Des proches de Valérie Bacot, qui a tué son mari violent et proxénète, accusent la police
«On nous a envoyé péter»: devant les assises de Saône-et-Loire, dans le centre-est de la France, plusieurs proches de Valérie Bacot ont accusé mardi la gendarmerie de n’avoir «rien fait» contre les violences subies par la femme battue qui ont mené, selon eux, à ce qu’elle tue son mari proxénète.
«Vous vouliez qu’on fasse quoi?», répond vertement Kévin Polette à la présidente de la cour qui lui demande s’il n’y avait pas d’"autre solution», pour sa mère, que d’assassiner son père violent, Daniel Polette, le 13 mars 2016.
L’homme, qui avait violé Valérie Bacot à l’âge de 12 ans quand elle était encore sa belle-fille, est devenu à la fois son mari et son proxénète, avant d’être tué d’une balle dans la nuque par son épouse, parfois vue comme une «nouvelle Jacqueline Sauvage», symbole des violences conjugales.
«On ne peut rien faire»
«On est allé à la gendarmerie», raconte Kévin, 21 ans. «Mais on nous a dit: on ne peut rien faire.» Lui et Lucas Granet, le petit-ami de Karline, seule fille de la fratrie Bacot-Polette, disent avoir tenté par deux fois en février 2016 de signaler les violences auprès des gendarmes. D’abord à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire) où «la réponse a été que c’était pas leur secteur», puis à La Clayette où «on nous a dit que Madame devait venir elle-même», a raconté Lucas Granet lundi soir. Mais «ma mère avait peur», ajoute Kévin mardi.
«Pour porter plainte, c’est compliqué», lance Valérie Bacot, visiblement agacée par l’insistance de l’avocat général Eric Jallet. «Et vous me dites d’aller voir les gendarmes mais vous ne vous rendez pas compte!», s’emporte-t-elle.
«Il y a bien d’autres solutions que de tuer un homme?», renchérit l’avocat général auprès de Kévin, évoquant un «divorce». «Vous voulez qu’on aille où? On était piégé. Il allait nous retrouver», répond le fils. C’est aussi la certitude qu’avait Mme Bacot: lundi, elle a assuré qu’il l’avait déjà menacée de son arme en lui disant: «La prochaine fois, je te louperai pas».
«J’ai du mal à vous croire»
L’enquête n’a mis au jour aucune trace du passage des adolescents à la gendarmerie, ce qui rend l’avocat général très dubitatif. «J’ai du mal à vous croire», lance-t-il à Lucas Granet. «On nous a envoyé péter. On a réellement été à ces deux foutues gendarmeries», s’énerve en retour le témoin. «Mon frère a été voir la gendarmerie et ils n’ont rien fait», assure également Dylan, le frère aîné, 22 ans.
«Mon histoire est le fruit de tant de dysfonctionnements», a résumé Mme Bacot dans un livre intitulé «Tout le monde savait» (Fayard), pointant en particulier le retour de Daniel Polette au domicile familial, dès sa sortie de prison en 1997, où il avait pourtant été enfermé pour l’avoir violée à l’âge de 12 ans.
«On a vécu dans la douleur des coups», assure Dylan, évoquant même une terreur postérieure au décès de son père. «On avait peur qu’il se relève et qu’il nous tue», se rappelle-t-il en évoquant la soirée du 13 mars 2016, lorsque lui, Kévin et Lucas vont enfouir le corps avec leur mère dans un bois tout proche. Les trois hommes ont déjà été condamnés, en 2019, à six mois de prison avec sursis pour recel de cadavre. «On était terrorisé», confirme Karline, 19 ans. «Ma maman se faisait énormément battre».
«On devait tout le temps baisser la tête», ajoute Kévin qui, à 10 ans, découvre une des cartes de visite que son père avait fait imprimer pour prostituer sa femme. Il lui faut alors rechercher «escort-girl» sur internet pour comprendre de quoi il s’agissait.
«Ma mère est non coupable», assure Kévin avec ses mots encore juvéniles. «Je pense que, à force, elle serait morte sous les coups», poursuit Dylan. «Je ne vois pas comment cela aurait pu finir autrement. On en voit tellement de femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint.»