quand on est bon en prépa on va à l’X», résume-t-il pour expliquer comment il n’a longtemps pas eu besoin de se projeter dans l’avenir.

Hésitation

Aujourd’hui, il critique les modèles présentés aux étudiants de ces grandes écoles: «Des patrons du CAC 40 qui ne sont pas des modèles de sobriété». Pour autant, pas question pour lui de tourner complètement le dos à ce monde: il s’imagine élu territorial et membre de cercles de réflexion. Engagé dans plusieurs associations écologistes dans son adolescence, il hésite encore à rejoindre le monde associatif. «Ça me travaille depuis longtemps mais je pense que mon diplôme serait plus valorisé si j’essaye de changer les choses de l’intérieur.»

À l’ESCP, grande école de commerce, depuis septembre, Guillaume Majubert, 20 ans, hésite aussi sur la route à emprunter, alors qu’il suit en parallèle un CAP de cuisine en ligne. Une seule certitude: il veut commencer sa carrière dans l’écologie, dans le public ou dans le privé.

Changer la société cela passe aussi par les comportements individuels. Ces étudiants sont partisans de la sobriété. Ils sont devenus végétariens, ont arrêté de prendre l’avion, d’acheter des vêtements neufs, consomment local… «Il faut être imaginatif pour que ça ne soit plus une contrainte», explique Carla Dominique, grande voyageuse. Elle réalise ses trajets en Europe en train, quitte à faire une semaine de voyage pour se rendre en Finlande le mois prochain. «Je voyage tous les étés mais j’ai trouvé d’autres manières de faire.»

«Désirs factices»

Guillaume Majubert, a eu «l’impression de rater des choses» lorsqu’il a décidé d’arrêter de prendre l’avion pour passer trois jours à Londres ou Barcelone, comme le font ses amis. «Aujourd’hui je sais que je me sentirais mal si je le faisais», explique l’étudiant de 20 ans.

«La sobriété fait peur à ceux qui possèdent, les plus âgés. Pour notre génération, c’est moins désagréable car nous sommes moins attachés à la possession de voiture, de logement», estime Adam Poupard, le polytechnicien. Cependant, il est conscient qu’au sein de la prestigieuse école, peu de ses amis partagent ses préoccupations.

Guillaume Majubert va plus loin: «Dans notre société, on n’arrive pas à se réaliser par autre chose que la consommation, alors que ce sont des désirs factices créés par les entreprises, les marques», dit-il, excédé.

Tous ont formé leur conscience écologique grâce à des lectures, grâce aux réseaux sociaux. «Les informations sont là. Il faut juste avoir envie d’aller les chercher», selon lui.

Ils plaident pour une meilleure formation des élèves aux enjeux environnementaux, mais «certains n’ont pas envie d’être formés», ajoute Guillaume, amer.