Guerre en Ukraine: sur les réseaux sociaux, entre solidarité et racisme
Depuis l’attaque de la Russie en Ukraine, un élan de solidarité a envahi les réseaux sociaux. Une fraternité qui a malheureusement mis en lumière les discriminations et le racisme toujours aussi présents malgré la situation catastrophique. Des discriminations aussi bien observées aux frontières de l’Ukraine que dans les médias.
Il y a des mots et des actes qui ne passent pas et les réseaux sociaux ne sont pas près de les oublier. La polémique a commencé en ligne avec des vidéos montrant des expatriés africains qui se sont vus refuser l’accès aux trains pour fuir l’Ukraine, attaquée par la Russie. Une situation qui n’a pas manqué de scandaliser les internautes sur TikTok, Twitter ou encore Instagram. Le journal L’Humanité a même consacré la Une de son dernier numéro, ce mercredi 2 mars, sur ce sujet en titrant: «Une solidarité sélective».
Une réalité également dénoncée sur la chaîne de télévision LCI par Anasse Kazib, candidat à la présidentielle française: «Il y a quelque chose qui se passe aussi en Ukraine et qu’il faut dénoncer, ce sont notamment des personnes issues de l’immigration, qui vivent en Ukraine, et dont on voit beaucoup de vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, qui sont empêchés aussi de pouvoir évacuer, et ça, c’est inadmissible. Il faudrait pouvoir le dénoncer publiquement».
Loin d’être une autre arme de désinformation, cette discrimination a bien été confirmée par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, lors d’une conférence de presse le 1er mars: «Vous avez vu des reportages dans les médias selon lesquels il existe différents traitements avec les Ukrainiens et les non-Ukrainiens. Maintenant, nos observations, et nous ne pouvons peut-être pas encore observer chaque message, mais nos observations sont qu’il ne s’agit pas de politiques de l’État, mais il y a des cas où cela s’est produit. Il y a eu un traitement différent. Il ne devrait y avoir aucune discrimination entre les Ukrainiens et les non-Ukrainiens, les Européens et les non-Européens. Tout le monde fuit les mêmes risques.»
Sur TikTok, les utilisateurs ont par ailleurs dénoncé le traitement de l’actualité, mais cette fois-ci du côté des médias internationaux. CBS News, BBC News ou encore ITV News… de nombreux journalistes ont fait preuve de préjugés racistes: «Ce n’est pas un endroit, avec tout mon respect, comme l’Irak ou l’Afghanistan, qui a vu des conflits faire rage pendant des décennies», a déclaré Charlie D’Agata, correspondant de CBS à Kyiv, à ses collègues en studio. «Vous savez, c’est une ville relativement civilisée, relativement européenne, je dois aussi choisir ces mots avec précaution, une ville où vous ne vous attendriez pas à cela ou n’espériez pas que cela se produise.» Sur la BBC, David Sakvarelidze, l’ancien procureur en chef adjoint d’Ukraine, a tenu des propos qui ont choqué les réseaux sociaux: «C’est très émouvant pour moi parce que je vois des Européens aux yeux bleus et aux cheveux blonds se faire tuer». Sur ITV News, la journaliste a également fait preuve de stéréotypes: «Maintenant, l’impensable leur est arrivé, et ce n’est pas une nation en développement du Tiers Monde; c’est l’Europe.»
Des commentaires qui illustrent un racisme normalisé dans les médias à travers le monde, mettant en évidence une distinction entre les réfugiés blancs face aux réfugiés de couleurs. Sur TikTok, les utilisateurs ont réagi en réalisant des caricatures de ces interventions: «Ce ne sont pas des Syriens, ce sont des gens qui comptent, ce sont des caucasiens blancs, des chrétiens comme nous», a ironisé l’utilisateur Jona sur une vidéo qui cumule jusqu’à présent 3,6 millions de vues sur le réseau social chinois, avant de continuer: «Ce n’est pas un endroit, avec tout le manque de respect qui lui est dû, un endroit comme la Syrie connue pour ses guerres pendant des décennies et son comportement non civilisé, c’est relativement européen, relativement civilisé, je dois choisir mes mots avec soin comme si je ne venais pas juste de manquer de respect à chaque pays en développement.»
Si les internautes ont été nombreux, certains journalistes ont pris position pour dénoncer cette couverture deux poids deux mesures. L’Association des journalistes arabes et du Moyen-Orient a publié une déclaration «concernant la couverture raciste de l’Ukraine qui a vu des comparaisons déshumanisantes, supérieures et insultantes avec le Moyen-Orient».
Ayman Mohyeldin, journaliste chez MSNBC, s’est exprimé sur son compte Instagram : Alors apparemment… larguer des bombes sur l’Afghanistan ne retourne pas le bide, mais l’idée que Poutine le fasse en Europe l’est!? Ils ne peuvent vraiment pas s’empêcher de déshumaniser quiconque n’est pas européen?»