Comment les bars à chicha sont devenus les bistrots de la Gen Z
Depuis ces 15-20 dernières années, la chicha surfe sur un effet de mode. Devenue très populaire auprès des jeunes, sa consommation favorise le lien social et invite à la discussion, comme un moment suspendu dans une société ultra technophile et individualiste où tout va très vite. Loin de l'image stigmatisée des bars à chicha d'antan, la Gen Z s'approprie peu à peu ce lieu de rencontres et le transforme en bistrot 2.0.
Narguilé, waterpipe, hookah, ou chicha… peu importe son nom, sa consommation a fortement augmenté ses 15-20 dernières années. Au point de devenir un usage particulièrement populaire auprès de la génération Z.
Un jeune sur deux a déjà essayé
Selon un rapport de l'OMS remontant à 2006, 100 millions de personnes à travers le monde consommeraient quotidiennement la chicha, surtout en Afrique, en Asie et au Moyen-orient. Mais depuis les années 2000, le narguilé s'est frayé un chemin auprès des jeunes Occidentaux. En 2014, une enquête américaine du Centre for Disease prevention and control notait que la consommation de produits alternatifs à base de tabac, comme la chicha, avait augmentait de 123% auprès des adolescents aux Etats-Unis. Alors que la consommation de cigarettes auprès des jeunes Américains ne cesse de reculer ces dernières années.
Chez les jeunes Français, le constat est le même. Santé Publique France notait en 2017, dans son étude sur les comportements tabagiques à la fin de l'adolescence, qu'au moins un jeune sur deux de 17 ans avait déjà essayé de fumer la chicha.
En 2007, l'Union professionnelle du narguilé avait été créée en réponse à l'interdiction de fumer dans les établissements publics. A l'époque, le syndicat comptait 800 établissements recensés dans toute la France. Aujourd'hui, aucune nouvelle information n'est disponible.
Détente et relaxation
Pourtant, les bars à chicha et l'usage du narguilé se sont démocratisés ces dernières années, grâce notamment à la culture du rap, dont les showcases (performances privées des artistes) sont plébiscités dans ces établissements et à une jeunesse qui investit ce lieu aux allures de bistrots.
Quand la chicha ne se consomme pas dans un espace privé, elle se fume dans des bars. Le plus souvent des espaces tamisés, aux sièges confortables. Le temps est à la détente, à la relaxation, mais aussi au partage à la discussion. Car fumer la chicha exige du temps. Un espace que les habitués mettent à profit pour échanger, discuter, débattre.
Dans un article publié sur The Conversation, le chercheur Samy Mansouri déclare qu'il "est nécessaire de disposer d'un espace-temps long" pour préparer le narguilé, la chicha ne correspondant pas aux mêmes codes de la pause cigarette. D'après l'étude de Santé Publique France sur les modes de consommation de la chicha datant de 2007, les consommateurs passent entre 30 et 50 minutes autour de l'objet.
Selon la même étude, 80% des consommateurs fument à plusieurs, et dans 84,6% des cas, ils fument en groupe plutôt le soir ou le week-end. "Le temps de combustion long du tabamel permet de débuter des débats sur de nombreux sujets", écrit le chercheur.
Les bars à chicha véhiculent des clichés sur les consommateurs. A Lille, le bar à chicha 22 Club refuse l'entrée aux porteurs de joggings, rapporte La Voix du Nord. Une manière de casser les codes et changer l'image collante du bar à chicha. Celle de jeunes en jogging issus de quartiers populaires.
Mehdi Meklat, co-organisateur du festival "Les Chichas de la pensée", confirmait à ETX Studio cette image. Les bars à narguilés sont "des espaces liés à la banlieue remplis de stéréotypes et d'amalgames", que le festival artistique tend à déconstruire. Pour le co-organisateur, le bar à chichas est plutôt l'endroit d'une génération où ont lieu rencontres, discussions et jeux. Un bistrot version 2021 dans une société où la culture urbaine est une ligne directrice pour la jeunesse.