Cela coûte de plus en plus cher de se loger en Europe et la crise sanitaire a amplifié le problème
Se loger coûte de plus en plus cher en Europe, au point dans certaines villes comme Berlin de faire descendre des manifestants dans les rues.
Les prix de l’immobilier résidentiel ont continué de grimper durant la crise sanitaire, tirés par une nouvelle demande d’espace de la part de certains ménages.
Dans la zone euro, le prix des maisons et appartements a augmenté de 6,2% au premier trimestre comparé à un an plus tôt, la hausse la plus élevée depuis mi-2007, selon la Banque centrale européenne (BCE).
L’organisme statistique européen Eurostat observe une hausse de près de 30% des prix d’achat des logements en Europe depuis 2015. «On ne construit pas suffisamment au regard des besoins», assure à l’AFP l’économiste Sandrine Levasseur, spécialiste des questions européennes et du logement à l’Observatoire français des conjonctures économiques.
La hausse est ainsi particulièrement importante dans un petit pays comme le Luxembourg (+17% sur un an au premier trimestre 2021). La pandémie a accentué le problème: les confinements ont stoppé les constructions, et des difficultés d’approvisionnement en matériaux continuent de retarder les chantiers.
En parallèle, de nombreux foyers enfermés dans des appartements pendant les confinements ont ressenti le besoin de vivre dans des espaces plus grands, hors des métropoles.
Certains changements
Ceux qui disposaient de «revenus élevés ou travaillaient dans des secteurs où le télétravail était plus facile» ont pu sauter le pas, indique à l’AFP Marissa Plouin, analyste des politiques publiques de logement à l’OCDE.
Poussée par des taux de crédits immobiliers historiquement bas, la demande a changé «soudainement» poursuit-elle, et fait augmenter les prix.
La BCE a d’ailleurs observé en 2020 une hausse des prix dans les capitales inférieure de 0,7 point à celle de l’ensemble de zone euro, alors qu’elle était auparavant toujours supérieure. Elle l’explique par «une décélération naturelle» des prix déjà très hauts, ou «des déplacements de la demande vers des zones situées en dehors des capitales».
A Paris par exemple, le prix des logements affichait peu d’évolution sur un an au deuxième trimestre, alors qu’il a augmenté de 7% en régions, selon les données des notaires.
Si les prix à l’achat se sont envolés ces dernières années, les loyers observent une augmentation régulière et moins importante. «Il y a toujours un effet retard de plusieurs années difficile à expliquer», indique Mme Levasseur.
Avec la crise sanitaire, ce retard s’est encore accentué. «Cela est probablement lié en partie aux mesures temporaires mises en place par certains gouvernements, comme des gels de loyers ou des interdictions d’expulsions», explique Mme Plouin.
Le Luxembourg a notamment gelé le prix des loyers jusqu’au 30 juin dernier. La Grèce a permis aux travailleurs dont le contrat avait été suspendu de payer seulement 60% de leur loyer. L’Autriche, la Belgique, l’Italie ou encore la République tchèque ont interdit temporairement les expulsions.
«Ce sont des mesures d’urgence. On risque de tomber de haut lorsqu’elles vont commencer à être supprimées, alors que de nombreux foyers ne se sont pas encore remis du choc économique de la pandémie», prévient Mme Plouin.
Barbara Steenbergen, membre du comité exécutif de l’Union internationale des locataires (IUT), craint carrément «une crise sociale».
Dès mars, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans plusieurs villes d’Espagne pour réclamer une loi qui encadrerait les loyers. Et des milliers de Berlinois ont défilé le 11 septembre pour protester contre la hausse des loyers, deux semaines avant un referendum visant à exproprier les grandes sociétés immobilières de la capitale allemande, accusées d’encourager la spéculation et de faire monter les prix.
Pour Barbara Steenbergen, la situation à Berlin témoigne d’un problème plus général en Europe: «Il y a une concentration massive de ces grands propriétaires sur le marché européen, ce qui leur donne du pouvoir, et notamment celui de faire les prix.»
Face à l’incertitude de la crise sanitaire, de nombreux investisseurs se sont tournés vers la pierre, considérée comme une valeur sûre, note la BCE.
Et avec le télétravail qui réduit la demande de bureaux, beaucoup de grands investisseurs se sont retournés vers l’immobilier de logement.
L’économiste Sandrine Levasseur ne croit pas cependant à l’hypothèse d’une bulle immobilière. «C’est très spécifique à Berlin», soutient-elle, évoquant les prix historiquement bas et le fort taux de locataires (80%) dans la capitale allemande.