Cintre, aiguille à tricoter, eau de javel: des pratiques dangereuses qui pourraient faire leur retour pour avorter
Ce 24 juin, les États-Unis sont revenus 50 ans en arrière en mettant fin à la protection du droit à l’avortement. Vingt-deux États – surtout sur la côte ouest et dans le Nord-Est – conserveront le droit à l’avortement. Certains ont même pris des mesures pour élargir l’accès aux IVG, notamment en autorisant davantage de professionnels de santé à les pratiquer ou en augmentant les financements des cliniques. Mais la moitié des États américains, surtout dans le Sud et le centre plus conservateurs et religieux, pourraient bientôt purement et simplement interdire et rendre illégal le recours à l’avortement.
Vous l’avez sans doute remarqué ces dernières semaines sur les réseaux sociaux ou sur les images de manifestations de personnes qui défendent l’avortement, un symbole revient sans cesse: un cintre métallique ensanglanté. En France, le journal Libération a illustré ses unes de ce week-end et de lundi avec ce symbole. L’une d’elle est signée Coco. La dessinatrice, survivante des attentats de Charlie Hebdo, a remplacé les étoiles du drapeau américain par des cintres et les bandes rouges de la bannière étoilée par des traces de sang laissées par des femmes.
Pourquoi les défenseurs du droit à l’avortement brandissent-ils des cintres métalliques? Pour comprendre, il faut revenir 50 ans en arrière, lorsque l’avortement était illégal. Il se pratiquait alors de manière clandestine avec «les moyens du bord», comme un cintre métallique. Avant que l’avortement ne devienne légal, le cintre a longtemps été utilisé par les femmes pour avorter, au risque de leur santé et de leur vie.
Le cintre n’est pas le seul instrument archaïque utilisé pour avorter. En France, l’interruption volontaire de grossesse a été interdite jusqu’en 1975. Pendant de longues années, l’avortement a été pratiqué par des femmes surnommées «les faiseuses d’anges». Elles introduisaient une aiguille à tricoter dans le vagin des patientes pour aller «infecter l’œuf» et déclencher un saignement. «Pour avoir le droit à un curetage, méthode d’avortement propre à cette époque, il fallait déjà saigner, être en cours de fausse couche», expliquait à France 2 la gynécologue Joëlle Brunerie-Kauffmann.
Lors de certaines manifestations en faveur l’IVG, au même titre que le cintre et l’aiguille à tricoter, on retrouve des personnes qui brandissent un bidon d’eau de javel. C’est une technique qui a été utilisée et qui est encore utilisée dans certains pays. En Irlande, l’avortement est également interdit. Cela entraîne que certaines femmes précaires se tournent vers le système D. «Certaines prennent des trucs pas possibles, des cocktails de je-ne-sais-quoi, de l’eau de Javel. Elles se mettent des choses dans le vagin, font des douches…», expliquait en 2018 la médecin Sophie Faherty à Franceinfo. Dans certains pays africains comme le Sénégal ou le Cameroun, l’ingestion d’agents caustiques comme l’eau de javel serait d’ailleurs toujours la méthode d’IVG la plus couramment pratiquée.
Le risque d’avoir recours à un avortement clandestin est réel. Selon les chiffres de l’OMS, entre 4,7% et 13,2% des décès maternels dans le monde résultent d’un avortement réalisé dans de mauvaises conditions de sécurité. À total, 47.000 femmes perdent la vie chaque année dans le monde à cause d’un IVG mal réalisé et non sécurisé, dont 29.000 sur le continent africain.
La décision de la Cour suprême américaine risque ainsi d’avoir des conséquences réelles sur la santé, et sur la vie, de milliers de femmes.