Disposera-t-on bientôt d’un médicament anti-covid?
Les pharmacies compteront-elles bientôt sur leurs étagères des boîtes de médicaments anti-Covid? Après les vaccins, les entreprises pharmaceutiques sont sur les rangs pour développer un traitement à avaler simplement chez soi, avec un grand verre d’eau, en cas d’apparition de symptômes.
Car même s’il vaut mieux prévenir que guérir, comme le dit le proverbe, savoir guérir reste crucial. Plusieurs années seront nécessaires afin que les vaccins soient disponibles partout. Et même une fois qu’ils seront largement diffusés, certaines personnes refuseront toujours la piqûre. Enfin, un très petit nombre de personnes vaccinées tombent malgré tout malades.
Des antiviraux existent déjà contre d’autres virus, par exemple le VIH responsable du sida, ou celui de la grippe (prescriptions de tamiflu). Au début de la pandémie, les financements et la recherche se sont concentrés sur le développement des vaccins, expliquant en partie le retard pris pour mettre au point des antiviraux contre le coronavirus.
Comment fonctionnent-ils? «Les virus sont des petites machines, qui ont besoin de certains composants pour se répliquer», explique à l’AFP Daria Hazuda, biochimiste travaillant sur ces traitements depuis des années. «Les antiviraux sont généralement de petites molécules chimiques, développées pour interférer avec cette machinerie».
«Ils introduisent une mutation dans le virus, et lorsque cela se produit plusieurs fois, ces mutations diminuent la capacité du virus à se répliquer», résume-t-elle. La maladie ainsi freinée, les cas graves, les hospitalisations et les décès peuvent être évités.
Deux projets sont actuellement relativement avancés, testés sur plus d’un millier de personnes (essais cliniques de «phase 3»). Le premier est celui du laboratoire pharmaceutique américain Merck, en partenariat avec la société de biotechnologies Ridgeback Biotherapeutics. Le produit s’appelle Molnupiravir. D’abord développé contre la grippe, il a été modifié pour pouvoir être mis sous forme de pilule. Celle-ci doit être prise deux fois par jour, pendant cinq jours.
Le traitement a été très bien toléré par les quelques centaines de personnes l’ayant déjà reçu. Des analyses sur plusieurs dizaines d’entre elles ont montré que le virus n’était plus détectable au bout de 5 jours pour toutes celles traitées au Molnupiravir, mais il l’était toujours chez 26% du groupe placebo. Les résultats d’essais chez 1.450 adultes supplémentaires sont attendus à l’automne.
Le second projet est celui de l’entreprise pharmaceutique suisse Roche, en partenariat avec l’Américaine Atea Pharmaceuticals. Appelé AT-527, le traitement est testé chez environ 1.400 participants en Europe et au Japon, cette fois dès 12 ans. «Nous nous attendons à demander une autorisation aux régulateurs d’ici la fin de l’année et à lancer le médicament en 2022», a déclaré à l’AFP Jean-Pierre Sommadossi, PDG d’Atea.
Un troisième projet, moins avancé, est développé par Pfizer. Contrairement aux autres, le traitement appelé PF-07321332 n’a pas été réadapté mais développé spécifiquement contre le SARS-CoV-2, le virus causant le Covid-19. Il est testé chez environ 60 adultes, avec des résultats attendus d’ici fin juin.
Chez Merck comme chez Roche, le médicament doit être pris cinq jours maximum après l’apparition de symptômes. En effet, la réplication du virus est maximale durant la première semaine. «Le plus tôt vous soignez avec un antiviral, meilleure sera l’issue», explique Daria Hazuda, qui dirige les recherches pour le médicament de Merck.
C’est ce qui explique le relatif échec du Remdesivir, seul antiviral contre le Covid-19 autorisé jusqu’ici. Produit par le laboratoire américain Gilead Sciences, il doit être administré par intraveineuse à l’hôpital. Les patients sont ainsi trop avancés dans la maladie pour en tirer un vrai bénéfice. Une fois les pilules disponibles, le principal défi sera donc de diagnostiquer les patients très tôt. Afin d’accélérer le processus, «les tests à domicile vont devenir de plus en plus importants», prédit Jean-Pierre Sommadossi.
Mais ces antiviraux devraient aussi pouvoir être utilisés en prévention: par exemple, lorsqu’un membre d’une famille se trouve infecté, les autres pourront prendre le traitement afin d’éviter de développer la maladie à leur tour. Contre la grippe, les scientifiques savent que cette utilisation du tamiflu est très efficace.
Enfin, les experts sont confiants dans la capacité des antiviraux à rester efficaces contre les variants, ainsi que contre d’autres coronavirus -- y compris, potentiellement, certains encore inconnus.
C’est un avantage conséquent comparé à un autre traitement existant, les anticorps de synthèse. En plus d’être contraignants car injectés par intraveineuse, les anticorps sont très spécifiques au virus qu’ils combattent, et ont donc peu de chances d’être efficaces contre de futurs coronavirus.
Des avancées porteuses d’espoir, selon Daria Hazuda: «On peut imaginer un avenir où (un antiviral) pourrait être utilisé largement, indépendamment du diagnostic, pour soigner et empêcher de multiples infections respiratoires.»