Facebook conçu pour exploiter les émotions négatives des gens? Les révélations fracassantes de Frances Haugen
Frances Haugen, ancienne cheffe de produit chez Facebook, a été entendue par les sénateurs américains qui ont promis de mieux réguler la plateforme.
Mardi, durant plus de deux heures, Frances Haugen, a été entendue par le Congrès américain. Cette ancienne cheffe de produit chez Facebook a étalé avec précision et de manière intelligible quelques-unes des pratiques du géant de Menlo Park (Californie) pour attirer les jeunes utilisateurs et augmenter sans cesse leur consommation de ses plateformes, Instagram en particulier.
«Ils financent leurs profits avec notre sûreté»
«Nous avons encore le temps d’agir. Mais il faut le faire maintenant. Facebook ne devrait pas être laissé libre de choisir la croissance, la viralité (…) aux dépens de la sûreté du public. (…) Ils financent leurs profits avec notre sûreté», a exhorté Frances Haugen, ingénieure qui a quitté Facebook en mai dernier après deux ans passés au sein de l’entreprise, devant les membres de la commission sénatoriale du Commerce.
Exploitation des émotions négatives des gens
Frances Haugen estime que Facebook sait que ses systèmes nuisent aux personnes vulnérables (enfants susceptibles de se sentir mal dans leur corps ou adultes plus exposés à la désinformation). Elle va plus loin en indiquant que la plateforme est conçue pour exploiter les émotions négatives des utilisateurs afin de les garder plus longtemps en ligne. «Les enfants utilisent Instagram pour s’apaiser, mais sont du coup exposés à de plus en plus de contenus qui les font se détester eux-mêmes», a-t-elle déclaré.
Pour étayer ses allégations, elle s’appuie sur les deux ans qu’elle a passés au sein de l’entreprise et sur des milliers de documents qu’elle a emportés avec elle au printemps dernier. Déjà présentés, pour partie, par le Wall Street Journal mi-septembre, ils montrent que les chercheurs de Facebook ont mis en évidence le fait qu’une partie des adolescentes utilisatrices d’Instagram sont encore moins à l’aise avec leur corps qu’elles ne l’étaient auparavant. En effet, des études menées par Facebook ont notamment montré que 32% des adolescentes estimaient que l’utilisation d’Instagram leur avait donné une image plus négative de leur corps lorsqu’elles n’en étaient déjà pas satisfaites.
Facebook vise la prochaine génération
Tout au long de la séance, l’ombre de Mark Zuckerberg, co-fondateur et PDG de Facebook, a plané sur le Congrès. Mais il n’est pas intervenu depuis le début du scandale déclenché par Frances Haugen. Plusieurs sénateurs l’ont publiquement invité à venir répondre à leurs questions. Au sujet de la version d’Instagram pour les moins de 13 ans, projet officiellement suspendu fin septembre, l’ingénieure a expliqué qu’elle ne voyait pas Facebook renoncer. «Ils doivent s’assurer que la prochaine génération est tout aussi investie dans Instagram que celle d’aujourd’hui.»
«Personne ne connaît ce qui se passe à l’intérieur de Facebook»
Frances Haugen affirme également que Facebook a supprimé, après l’élection présidentielle américaine, des filtres contre la désinformation pour favoriser une augmentation de la fréquentation de ses plateformes, qui ont ensuite été utilisées par des internautes pour préparer le rassemblement du 6 janvier à Washington, qui a mené à l’intrusion au Capitole. «J’ai pris l’initiative (de témoigner) parce que j’ai réalisé une vérité effrayante: presque personne en dehors de Facebook ne connaît ce qui se passe à l’intérieur de Facebook. La direction de la compagnie cache des informations vitales au public, au gouvernement américain, à ses actionnaires et aux gouvernements du monde entier.»
Quelles solutions pour changer Facebook?
«Facebook doit assumer la responsabilité de ses choix», a-t-elle réclamé, «être prêt à accepter de petits compromis (susceptibles d’affecter) ses bénéfices». Pour la lanceuse d’alerte, il faut imposer à Facebook davantage de transparence et de partage d’information, avec l’aide d’un nouveau régulateur dédié aux géants d’internet, à même d’appréhender la complexité de ces plateformes.
L’informaticienne de 37 ans estime que Facebook pourrait facilement changer et améliorer son mode de fonctionnement, notamment en organisant les publications par ordre chronologique plutôt que de laisser l’algorithme se charger de prédire ce que les gens veulent voir. Selon elle, si Facebook ajoutait un clic en plus avant de pouvoir partager une publication, cela réduirait la désinformation et les discours haineux.
Le Congrès promet d’agir
«Le Congrès va agir.» «Il est temps.» Exhortés mardi par une lanceuse d’alerte, les sénateurs américains ont promis de mieux réguler Facebook, s’inquiétant de l’influence potentiellement néfaste de ses plateformes sur les jeunes utilisateurs. «L’époque durant laquelle vous avez envahi notre vie privée, promu des contenus toxiques et utilisé des enfants et des adolescents est révolue. Le Congrès va agir», a lancé le sénateur démocrate Ed Markey lors de l’audition.
«Facebook doit assumer la responsabilité de ses choix», a-t-elle réclamé, «être prêt à accepter de petits compromis (susceptibles d’affecter) ses bénéfices». Pour la lanceuse d’alerte, il faut imposer à Facebook davantage de transparence et de partage d’information, avec l’aide d’un nouveau régulateur dédié aux géants d’internet, à même d’appréhender la complexité de ces plateformes.